La Jérusalem nouvelle, Beatus de Silos (XI°)

Le 29 Novembre

Chers frères et sœurs,

« Réveille ta puissance et viens nous sauver » :  étrange prière dans le psaume où Dieu est sommé de venir nous sauver ! L’auteur du psaume ne manque pas d’audace, de toupet. Comme si Dieu avait besoin d’être stimulé ! N’est-ce pas plutôt nous qui devons sortir de nos somnolences intérieures. C’est en tout cas ce que nous propose le temps de l’Avent.

Le Seigneur nous parle de son absence en ce dimanche : Le prophète Isaïe nous évoque cette absence de Dieu qui semble avoir abandonné l’humanité : « Tu nous a caché ton visage ». Parfois c’est aussi le cri qui monte de nos cœurs. Que fait le Seigneur, ne peut-il pas nous débarrasser de ce satané virus qui nous empoisonne la vie et même nous empêche de le célébrer normalement ?

Celui qui n’a jamais pensé que Dieu a des absences dans sa vie peut me lancer la 1° pierre. Aïe ! Surtout n’en faites rien !

Si Jésus est parfois absent de nos pensées et de nos cœurs, il semble aussi l’être dans notre monde où nous voyons la souffrance et les désordres se multiplier devant nos yeux effrayés. La Parole de Dieu semble rejoindre notre actualité, notre expérience humaine ; que fait Dieu en tel moment de ma vie ? « Pourquoi Seigneur nous laisses-tu errer ? », crie le prophète ; et crier vers Dieu, nous le savons est déjà un acte de foi ! Même dans les apparences d’absence, Jésus est présent.

Non le Seigneur ne nous abandonne pas ; son absence apparente nous le cache parfois, mais le temps de l’Avent veut éveiller en nous le désir ardent de sa présence : « viens nous sauver » ; le Seigneur ne cesse pas de venir nous visiter, il ne cesse pas de vouloir nous combler de ses richesses.

Jésus dans l’Evangile nous adresse un triple appel à veiller, pour être prêt à l’accueillir à tout instant, pour être prêt à l’accueillir sans doute autrement en ce Noël qui sera si particulier ; trouvera-t-il une place préparée dans notre cœur pour le recevoir ? Tel est l’enjeu de notre Avent ; et les obstacles du moment : les gestes barrières, le confinement, ne doivent pas devenir des « barrières » qui nous empêchent d’accueillir le Christ.

Jésus nous livre une étrange petite parabole pour nous dire cela : un homme quitte sa maison, pour partir en voyage, il est absent, comme Dieu semble parfois l’être, il confie sa charge à ses serviteurs : au portier il est recommandé de veiller. Cet homme disparaît de la parabole et c’est le « Seigneur » de la maison qui réapparaît à l’improviste dans la nuit. Le Christ nous rappelle qu’il est impossible de prévoir le temps de sa venue ; il nous surprendra toujours !

Oui, le Seigneur désire nous rejoindre, là où nous sommes (et non pas là où nous rêverions d’être) ; il nous rejoint dans nos quotidiens qu’ils soient légers ou lourds, dans nos cœurs qu’ils soient serrés ou joyeux ; et si notre cœur est lourd, Paul nous promet que le Seigneur « nous fera tenir fermement jusqu’au bout ».

Le Christ nous attend avec impatience pour nous accueillir et nous donner son amour. Il nous attendra à la crèche. Ne manquons pas le rendez-vous ; il ne sera peut-être pas là où nous l’attendons, mais il sera là.

Laissons-nous surprendre par la venue du Seigneur en nos vies en ce temps de l’Avent !


Père Etienne Maroteaux,
Curé de Sainte-Marguerite et Sainte-Pauline du Vésinet

Le 28 novembre

« Vous aurez la force de vous tenir debout devant le Fils de l’homme », telle est la promesse du Christ en ce dernier jour de l’année liturgique.  

De la force pour nous tenir debout, nous en avons bien besoin pour traverser l’épreuve à longue durée du virus. Nous allons pouvoir reprendre petit à petit le chemin de l’eucharistie, dans des circonstances étranges, non sans craintes et sans questions : demandons que ce ne soit pas une source de division, mais bien plutôt une force de communion entre nous mais aussi pour le monde : « C'est à l'amour que vous aurez les uns pour les autres que l'on reconnaitra que vous êtes mes disciples » (Jean 13,35).

