Vierge dorée d'Amiens, XIII° siècle

Dimanche 9 mai

 

Chers frères et sœurs,  

« Que ma joie soit en vous, et que votre joie soit parfaite » ( Jn 15,11). Jésus nous parle de la vraie joie, une joie qui demeure, au-delà des soucis humains qui encombrent nos cœurs. 

Au cœur de la Passion, après le dernier repas de Jésus avec ses amis, ces paroles de Jésus résonnent comme ses dernières confidences, son testament spirituel. Rien d’étonnant donc qu’il insiste tant sur l’amour : L’amour ne vient pas de l’homme : il trouve sa source dans le Seigneur. 

Jésus a préparé ses disciples à ce qui l’attend, à quelques heures de sa Passion. Etrange paradoxe de parler de la joie dans ce contexte si tragique ! Jésus nous parle de sa joie profonde, cette joie qu’il veut communiquer à ses amis. Quelle est-elle donc ? « Le secret de la joie insondable qui habite Jésus… c’est l’amour ineffable dont il se sait aimé de son Père » (St Paul VI). 

Jésus vit de la joie d’une communion toujours nouvelle avec le Père ; il vit de la joie de l’amour donné gratuitement. Cette joie est dans l’abandon radical entre les mains de son Père. Et il veut communiquer ce bonheur de l’amour du Père à ses amis, ceux que le Père lui a donnés. L’amour est la vraie source de la joie ; lorsque nos cœurs sont tristes et lourds, c’est souvent de ne pas aimer assez.  

La joie que nous propose Jésus nous détourne de nous-mêmes. La joie n’est jamais solitaire. Elle se vérifie dans l'amour fraternel : il n'est pas de vraie joie qui soit égoïste (sinon c'est seulement la recherche égoïste d'un bien-être) ; tous les vrais amoureux vous le diront : l'amour est partage, sinon il n’est qu’illusion.  

« La joie ne peut se dissocier du partage. En Dieu lui-même, tout est joie parce que tout est don » (St Paul VI, Réjouissez-vous dans le Seigneur). 

L’amour ne peut être que partagé. La relation que Jésus veut vivre avec nous n’est pas une relation de supérieur à inférieur, ou de maitre à esclave ; bien plus grande que cela, elle est une relation d’amitié, donc d’égal à égal, de frère à frère, puisque nous sommes frères du Christ. Cela bouleverse toutes nos relations humaines, puisque la fraternité ne peut pas comporter d’exception ; et cela devrait être pour nous la source d’une joie profonde ! 

La joie du disciple uni au Christ et à ses frères est déjà la joie d’éternité qui relie le Fils au Père et qui déborde sur les disciples chacun de ceux qui lui sont unis.   

Cette joie est l’œuvre de l’Esprit-Saint en nos cœurs. C’est pour cela qu’elle peut traverser les aléas et les souffrances de nos vies. Comme le Christ qui parle de sa joie au moment où il va être livré, moment de grande angoisse… Cette joie naît de la confiance en l’amour de Dieu qui nous soutient et nous prend par la main pour nous aider à traverser nos épreuves, quelles qu’elles soient. 

Nous sommes invités à entrer dans une joie qui naît de l’amour réciproque entre le Père et Jésus, mais aussi entre Jésus et nous. : « Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit accomplie ». La joie de Jésus peut devenir la nôtre ! Parce que c’est d’abord Jésus qui veut demeurer en nous, trouver sa joie en nous : “Si quelqu’un m’aime nous viendrons à lui et nous ferons chez lui notre demeure” (Jn 14,23). La joie ne se prend pas, elle nous est donnée, comme par surcroît, de la confiance que nous avons en l’amour de Dieu. 

« La joie est un signe de la grâce. Celui qui est joyeux du fond du cœur, celui qui a souffert et n'a pas perdu la joie, celui‑là ne peut pas être loin du Dieu de l'Evangile, dont le premier mot au seuil de la nouvelle alliance est "réjouis‑toi" » (Benoît XVI).  Marie témoigne de cette joie de la grâce. 

