Ce ne sont pas des enfants de chœur… Qu’importe, les pros de la punchline ont la bénédiction de certains prêtres qui s’inspirent de leurs rimes pour nourrir leurs homélies.

Un abbé qui, en plein office, prêche pour la paroisse de Maître Gims. Un curé qui dévoile sa passion pour PNL sur les réseaux sociaux. Un archevêque qui transmet la bonne parole de Bigflo & Oli. Le clergé et le rap français font parfois bon ménage. Même à l’heure de la messe.

Il y a quelques jours, l’abbé Dominique Thiry, vicaire général du diocèse de Metz (Moselle), n’a pas hésité à reprendre des paroles du king de la punchline congolais, Maître Gims, à l’occasion d’une célébration en présence de jeunes recevant le sacrement de la confirmation.

 

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Lors de son homélie à l’église de Maizières-lès-Metz (Moselle), il a ainsi fait référence à un couplet du tube « Mi Gna » (note : « On m’met la tête dans l’sable quand j’essaie d’m’élever/J’entends le daron m’dire : Ouais, t’as ça dans les veines/Mon petit, j’le vois quand tu montes sur la scène/Et, pendant tout c’temps-là, mes lunettes cachent mes cernes »).

  « Ils sont écoutés parce qu’ils disent ce fond de vérité universelle partagée »

« Je n’ai fait que citer quelques mots pour illustrer la fragilité de la vie, même quand la réussite et la gloire sont là, mots qui m’ont été suggérés par une jeune enseignante en religion », explique ce prêtre qui, il le confesse, n’est « pas particulièrement amateur de rap ».

Mais il aime miser sur la musique. « Le message de l’Évangile est un message très concret sur l’expérience de la vie. Les chanteurs, quel que soit leur style, ont un charisme particulier pour bien exprimer cette expérience. Ils prennent la température. Et ils sont écoutés parce qu’ils disent ce fond de vérité universelle partagée », s’enthousiasme l’ecclésiastique qui aime aussi la poésie.

Dans sa même homélie, il évoquait, en effet, Charles Péguy avec un extrait du « Porche du mystère de la deuxième vertu ». Les fidèles ont été amusés par ce grand écart culturel, certains se retenant même d’applaudir.

« On reproche souvent à la religion chrétienne d’être hors-sol »

Son confrère, le père Emmanuel Gougaud, aux commandes de la paroisse Sainte-Pauline au Vésinet (Yvelines) est, lui, un fan absolu de Dieu et de rap, un style musical qu’il a découvert à la fin des années 1990 avec la star de Detroit, Eminem. Dans ses prêches dominicaux ou lors de conversations spirituelles avec la jeunesse, il lui arrive de faire allusion aux états d’âme de PNL, Booba, Damso ou Kaaris.

« Le but, c’est de montrer aux fidèles la connexion entre le message de Dieu et la vie de tous les jours alors qu’on reproche souvent à la religion chrétienne d’être hors-sol. Les questions développées par le rap, par exemple le rapport à l’argent et au pouvoir, sont abordées dans la Bible », observe-t-il. L’ecclésiastique qui s’y connaît très sérieusement en flow voit, dans ce mode d’expression, « la dénonciation d’un modèle de société qu’on est en train de construire sur le matérialisme ».

« La religion se déploie dans la vie courante »

La semaine dernière, Emmanuel Gougaud, qui est également directeur du Service national pour l’unité des chrétiens de l’Église catholique de France, jubilait sur Twitter en apprenant que PNL, un célèbre duo de frangins de Corbeil-Essonnes (Essonne), allait sortir un nouvel album. « La vie est belle : PNL annonce enfin son retour », écrivait ce docteur en théologie âgé de 44 ans.

 

 

 

Il a repéré une « ambivalence » intéressante dans le message distillé par les deux banlieusards qui sont loin d’être des enfants de chœur. « Une attirance vers Dieu, vers le Bien et une dépendance aux produits matérialistes », décrypte-t-il.

Ses ouailles apprécient les clins d’œil. « Elles sont contentes de voir que la religion se déploie dans la vie courante. Et les aînés peuvent en parler avec leurs petits-enfants », sourit-il. Tout n’est évidemment pas bon à prendre chez les lascars quand ceux-ci glorifient le bling-bling ou la violence. « Il ne s’agit pas de faire l’apologie de la vulgarité, du sexe, de la drogue… Mais nous, chrétiens, sommes appelés à y voir le manque de Dieu, le désir paradoxal de Dieu », analyse le curé aux multiples casquettes.

Ces paroles qui inspirent les homélies

Maître Gims - Mi Gna : « On m’met la tête dans l’sable quand j’essaie d’m’élever J’entends le daron m’dire : Ouais, t’as ça dans les veines Mon petit, j’le vois quand tu montes sur la scène Et, pendant tout c’temps-là, mes lunettes cachent mes cernes »

PNL - Da : « Mon Dieu faut qu’j’me dirige vers la Mecque Mais bon j’suis d’la pire espèce »

Booba - Friday : « Route pavée de pétales, fleur du mal n’a jamais fané La Vierge Marie et Jésus Christ m’regardent de travers »

Damso - Dieu ne ment jamais : « La méchanceté des hommes m’attriste beaucoup La voix des anges résonne moins qu’celle des vautours »

Kaaris - Le bruit de mon âme : « J’ai longtemps hésité entre écouter le bruit de mon âme Ou écouter le bruit de mon arme »

Kohndo - Le facteur : « J’suis la réponse à la folie du monde Depuis que l’homme a voulu prouver que Dieu est un mensonge »