Nous contemplons aussi la vision grandiose et finale de l’Apocalypse, vers laquelle tout le livre converge : la joie de la Jérusalem céleste.  

Je vous invite à relire le magnifique passage en Ap 21,3-7 : « J’entendis une voix forte qui venait du Trône. Elle disait : « Voici la demeure de Dieu avec les hommes ; il demeurera avec eux, et ils seront ses peuples, et lui-même, Dieu avec eux, sera leur Dieu. Il essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus, et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur : ce qui était en premier s’en est allé ». Alors celui qui siégeait sur le Trône déclara : « Voici que je fais toutes choses nouvelles. » Et il dit : « Écris, car ces paroles sont dignes de foi et vraies ». Puis il me dit : « C’est fait. Moi, je suis l’alpha et l’oméga, le commencement et la fin. À celui qui a soif, moi, je donnerai l’eau de la source de vie, gratuitement. Tel sera l’héritage du vainqueur ; je serai son Dieu, et lui sera mon fils ».

La cité céleste accueille par ses douze portes toujours ouvertes (elle ne craint plus les invasions) ; elle est ouverte à toute l’humanité, elle qui est « la cité sainte descendue du ciel, resplendissante de la gloire de Dieu » (Ap 21,10 ); c’est la demeure de Dieu parmi les hommes, le lieu de la paix et de la communion accomplie ; c’est la fin des larmes, parce que Dieu lui-même essuiera toutes larmes ; la Jérusalem céleste n’a plus besoin du soleil, parce qu’elle est illuminée en permanence par le Christ. Elle n’a plus de Temple, puisque Dieu et l’Agneau y sont en présence réelle, permanente. Au milieu de la cité, un seul trône, celui de Dieu et de l’Agneau. Enfin ses serviteurs pourront voir Dieu face à face, dans l’éternité de l’amour.

La ville, c’est le Christ ; de son sein coule le « fleuve d’eau vive, limpide comme le cristal » (verset 1 ; cf Jn 7,37) ; c’est le retour de l’Eden, la Terre Promise enfin accomplie ; la bénédiction de Dieu est pleine et totale, sans retour.  

La même espérance habite les paroles de Jésus dans l’Evangile de Luc de ce jour : la venue du Seigneur est pour toute l’humanité ; elle concerne « tous ceux qui habitent la surface de la terre » (verset 35). « Veillez pour avoir la force de vous tenir debout devant le Fils de l’homme » (Lc 21,36) ; C’est ce que nous redira Jésus dès ce dimanche, quand nous entamerons notre marche vers Noël.

Christ est le premier et le dernier mot de nos histoires humaines. Gardons les yeux ouverts, et l’esprit éveillé pour découvrir à chaque instant le Christ qui vient à nous.

« Voici, je viens bientôt » (Ap, 21,7) : la venue du Seigneur est proche ; c’est une autre histoire, et c’est la même, la nôtre ; elle commence à Noël ; la boucle est bouclée ; nous sommes prêts à entrer en Avent dès ce soir !

 
PS Les messes reprennent, avec le temps de l’Avent, voir la PJ.


Père Etienne Maroteaux,
Curé de Sainte-Marguerite et Sainte-Pauline du Vésinet

Le 27 novembre

Chers frères et sœurs,

Hier, grâce à la Parole du Christ, nous avons commencé à relever nos têtes ; ce matin, suite aux annonces gouvernementales, nous nous levons avec l’impression désagréable, passez l’expression familière, d’une « gueule de bois ».

Un peu d’humour ne fait pas de mal : le ciel et la terre et… les paroles des gouvernements passeront, le Paroles du Christ ne passeront pas.

Ne perdons pas l’encouragement de la Parole : Hier nous avons commencé à relever nos têtes, et aujourd’hui nous voyons de nos yeux ce qui advient : Le figuier perd en hiver toutes ses feuilles ; mais au début du printemps apparaissent les tendres bourgeons annonçant la venue de l’été. « Tel un fruit précoce sur un figuier, en la prime saison, j’ai vu vos pères » (Os 9,10).