Entrons dans la joie de Jésus, la joie d’un amour partagé avec tous

 

Samedi 8 mai

 

Chers frères et sœurs,  

Aujourd’hui Jésus ne nous berce pas de douces illusions ! Après nous avoir parlé d’amitié, de joie parfaite, voilà des paroles radicales qui assombrissent le ciel !  

Comme parfois, nous aurions préféré que l’Evangile s’arrête avant ces paroles qui dérangent : « Si le monde vous hait, sachez qu’il m’a haï avant vous » (Jn 15-18).  Ecartons tout de suite un contre-sens : Jésus ne prône pas un sectarisme ni un fanatisme, ni un communautarisme (pour reprendre une expression à la mode) qui nous isolerait de notre monde dans une tour d’ivoire.  

« Moi qui suis la lumière, je suis venu dans le monde pour que celui qui croit en moi ne demeure pas dans les ténèbres » (Jn 12,46). Voilà le drame qui se joue dès le début de l’Evangile de Jean : les hommes préfèrent parfois l'obscurité plus que la lumière : « il est venu chez les siens et les siens ne l’ont pas reçu » (Jn1,11) ; « les hommes ont aimé les ténèbres, plus que la lumière » (Jn 3,19). Le combat de Jésus, sera d’apporter au monde la lumière de l’amour de son Père qui ouvre à la liberté, et à la vérité. 

L’Evangéliste Jean méditera ce mystère de la haine dans sa première épître : « Ne soyez pas étonnés, frères, si le monde a de la haine contre vous. Nous, nous savons que nous sommes passés de la mort à la vie, parce que nous aimons nos frères » ( 1 Jn 3,13-14). L’amour de Dieu oblige à un choix radical, l’accueil ou le rejet. Le refus de l’amour peut hélas répondre au don gratuit du Christ. Jésus rappelle que cette « haine » peut être parfois de l’ordre d’une ignorance de l’amour de Dieu : « Les gens vous traiteront ainsi à cause de mon nom, parce qu’ils ne connaissent pas Celui qui m’a envoyé » (Jn15,21). 

Jésus nous parle du monde, ce monde que « Dieu a tant aimé », jusqu’à « lui donner son Fils » (Jn 3,16). Le monde est évoqué ici en termes négatifs, comme puissance de ténèbres, ignorant la lumière et l’amour de Dieu. C’est un thème traditionnel dans la Bible : Dieu a pris soin de sa vigne, mais celle-ci ne porte pas toujours les fruits qu’il en attendait. Pour autant, c’est bien ce monde, souvent ingrat, qu’il est venu sauver. 

Etre uni à Jésus entraîne la communion à son destin : « Le Serviteur n’est pas plus grand que son maître » (Jn 13,16 ; et 15,20). Si Jésus a été haï, il est normal que nous ayons à faire face au même risque. Jésus a rencontré cette haine qui est « sans raison » (Jn 15,25). Ce n’est évidemment pas un encouragement à la haine : Jésus répond toujours à la violence par le pardon mille fois répété. « L’excès même de son amour serait-il cause de cet excès de haine ? », demande le père Blaise Arminjon dans un commentaire sur cet Evangile. 

Souvent les chrétiens ont rencontré des oppositions, des échecs, le mépris, ou même les persécutions, et aujourd’hui encore en beaucoup de régions de notre monde. 

Pourtant les paroles de Jésus sont une invitation à la confiance, puisque l’Esprit Saint veille sur nous et donne force et courage pour témoigner : les témoins faibles et désarmés ont en lui un « défenseur » : « Le Père … vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous : c’est l’Esprit de vérité. » (Jn 14,16-17).


Vendredi 7 mai

 

Chers frères et sœurs,  

Le conflit et les tensions liées à l’accueil des païens dans l’Eglise trouvent leur résolution dans la paix et la communion grâce à l’assemblée de Jérusalem ; c’est un bel exemple d’écoute mutuelle de ce que l’Esprit dit par la bouche des baptisés ! « L’Esprit-Saint et nous-mêmes avons décidé… » : cette admirable formule pourrait passer pour de l’orgueil, mais c’est le signe de la confiance des premiers chrétiens en l’action de l’Esprit-Saint en leur cœur pour les aider à discerner cette question importante pour la communion dans l’Eglise : « L’Esprit-Saint vous enseignera tout » (Jn 14,26). 

