La Parabole des Talents, Rembrand

 

Le 15 novembre

QUEL TALENT !

C’est ainsi que l’on s’exprime parfois pour dire son enthousiasme vis-à-vis d’une personne dont nous admirons l’action. Ce mot évangélique, le « talent », désigne d’abord une unité de monnaie très forte (l’équivalent de 26 kg d’argent !), et il est passé dans le langage courant, pour désigner une aptitude, une compétence, ou un don inné ou acquis, qui parfois aurait à voir avec le génie…

La Parabole de Jésus creuse plus profond que cette sagesse populaire.

La parabole des talents vient utilement nous rappeler que nous sommes dépositaires de ce que Dieu nous confie. Ce qui nous est confié par le Seigneur, nous est confié non pas pour nous, mais pour les autres et pour Dieu. En retour, à ceux qui ont porté du fruit, Dieu leur donne une fécondité incalculable.

« Tous les biens que nous avons reçus, c’est pour les donner aux autres, et ainsi qu’ils fructifient. C’est comme s’il nous disait : "Voici ma miséricorde, ma tendresse, mon pardon : prends-les, et fais-en un large usage" » (Pape François Angélus 16/11/14).

Deux attitudes antagonistes marquent la parabole : la peur ou la confiance : la peur qui paralyse, la confiance qui porte du fruit à l’infini, par la fécondité de l’amour.   

Les deux premiers serviteurs ont osé tout risquer, sans calcul, sans hésitation. Ils ont reconnu le don qui leur a été fait et ont fait valoir ce don. Ce qui est reproché au troisième serviteur c’est d’enfouir son talent : laisser un talent en jachère, c’est le laisser mourir.  «« Jésus ne nous demande pas de conserver sa grâce dans un coffre-fort ! » (Pape François). Ce serviteur est marqué par la peur de se risquer, il manque d'audace, de confiance, alors que le Seigneur lui avait marqué sa confiance en lui donnant un talent (ce qui n'est pas rien puisque cela correspond au salaire de 20 ans de travail !), ce serviteur vit dans la peur de son maître, il est jaloux de son maître et de la réussite des autres. Il n'a pas compris le don qui lui a été fait ; il rend stérile ce don qui lui a été fait. Il voit son maître comme un homme dur. La peur de Dieu est toujours quelque chose que la Bible dénonce : à la confiance que Dieu met en chacun de nous, doit répondre la confiance que nous mettons en lui, et dans les dons qu’il nous fait. Nous ne devons pas soupçonner Dieu. Le soupçon et la jalousie sont toujours mortels pour l’amour.

La confiance nous dit Jésus est source de joie : « Serviteur bon et fidèle ; sur peu de choses tu as été fidèles, je te confierai beaucoup ; entre dans la joie de ton Seigneur ». Joie de partager la fécondité de Dieu. Joie de la confiance reçue et donnée (c’est aussi la joie la plus profonde de l’amour humain). Nous sommes invités à « être fidèles dans les petites choses » ; comme le dit Thérèse de Lisieux, il ne s'agit pas de « faire des choses extraordinaires, mais de faire extraordinairement bien les petites choses de notre vie ». Et en fait rien n'est trop petit pour Dieu. Rien n'est sans valeur dans ce que nous faisons, même les tâches les plus humbles.

Entrons dans la joie du Seigneur qui nous confie son amour !

 

Vous pourrez aussi écouter l’homélie vidéo du Père François-Laurent Cœur de ce dimanche, sur YouTube, ce qui donnera une polyphonie aux commentaires de la Parole de Dieu !


Père Etienne Maroteaux,
Curé de Sainte-Marguerite et Sainte-Pauline du VésinetLe 14 novembre

Le 14 novembre,

Chers frères et sœurs,

De façon un peu provocante, on pourrait résumer ainsi la parabole de Jésus : Si Dieu agit comme le juge, nous avons à faire comme la veuve ! On sait bien que L’amour de Dieu dépasse infiniment ce juge qui agit pour se débarrasser d’une importune !

On imagine presque une scène de western auquel nous assistons dans cette parabole ; Face à face entre un juge qui est « une canaille » et une veuve exaspérante qui fait une demande peut-être injustifiée. Les veuves, comme les orphelins et les étrangers, devaient être protégées dans la foi du peuple de Dieu. Parce qu’ils sont seuls et sans défense. A force d’être « casse-pieds », cette femme sera exaucée par ce juge sans foi et sans scrupules.

Jésus nous rappelle par cette parabole que la prière est l’expression d’un désir plein de confiance mais aussi sans complexe. Belle définition de la prière !

« Dieu prend son temps » (verset 7 : la traduction liturgique dit : « les fait-il attendre ?»). Ainsi nous avons souvent l’impression que nos demandes dans la prière ne sont pas exaucées. Persévérer dans la prière est parfois dur. Et forte la tentation d’abandonner lorsque notre prière semble n’avoir pour toute réponse qu’un silence abyssal…

Nous devons accepter le mystère de la liberté divine face à nos demandes : le temps passe et parfois nos prières n’apportent pas les résultats désirés…. Jésus veut nous faire comprendre qu’il faut « prier sans cesse et ne pas se décourager » (verset 1).