Le figuier qui bourgeonne, annonce la proximité du Royaume de Dieu. Demain fleurit dès aujourd’hui ! Voilà la Bonne Nouvelle que Jésus nous partage en ce vendredi. Si nos vies sont identifiées à celle du Christ, c’est aussi ce qui nous ouvre à la confiance que la vie du Fils irrigue toute notre vie, jusque dans la création, de sa puissance de salut.

Le figuier fait partie des arbres bibliques par excellence, comme la vigne et l’olivier ; la vigne et le figuier sont des images pour désigner le peuple de Dieu (pour la vigne, voir Is 5) ; Dieu attend de son peuple qu’il porte du fruit. Ces arbres sont les signes de la paix messianique promise par Dieu à son peuple : « Chacun pourra s’asseoir sous sa vigne et son figuier, et personne pour l’inquiéter. La bouche du Seigneur de l’univers a parlé ! » (Mi 4,4).

C’est le figuier qui par ses amples feuilles va protéger la nudité des premiers êtres humains (Gn 3,7). Dans la tradition rabbinique, il est assimilé à l’arbre de vie du jardin d’Eden (Gn 2,9 : cf la représentation du chapiteau de Cluny). Sous le soleil zénithal, s’abriter à son ombrage est très reconstituant ; Nathanaël y trouvera refuge et méditation, quand Jésus le rencontrera (Jn 1,48) ; on dit qu’être assis sous le figuier symbolise la méditation de la Loi. Nathanaël est reconnu par le Christ comme le serviteur fidèle à l’amour de Dieu, en attente du Messie.  

Sans oublier la parabole du figuier qui ne porte pas de fruit, (Lc 13,6-9) : Un figuier lent à porter du fruit, dont il faut continuer à prendre soin, pour qu’il puisse enfin fructifier ; quand Jésus maudit un figuier stérile, c’est comme une parabole en action :« Comme ils sortaient de Béthanie, Jésus eut faim » (Mc 11, 12). Ce figuier ne porte pas de fruit et, autre bizarrerie, Jésus lui reproche cela alors que ce n’est pas la saison des figues ! Le figuier symbolise le peuple de Dieu qui ne porte pas tous les fruits désirés ; Jésus recherche des justes, qui portent des fruits de justice…

Et nous en arrivons, après cet excursus botanique et biblique à la Bonne Nouvelle de l’Apocalypse, les visions de consolation.

Jean voit l’anéantissement des forces du Mal, le Dragon, la Bête, parce que le Christ est vainqueur. Tout converge vers le livre de vie et les Béatitudes. Le Christ est celui qui accomplit la prophétie de la paix messianique d’Isaïe « Je vais créer un ciel nouveau et une terre nouvelle, on ne se souviendra plus du passé, il ne reviendra plus à l’esprit » (Is 65,17). La création est profondément transfigurée, il n’y a plus de mer (et donc plus de mal ni de mort). C’est la Jérusalem nouvelle, où Dieu réside au milieu de son peuple, cité du bonheur définitif.

« J’ai vu un ciel nouveau et une terre nouvelle, car le premier ciel et la première terre s’en étaient allés et, de mer, il n’y en a plus. Et la Ville sainte, la Jérusalem nouvelle, je l’ai vue qui descendait du ciel, d’auprès de Dieu, prête pour les noces, comme une épouse parée pour son mari » (Ap 21,4).

 

PS Nous vous tiendrons au courant sur les sites de nos paroisses pour la reprise possible des messes.


Père Etienne Maroteaux,
Curé de Sainte-Marguerite et Sainte-Pauline du Vésinet

Le 26 novembre

Chers frères et sœurs,

Un petit aparté sur la fin de l’année liturgique : vous savez que le dimanche du Christ-Roi marque le dernier dimanche de l’année liturgique ; les textes apocalyptiques clôturent ce temps pour nous préparer à la venue ultime du Seigneur ressuscité à la fin des temps. C’est pour cela que nous relisons, jusqu’à plus soif, ces textes souvent si obscurs. J’espère que ces éclairages des derniers jours auront contribué à redonner un peu de lumière et d’espérance en ces temps rudes qui sont les nôtres. La nouvelle année chrétienne va commencer dans quelques jours avec l’Avent, pour nous préparer à la venue du Christ en notre chair, donnant une autre lumière plus vive !