Une lettre apaisante est envoyée aux communautés ; celle-ci est communiquée à l’assemblée d’Antioche, qui est essentiellement d’origine païenne : la communauté l’accueille avec joie : « Tous se réjouirent du réconfort qu’elle apportait » (Ac 15,31). 

Les chrétiens, nous rappelle Jésus dans l’Evangile de Jean, sont frères du Christ, « serviteurs » avec lui, mais bien plus encore ils sont « amis » du Christ, appelés à porter du fruit.  

Il nous est bon de méditer ces trois conditions du baptisé que le Christ nous invite à vivre, les trois sont complémentaires et nous rapprochent de lui : servir, être les fils du Père, accepter de vivre en amis du Christ : 

  • Avec le Christ nous sommes serviteurs : 

    Jésus s’est fait serviteur de tous et comme lui, il nous envoie servir nos frères avec humilité, pour leur manifester l’amour du Père. C’est ce qui fait la grandeur de l’homme, comme nous le rappelle Jésus : « Nul n’est plus grand que le serviteur » (Mc 10,43). 

  • Nous sommes frères du Christ : 

    Lorsque Jésus après la résurrection retourne auprès du Père, il nous appelle « mes frères » : quelle merveille de savoir que Jésus nous considère comme ses frères ! Nous sommes frères du Christ, et donc fils du Père et frères les uns pour les autres. L’Eglise est bien une communauté de frères : c’est ce que vit l’Eglise d’Antioche, au moment de l’assemblée de Jérusalem. 

  • Nous sommes des « amis » pour le Christ : 
 
« Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ne sait pas ce que fait son maître ; je vous appelle mes amis » (Jn 15,15) . Jésus nous offre une amitié inconditionnelle, qui ne vient pas de nos mérites, mais elle est un don, un cadeau totalement gratuit. Et paradoxalement, c’est en devenant serviteurs de nos frères comme Jésus, que nous sommes aussi ses amis ; nous avons à accepter d’entrer dans cette relation d’intimité avec Jésus : une amitié se reçoit comme un cadeau, mais aussi elle s’entretient, pour que notre relation avec lui soit toujours plus belle, plus proche, plus joyeuse. 
 

Nous essayons de vivre cela en communauté d’Eglise : nous nous aidons mutuellement à être davantage serviteurs, frères et amis de Jésus.


Jeudi 6 mai

 

Chers frères et sœurs,  

Après un vif échange, Pierre, à qui Jésus a confié d’être le pasteur de ses brebis, prend la parole en premier lors de cette assemblée de Jérusalem. Il rappelle la présence de l’Esprit-Saint qui est donné à tous juifs, comme païens. « Dieu, qui connaît les cœurs, leur a rendu témoignage en leur donnant l’Esprit Saint tout comme à nous, sans faire aucune distinction entre eux et nous » ( Ac 15,7-9). C’est bien une assemblée de la communauté qui se réunit pour décider ensemble, ce que le Seigneur désire pour son Eglise : les versets 12 et 22 évoquent la foule qui entoure les disciples et les anciens. 

Pierre se présente comme le premier à avoir annoncé la foi aux païens ; il est éclairé par la vision prophétique de Jaffa qui invitait à l’accueil fraternel et sans condition des païens ; il est aussi marqué par la conversion du centurion Corneille (Ac 10) : « Je l’ai compris, Dieu ne fait pas de différences entre les hommes » (Ac 10,34), puisqu’il donne l’Esprit-Saint à tous, sans faire de distinctions. 

Pierre invite alors à ne pas faire porter aux nouveaux convertis un joug que « personne n’a eu la force de porter » (Ac 15,10) (ce sont les 613 commandements de la Loi qui ne suffisent pas à donner le salut). Remarquons avec humour que son discours est très… « paulinien », dans l’esprit !  

