Chaque fois que nous prierons le Notre Père, à la messe, dans des célébrations, dans la prière publique, nous ne dirons plus « Et ne nous soumets pas à la tentation » mais « Et ne nous laisse pas entrer en tentation ». 

Pourquoi ce changement ? La version actuelle du « Notre Père » est utilisée depuis 1966, à la suite d’un accord œcuménique après le concile Vatican II.

Rapidement, un malentendu a surgi à propos de la sixième demande. La traduction engendra une difficulté théologique. Initialement, le verbe « soumettre » était compris dans le sens ancien « être ajusté à », comme la fenêtre est soumise au mur, au sens où elle est encastrée. Une évolution du sens de la langue pourrait faire comprendre que Dieu nous envoie les tentations pour nous tester. En fait, le verbe grec « eisphérô » (Mt 6,13) signifie littéralement « importer », « porter dans », « faire entrer ». La traduction la plus adéquate serait : « Ne nous induis pas en tentation » ou « Ne nous fais pas entrer en (dans la) tentation », ou encore « Ne nous introduis pas en tentation ». Mais Dieu pourrait-il nous « introduire » en tentation ? Dieu ne tente personne. La Lettre de saint Jacques le rappelle vigoureusement : Que nul, quand il est tenté, ne dise : « Ma tentation vient de Dieu. » Car Dieu ne peut être tenté de faire le mal et ne tente personne (Jc 1, 13). Dans ce sens, Dieu ne peut donc nous « soumettre » à la tentation, dans le sens littéral. 

Ce changement de traduction permet de réfléchir à la signification de la tentation. Il s’agit de sortir d’une compréhension morale pour percevoir l’enjeu théologique. Quelle est la plus grande tentation ? Croire que Dieu n’existe pas.  Le peuple juif y fut confronté dans sa marche vers la terre d’Israël. Durant l’Exode, lors de l’étape à Refidim, les fils d’Israël ont mis le Seigneur à l’épreuve : « Il donna à ce lieu le nom de Massa (Tentation) et Meriba (Querelle), parce que les Israélites cherchèrent querelle et parce qu’ils mirent Le Seigneur à l’épreuve en disant : Le Seigneur est-il au milieu de nous, ou non ? » (Ex 17, 7). Nous connaissons bien cette tentation de vivre comme si Dieu n’existait pas. Jésus y est confronté au désert. Le diable lui propose de demander à Dieu une preuve concrète de son existence. (Mt 4, 7 ; Lc 4, 12 citant Dt 6, 16). Jésus, le Seigneur, est mis à l’épreuve comme les Juifs à Massa et Mériba. 

 

Demander de ne pas entrer en tentation, c’est donc demander à ne pas douter de la présence de Dieu avec nous. En ce sens, Jésus dit à ses disciples, à Gethsémani : priez pour ne pas entrer en tentation (Mt 26, 41 ; Mc 14, 38 ; Lc 22, 40.46). Il est si simple de douter devant la dureté du monde et le triomphe apparent du mal. Nous sommes donc dans la joie de cette nouvelle traduction. Elle renouvèle notre prière et notre vie chrétienne. Dieu est Notre Père bien-aimé, toujours avec nous. Il nous aime inconditionnellement. Quel bonheur de prier le Père avec le Notre Père !

 

Père Emmanuel Gougaud