Jésus parle d’une catastrophe terrible, celle de la ruine de Jérusalem envahie par les armées, elle qui est la ville sainte où Dieu est présent en son Temple. Celle-ci sera accompagnée d’une grande détresse qui emplira la terre : dévastations, morts violentes, captivité… Pour Luc cette désolation de Jérusalem est comme l’« archétype », le reflet de nos histoires humaines ; et elle est liée à la mort violente de Jésus, d’où les phénomènes cosmiques qui l’accompagnent : les puissances des cieux ébranlées ; ce qui advient dans nos histoires a un retentissement jusque dans la nature, nous en prenons pleinement conscience depuis peu…

Mais toutes ces annonces ne sont pas pour effrayer, même si Jésus dit : « les hommes mourront de frayeur » : la pointe, c’est-à-dire, le cœur ardent des paroles de Jésus est ici : « Redressez-vous, relevez la tête, car votre délivrance approche » ; le dernier mot est à la venue du Fils de l’homme, au pardon, à l’espérance, à la Lumière du Ressuscité. La ruine de Jérusalem, qui aura lieu effectivement peu après, éclaire pour la suite des temps chacune de nos désolations. Nos histoires rejoignent celle du Christ rejeté et crucifié, mais aussi celle du Christ pardonnant et relevé d’entre les morts Pour le croyant le salut de Dieu traverse toutes les frayeurs et détresses. Ce n’est pas rien de nous rappeler cela en ce moment !

La chute de Rome-Babylone dans le texte de Jean nous oriente vers la même action de grâce :

L’incarnation de Jésus, sa passion et sa résurrection ont vaincu le Mal, la « Bête », qui n’est plus (Ap 17,8). La chute de Babylone est signe de la victoire de l’Agneau sur les forces du Mal. Lorsqu’un ange jette une grosse pierre dans la mer (qui est, je le rappelle, le symbole des forces du Mal), il signifie cette victoire du Christ.

S’élève alors du ciel une clameur immense qui célèbre l’action de Dieu et rend grâces au Seigneur. C’est la voix de toute l’humanité qui s’élève en communion avec celle de Dieu, impétueuse comme le « grondement des eaux » (verset 6).

Comme c’est dommage que le découpage liturgique nous ait enlevé une perle que je vous donne : « Les vingt-quatre Anciens et les quatre Vivants se prosternèrent et adorèrent Dieu qui siège sur le trône ; ils proclamaient : « Amen ! Alléluia ! ». Et du Trône sortit une voix qui disait : « Louez notre Dieu, vous tous qui le servez, vous tous qui le craignez, les petits et les grands. » Alors j’entendis comme la voix d’une foule immense, comme la voix des grandes eaux, ou celle de violents coups de tonnerre. Elle proclamait : « Alléluia ! Il règne, le Seigneur notre Dieu, le Souverain de l’univers. Soyons dans la joie, exultons, et rendons gloire à Dieu ! Car elles sont venues, les Noces de l’Agneau, et pour lui son épouse a revêtu sa parure. Un vêtement de lin fin lui a été donné, splendide et pur. » Car le lin, ce sont les actions justes des saints. Puis l’ange me dit : « Écris : Heureux les invités au repas des noces de l’Agneau ! » Il ajouta : « Ce sont les paroles véritables de Dieu. » ». (Ap 19,4-9).

Les Noces sont proches, l’humanité est prête ; le banquet de l’eucharistie nous prépare aux noces définitives avec l’Agneau : « Soyons dans la joie, exultons, et rendons gloire à Dieu ! ».