Pierre connaît ses faiblesses, lui qui a renié Jésus, et il invite à se reposer en la force que lui donne le Christ ; tous, juifs comme païens, sont sauvés par la seule grâce de la croix de Jésus : « Nous le croyons, c’est par la grâce du Seigneur Jésus que nous sommes sauvés, de la même manière qu’eux » (Ac 15,11). La foi est un don gratuit qui passe par des chemins différents pour chacun. Paul et Barnabé confirment ensuite les signes et les prodiges qui ont accompagné l’évangélisation des païens, comme un signe de la gratuité du salut. 

Ensuite, Jacques, sans doute un homme très attaché à la Loi, mais qui a le souci de la communion dans la communauté, prend la parole à son tour ; il parle au nom des anciens. Il va relire les paroles de Pierre, puis donner au nom des anciens son avis sur la question de l’accueil des païens dans la communauté. Il propose un « compromis » : on n’impose pas la circoncision aux nouveaux convertis, mais seulement quelques interdits. C’est la solution qui sera retenue.  

La communion dans l’Eglise est un don de l’Esprit-Saint qui est à l’œuvre et qui continue l’action du Christ. Si nous accueillons l’Esprit en nos vies, nous aurons la joie du Christ en plénitude (Jn 15,11). 

Rendons grâce pour l’Esprit-Saint qui continue à agir en son Eglise !

 

 

Mercredi 5 mai

 

Chers frères et sœurs,  

Lorsqu’Etienne a été lapidé, les chrétiens ont quitté Jérusalem et se sont dispersés. Ainsi commença paradoxalement l’évangélisation des nations ; les persécutions n’ont pas empêché l’Evangile de se répandre grâce à l’Esprit-Saint. La mort d’Etienne devient une semence pour la mission. Les disciples commencent à prêcher aux non-juifs devant le refus de nombre de juifs de les écouter. Antioche est devenue un lieu de foi pour les païens qui se convertissent au Christ. Des réticences naissent face à l’accueil en nombre de ceux qui n’ont pas reçu le signe d’appartenance au peuple de Dieu, la circoncision. Pour suivre le Christ faut-il d’abord être juif ? Au fond il s’agit de savoir s’il faut être intégré au peuple de Dieu pour être sauvé. 

Un dilemme se pose alors pour l’accueil des païens dans la communauté composée de juifs observant la Loi de Moïse : faut-il ou non obliger les nouveaux venus à être circoncis ? La question est sérieuse, même si la réponse nous apparaît très claire aujourd’hui. Autrement dit, c’est la question des conditions du salut qui est posée par les puristes : « Si vous n’acceptez pas la circoncision selon la coutume qui vient de Moïse, vous ne pouvez pas être sauvés. » (Ac 15,1). Ces heurts sont suffisamment vifs, pour produire un : « affrontement ainsi qu’une vive discussion » (Ac 15,2). 

La grâce de Dieu peut-elle être accordée sans suivre les prescriptions que le Seigneur a données à son peuple ? Le centurion Corneille vient d’être baptisé par Pierre. C’est l’amour gratuit du Père qui est à l’œuvre : « Les nations sont associées au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus, par l’annonce de l’Évangile » (Ep 3,6). Paul et Barnabé pensent sans doute qu’imposer la circoncision serait un frein pour l’évangélisation. Paul, le juif fervent, a sans doute pesé dans ce débat, lui qui dira aux chrétiens de Galatie tentés de revenir à des pratiques « légalistes » : « C’est pour que nous soyons libres que le Christ nous a libérés. Alors tenez bon, ne vous mettez pas de nouveau sous le joug de l’esclavage. Moi, Paul, je vous le déclare : si vous vous faites circoncire, le Christ ne vous sera plus d’aucun secours » (Ga 5,1-2). 