Père Etienne Maroteaux,
Curé de Sainte-Marguerite et Sainte-Pauline du Vésinet

LE 25 Novembre

L’EGLISE, UN NAVIRE SUR LA MER

Avez-vous le pied marin ? Parce qu’aujourd’hui nous prenons la mer avec le Christ. Voilà une image qui nous parle en ces jours…

Jésus invite à la persévérance même par gros temps, peut-être est-ce le cas en ce moment : nous avons à vivre toutes les situations de notre vie, heureuses et malheureuses dans la fidélité à l’amour du Christ pour nous. Et c’est parfois une course de fond ! Avec la confiance, que quoiqu’il arrive, « pas un cheveu de notre tête ne sera perdu » (verset 18). Si « tous nos cheveux sont comptés » (Lc 12,7), c’est le signe que Dieu nous protège et nous garde.

Jésus évoque le temps des persécutions. Non pas pour nous effrayer, mais pour nous rassurer : rien ne peut arrêter la Parole de Dieu dans sa course ; le récit par Luc des Actes des Apôtres en est le gage. Même lorsque Paul et ses compagnons font naufrage à Malte, c’est encore relu comme un signe du salut offert à tous ; Paul reprend d’ailleurs à cette occasion la phrase de Jésus, « pas un cheveu de notre tête ne sera perdu » (Ac 27,34), pour exprimer l’accomplissement des Paroles du Christ dans la mission de l’Eglise ; les habitants de Malte leur « témoignent d’une humanité peu ordinaire » (Ac 28,2) : c’est le ressuscité qui conduit le navire de l’Eglise : le bateau est une parabole de l’Eglise, ballottée par les vagues, mais avançant toujours, même contre vents et marées, traversant toutes le tempêtes avec succès. Dans le livre des Actes des Apôtres nous voyons cette croissance permanente de la Parole, malgré tous les obstacles qu’elle rencontre.

En prison Paul fera l’expérience de cette force de la Parole que rien ne peut empêcher de poursuivre son œuvre de salut, puisque c’est Dieu qui la porte ; il est dans les chaînes, en prison, lorsqu’il dit cela : « C’est pour le Christ que j’endure la souffrance, jusqu’à être enchaîné comme un malfaiteur. Mais on n’enchaîne pas la parole de Dieu !» (2 Tim 2,9).

Un peu plus loin dans l’Evangile de Luc, Jésus dit : « Le ciel et la terre passeront, mes Paroles ne passeront pas » (Lc 21,33). Voilà qui donne sens à tout ce que nous vivons. Même dans les impasses les plus tragiques, le salut n’est jamais mis en échec.  

Jésus parle du témoignage (le martyre en grec) de la vie des disciples : « Par votre constance vous garderez votre vie » (verset 19). La persévérance des disciples dans la foi est signe de la patience de Dieu. Le chrétien est identifié à Jésus jusque dans les difficultés et persécutions éventuelles.

Dans l’Apocalypse, septième et dernière vision, et donc la plus importante : Jean voit une mer de cristal : la mer est symbole du Mal qui se déchaîne, dans la Bible. Le Mal est vaincu par le Christ, et la mer est devenue calme et limpide, sans tempêtes : les hommes qui ont vaincu la « Bête » sont debout sur la mer, participant à la victoire du Christ. Ils chantent le cantique nouveau, le cantique de l’Agneau (donc du Christ debout et victorieux) et ils célèbrent une liturgie ; il y a ici bien plus que le cantique de Moïse, celui du passage de la Mer Rouge : Christ est la Pâque définitive, il accomplit l’exode définitif. Le cantique (truffé de références bibliques) célèbre le Dieu qui ne cesse jamais d’agir dans l’histoire des hommes :

En parlant d’action de grâces, nous allons pouvoir reprendre le chemin des messes, mais dans des conditions extrêmement drastiques et difficiles (30 personnes maximum par messe). Prions pour que nous sachions comment gérer cette « quadrature du cercle » … Notre patience est rudement mise à l’épreuve une fois de plus.

« Grandes, merveilleuses, tes œuvres, Seigneur Dieu, Souverain de l’univers ! Ils sont justes, ils sont vrais, tes chemins, Roi des nations. Qui ne te craindrait, Seigneur ? À ton nom, qui ne rendrait gloire ? Oui, toi seul es saint ! Oui, toutes les nations viendront et se prosterneront devant toi ; oui, ils sont manifestés, tes jugements. »

Soyons malgré tous les obstacles, dans l’action de grâce, Dieu est fidèle à sa promesse, même si le ciel et la terre passent, ses Paroles ne passeront pas.  

Père Etienne Maroteaux,
Curé de Sainte-Marguerite et Sainte-Pauline du Vésinet

Le 24 novembre

Chers frères et sœurs,

La coupe est pleine ! Double apocalypse en ce jour ! Ce n’est pas le Beaujolais nouveau qui se prépare avec la vendange de l’Apocalypse !

- Nous entendons la 5° vision de Jean : une nuée blanche, signe qui annonce la venue du Fils de l’homme. Celui-ci vient annoncer la moisson, c’est-à-dire le jugement du monde : il tient en main une faucille et porte une couronne d’or. Un ange sort du Temple où Dieu se tient et annonce que la moisson est mûre. Encore un autre ange annonce la vendange, parce que les raisins sont mûrs. Le raisin est jeté dans la « cuve immense de la fureur de Dieu » (verset 19) ; voilà de quoi effrayer si l’on ne comprend pas de quoi il s’agit. Ces sont les péchés humains qui sont vendangés ; les pécheurs restent en vie. La cuve est foulée hors de Jérusalem, rappelant la croix qui porte Jésus : celle-ci a été placée en dehors de la ville, signifiant l’infâmie du supplice de la croix. C’est le Christ qui porte les péchés du monde, lui qui « a été fait péché pour nous », comme dit Paul (2 Co 5,21) ; son sang répandu en témoigne.

Le sang du pardon du Christ est répandu sur 600 stades, chiffre symbolique (4 au carré, c’est la terre, multiplié par 100, c’est la totalité de la terre) ; la terre entière est sauvée par le sang du Christ. C’est le Christ qui est foulé dans la cuve. Mystère de l’amour totalement donné de Jésus. Le Moyen-Age a beaucoup représenté le « pressoir mystique »(cf cette représentation étrange de l’école allemande, où le Père actionne le pressoir, vision peu miséricordieuse de Dieu !) : le Christ est représenté dans un pressoir à raisins, d’où s’écoule le jus des raisins ainsi que son sang ; Parfois, la traverse du pressoir n’est autre que la croix pesant sur les épaules de Jésus; On peut se rappeler le récit de la Passion dans l’Evangile de Jean (Jn 19,1-5) : Pilate fait assoir Jésus sur un trône, et celui-ci est couronné d’épines, revêtu d’un manteau de pourpre, tâché du sang de la flagellation, en signe de dérision d’une « prétendue » royauté de Jésus. Le sang du Christ est pour nous la source du pardon et de la miséricorde de Dieu ; c’est donc une Bonne Nouvelle !

- Jésus achève son ministère public au Temple. Alors que tous admirent les « belles pierres », celui-ci en annonce la destruction prochaine : « Il n’en restera pas pierre sur pierre ». On imagine aisément la stupeur des auditeurs. Pour le peuple de Dieu ce serait la fin de tout. Il signifie ainsi que sa personne est le lieu même où Dieu se laisse rencontrer. Ensuite Jésus développe un « discours apocalyptique » auquel nous commençons à être habitués. Des catastrophes annoncées : guerres, fléaux de la nature, épidémies famines… A cela rien de nouveau ; nous vivons certaines de ces catastrophes en ce moment : entre la pandémie, les dérèglements climatiques, les attentats… Ce n’est pas pour autant l’annonce de la fin du monde. Comment comprendre ces événements qui nous déstabilisent ? Serait-ce la fatalité du Mal ?

Les discours apocalyptiques nous invitent à un acte de foi : Dieu n’abandonne pas les hommes, même si parfois les apparences sembleraient le faire croire ; à travers les événements de notre monde, Dieu trace un chemin de salut qui nous conduit à lui. L’amour vainqueur du Christ agit déjà en ce monde tourmenté.  

Ce n’est donc pas la peur et encore moins la terreur qui doivent nous habiter, mais la confiance, parce que l’amour de Dieu sauve ce monde.