Pour réfléchir à l’accueil des nouveaux baptisés non issus du terreau du peuple de Dieu, il est décidé de monter à Jérusalem pour consulter les apôtres et les anciens : ce sera le premier concile de l’Eglise. Paul et Barnabé vont partager leur question à Pierre et à Jacques. 

Cette arrivée massive de non-juifs qui se font baptiser est sans doute un signe de la grâce à l’œuvre qui compte pour le débat : « Ils traversèrent la Phénicie et la Samarie en racontant la conversion des nations, ce qui remplissait de joie tous les frères.  À leur arrivée à Jérusalem, ils furent accueillis par l’Église, les Apôtres et les Anciens, et ils rapportèrent tout ce que Dieu avait fait avec eux » (Ac 15,3-4). La joie des communautés de voir que le Christ accueilli par tous est vive ; les disciples racontent sans doute avec enthousiasme, tout ce que le Seigneur « avait fait avec eux » ; la grâce de Dieu agit de façon visible par les mains des disciples.  

C’est bien l’Esprit-Saint qui va présider ces débats de l’assemblée de Jérusalem pour guider l’Eglise, comme il continue à le faire en 2021.

 

Mardi 4 mai

 

Chers frères et sœurs,  

Nous avons entendu hier que nous pouvons accomplir des œuvres plus grandes que celles que Jésus a faites : : « Amen, amen, je vous le dis : celui qui croit en moi fera les œuvres que je fais. Il en fera même de plus grandes, parce que je pars vers le Père » (Jn 14,12) ; en voici l’explication : ces œuvres sont liées à la présence de l’Esprit Saint en nous qui nous donne de continuer ce que Jésus a fait : son action se prolonge par nos mains, par nos paroles, au long des siècles. Cet Esprit-Saint est le don du ressuscité pour nous guider sur les chemins de son amour. 

C’est l’Esprit-Saint qui est la source de cette paix que nous promet Jésus : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix… Que votre cœur ne soit pas bouleversé ni effrayé… Si vous m’aimiez, vous seriez dans la joie … » (Jn 14, 27-28). Cette paix n’est pas celle du monde qui n’est que passagère, fragile et aléatoire ; Jésus nous donne SA paix, celle qui habite son propre cœur ; elle met en notre cœur la confiance que Jésus est avec nous, et en nous ; elle est une source de joie profonde et durable. 

« Je m’en vais, et je reviens vers vous » (Jn 14,28) : contrairement aux apparences, Jésus ne se contredit pas : lorsqu’il s’en va vers le Père, il nous rejoint en une plus grande proximité encore dans le don de l’Esprit-Saint répandu « sans mesure ».  

Nous sommes toujours après le repas du jeudi Saint, lorsque Jésus annonce son retour :  c’est l’Ascension que nous fêterons bientôt. Ce départ ne doit pas bouleverser, mais doit être une source de joie, tellement grand est l’amour du Père pour son Fils Jésus : l’amour du Père est pour le Christ une source inépuisable. « J’aime le Père » : phrase d’une densité indépassable ; on est proche de l’indicible, du cœur ardent du Fils pour son Père. Jésus nous partage le secret de son amour pour le Père : il est venu pour que nous ayons la vie. Il a pris chair pour nous donner part à l’amour infini du Père, à sa tendresse pour nous. 

« Le Père est plus grand que moi » (Jn 14,28) : le Fils serait-il donc plus petit que son Père ? Cette phrase de Jésus est surprenante ; elle a fait couler beaucoup d’« encre théologique » : elle a même donné une hérésie, l’hérésie d’Arius : celui-ci considérait Jésus comme inférieur au seul vrai Dieu, faisant fi de la Parole de Jésus : « Le Père et moi nous sommes un » (Jn 10,30). Pour bien comprendre cette Parole de Jésus, il faut y entendre l’humble amour du Fils qui n’est pas pour autant plus petit que le Père puisqu’il est un avec lui, et que le « Père a tout remis dans sa main » (Jn 3,36). Le Fils est bien l’égal du Père quand il s’abaisse pour nous sauver : en Jésus c’est bien le Père qui nous sauve. 