Père Etienne Maroteaux,
Curé de Sainte-Marguerite et Sainte-Pauline du Vésinet

Le 23 novembre

Chers frères et sœurs,

Dans l’Apocalypse comme dans l’Evangile, il s’agit de vision intérieure ; Jésus et à sa suite Jean voient toute réalité humaine et divine de l’intérieur :  

    Jésus voit le cœur de cette pauvre veuve :

    Dans le Temple devenu lieu de commerce, genre de centre commercial religieux lucratif, le geste humble et caché de cette femme ne lui échappe pas ; il voit la gratuité discrète au milieu de ce monde des affaires bruyant, et qui risque de ne faire remarquer que les riches faisant des dons ostentatoires.

    Les veuves font partie de ces petits que le peuple de Dieu est invité à protéger : une veuve n’a plus de mari pour la faire vivre matériellement. Dieu porte le souci des plus pauvres, de l'immigré, de la veuve et l'orphelin, ces petits de la Bible qui n'ont pour défenseurs que Dieu. Les veuves sont l'objet de mépris parce qu'elles sont privées de la protection d'un homme, privées de ressources propres et sans assistance.

    Au milieu de cette foule Jésus, avec son regard aiguisé, repère immédiatement la personne qui est habitée par l’amour : derrière ce pauvre geste, le Christ discerne le cœur d'or qui donne tout ce qu’il a pour vivre (Lc 21,4). Son geste est profondément généreux, bien loin de ceux qui fanfaronnent et donnent pour se mettre en valeur, et sans risque ! C’est parce qu’il est le Fils de Dieu qu’il voit le cœur de chacun dans la lumière divine : « Jésus sait ce qu’il y a dans le cœur de l’homme » (Jn 2,25). Et cette pauvre de Dieu vit un don total, sans retour sur elle-même, que seul le cœur pur de Jésus peut deviner. Pour le service de la louange de Dieu dans le Temple, cette femme donne tout ce qu'elle a. Elle connaît de l'intérieur le prix de l'authentique remise de soi à Dieu. Cette femme est comme une image resplendissante du don total de Jésus qui donne sa vie pour nous, sans retour sur lui-même.

    Jean voit le Christ, l’Agneau debout :

    Jean l’Evangéliste est un « voyant », un « contemplatif », comme le furent les prophètes : ainsi Samuel le « voyant » (1 S 9,19). Le prophète « écoute la vision », parce qu’il est habité de l’Esprit de Dieu, il est capable de pénétrer dans le monde inaccessible à l’homme, le monde de Dieu : ainsi la fameuse échelle de Jacob entrevue dans un songe qui monte jusqu’au ciel (Gn 18,16).

    Ces visions intérieures sont de l’ordre de la foi ; ainsi lorsque Jérémie eut la vision de la branche d’amandier (appelé le « veilleur » en hébreu parce qu’il est le premier à fleurir), il atteste dans la foi que « Dieu veille sur sa Parole pour l’accomplir » (Jr 1,11-12).

    Jean voit donc dans la foi le Christ victorieux, l’Agneau debout, sur le mont Sion, là où le Messie devait venir ; parce que c’est lui qui apporte le salut à Jérusalem.

    Jean voit un rassemblement, les cent quarante-quatre mille rassemblés autour de l’Agneau, eux qui portent « inscrits sur leur front, le nom de l’Agneau et celui de son Père » (Ap 14,1). Ceux-ci entament un « cantique nouveau », puissant comme la voix de Dieu lui-même, « une voix venant du ciel, comme la voix des grandes eaux ou celle d’un fort coup de tonnerre ».

    Ces foules innombrables (Les cent quarante-quatre mille, chiffre évidemment symbolique : 12 x 12, chiffre de totalité au carré x 1000, la multitude infinie…) sont les baptisés dans le sang de l’Agneau qui « suivent l’agneau partout où il va » (Ap 14,4). C’est le chant de tous les croyants, eux qui sont les Agneaux à la suite de l’Agneau, pleinement identifiés au Christ.

    Que la foi nous donne de voir toute chose et toute personne de l’intérieur, habités par la lumière divine !



Père Etienne Maroteaux,
Curé de Sainte-Marguerite et Sainte-Pauline du Vésinet