Comme St Paul le chante dans l’hymne aux Philippiens : « Jésus Christ est Seigneur à la gloire de Dieu le Père » (Ph 2,11). 

Que la paix du Ressuscité ne cesse pas d’habiter notre cœur !


lundi 3 mai

 

Chers frères et sœurs,  

Dans l’Evangile de Jean, Philippe est un proche de Pierre et André, il est originaire comme eux de Bethsaïde ; il est un des douze appelés par Jésus. C’est un missionnaire dans l’âme, puisqu’immédiatement après avoir rencontré Jésus il va trouver Nathanaël pour le conduire auprès de lui (Jn 1,43-48) ; Nathanaël très dubitatif, lui répond : « De Nazareth ! Que peut-il sortir de bon ? ». Philippe n'est pas déstabilisé et lui répond avec conviction : « Viens et tu verras ! » (Jn 1, 46). Philippe se comporte en vrai témoin : il propose à son ami de faire lui-même une rencontre personnelle avec Jésus. 

Il sera encore présent lors de la multiplication des pains (Jn 6,5) ; et aussi, avec André, il se fera l’interprète des gens de culture grecque qui cherchent à voir Jésus (Jn 12,20) : là encore il se fera un intermédiaire convaincant pour les présenter à Jésus. Si on osait cet anachronisme, on dirait qu’il est vraiment un bon évangélisateur qui part de la demande de ceux qu’il croise sur sa route. 

Dans le texte proposé pour sa fête (ainsi que celle de Jaques le fils d’Alphée, moins présent dans les Evangiles : il est aussi l’un des douze apôtres), on voit encore Philippe intervenir dans le dialogue avec Jésus. Nous sommes toujours après la Cène et les annonces attristantes que nous avons méditées vendredi dernier. 

Jésus déclare que pour le connaître il faut aussi connaître le Père (Jn 14,7), Philippe réclame alors de la part de Jésus une manifestation éclatante du Père : « Seigneur, montre-nous le Père ; cela nous suffit. » (Jn 14,8). C’est une demande un peu incongrue ; en effet dans la Bible on ne peut pas voir Dieu sans mourir… Sa question aide Jésus à entrer plus en profondeur dans le mystère de sa relation au Père. 

Jésus est toujours bienveillant dans sa réponse (un exemple à suivre !) : « Il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne me connais pas, Philippe ! Celui qui m’a vu a vu le Père. Comment peux-tu dire : “Montre-nous le Père” ? Tu ne crois donc pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi ! » (Jn 14,9-10). 

Dans le Prologue de l’Évangile, Saint Jean disait : « Dieu, personne ne l'a jamais vu ; le Fils unique, lui qui est dans le sein du Père, c'est lui qui l’a fait connaître » (Jn 1, 18). 

A Philippe, Jésus laisse « entendre qu'il est possible de le comprendre non seulement à cause de ce qu'il dit mais encore bien davantage par ce qu'il est tout simplement. Pour nous exprimer selon le paradoxe de l'Incarnation, nous pouvons bien dire que Dieu s'est donné un visage humain, celui de Jésus, et, par conséquent, désormais, si nous voulons vraiment connaître le visage de Dieu, nous n'avons qu'à contempler le visage de Jésus ! En son visage, nous voyons réellement qui est Dieu, comment est Dieu ! » (Benoît XVI, 6/9/2012) 

Méditant sur la personne de Philippe, notre ancien pape ajoute : « Philippe nous apprend à nous laisser conquérir par Jésus, à être avec lui, et à inviter aussi les autres à partager cette indispensable compagnie. Et en voyant, en trouvant Dieu, à trouver la vie véritable ». 

Philippe nous apprend à être témoins du Christ en toute rencontre, et à nous étonner de faire de plus merveilleuses œuvres que Jésus lui-même (ce qui est difficile à voir et encore plus à croire pour nous !) : « Amen, amen, je vous le dis : celui qui croit en moi fera les œuvres que je fais. Il en fera même de plus grandes, parce que je pars vers le Père » (Jn 14,12).