Nous oublions parfois que la prière agit à long terme, souvent à notre insu. Dieu n’est donc pas comme ce juge inique : il n’a jamais peur qu’on lui casse la tête (ou les pieds !). Nous pouvons donc crier vers lui sans ménagement.

Si Dieu exauce, « cela ne signifie pas qu’il le fasse selon les temps et les modes que nous souhaiterions. La prière n’est pas une baguette magique ! » (Pape François, Audience 25/5/16) ; Dans cette magnifique méditation sur ce texte d’Evangile, le pape met en avant l’exemple de la prière de Jésus lors de sa passion, à Gethsémani; cela me semble très éclairant ; plutôt que de le paraphraser, je le cite : La prière, dit-il « aide à conserver la foi en Dieu, à nous en remettre à Lui également quand nous n’en comprenons pas la volonté. En cela, Jésus lui- même — qui priait tant ! — est un exemple pour nous : La Lettre aux Hébreux nous rappelle qu’« aux jours de sa chair, il présenta, avec une violente clameur et des larmes, des implorations et des supplications à celui qui pouvait le sauver de la mort, et fut exaucé en raison de sa piété » (5, 7). À première vue, cette information semble invraisemblable, car Jésus est mort sur la Croix… Assailli par une angoisse pressante, Jésus prie le Père pour qu’il le libère de la coupe amère de la passion, mais sa prière est remplie de sa confiance dans le Père et il s’en remet sans réserve à sa volonté : « Cependant — dit Jésus — non pas comme je veux, mais comme tu veux » (Mt 26, 39). L’objet de la prière passe au deuxième plan ; ce qui importe tout d’abord est la relation avec le Père. Voilà ce que fait la prière : elle transforme le désir et le façonne selon la volonté de Dieu, quelle qu’elle soit, car celui qui prie aspire tout d’abord à l’union avec Dieu, qui est Amour miséricordieux ».

Notre prière « transforme notre désir et le façonne selon la volonté de Dieu ».

La prière est donc affaire de confiance : la foi n’est pas une chose que l’on possède ou que l’on peut perdre ; c’est une relation de confiance. Jésus a soif que nous entrions dans cette relation de confiance sans faille ; la prière en est une des expressions : « Le Fils de l’homme trouvera-t-il la foi sur la terre ? ». Demandons à ce qu’il trouve la confiance dans notre cœur !

 

 A propos de la communion eucharistique :

Notre évêque propose que la communion puisse être reçue en ce temps du confinement. Ceux qui le désirent peuvent donc recevoir la communion la semaine ou le dimanche, seul ou en famille, lors des permanences des prêtres.  

La communion est normalement reçue au cours de la messe ; cette proposition exceptionnelle ne saurait vraiment remplacer la célébration de l’eucharistie. En effet, elle ne permet pas de vivre le lien entre la célébration liturgique commune et la communion. Il s’agit donc d’une proposition justifiée par l’impossibilité à se rassembler pour la messe ; elle permet de ne pas vivre trop longtemps sans la grâce de l’eucharistie. Chacun discernera s’il est appelé à communier de cette façon exceptionnelle, justifiée par le contexte exceptionnel. Evidemment cela implique de ne pas demander à communier tous les jours ! Il est bien d’autres façons de vivre la communion avec le Seigneur : dans sa Parole, dans notre prière ou dans les temps d’adoration, mais aussi bien sûr dans le service de nos frères.  

Il est nécessaire de lier cette communion au corps du Christ à la méditation préalable de la Parole de Dieu (en prenant par exemple l’Evangile du jour) et de prendre ensuite un temps significatif d’action de grâces. Le dimanche, si l’on peut, il est bien de participer à la messe retransmise de Lourdes de 10 heures.  

Il est bien entendu impératif que cette proposition ne donne pas lieu à un rassemblement dans l’église. S’il y a beaucoup de monde lorsque vous arrivez, vous êtes invités à revenir plus tard.
Père Etienne Maroteaux,
Curé de Sainte-Marguerite et Sainte-Pauline du Vésinet

Le 13 novembre,

Chers frères et sœurs,

« L’un sera laissé, l’autre pris » (Lc 17,26-37) : dernièrement un médecin me citait cette phrase de Jésus à propos du Covid, pour dire que cette maladie semble attaquer au hasard, gravement ou bénignement, sans que l’on sache toujours pourquoi… Application très concrète de la phrase de Jésus.  

En effet les paroles de Jésus sont très concrètes : il raconte la vie « normale » des hommes et des femmes avant le déluge et dans les jours de Loth : manger, boire, vendre, prendre femme ou mari, quoi de plus habituel… Jusqu’au jour imprévisible de la rencontre du Seigneur vivant.

Lorsque Jésus évoque le cataclysme du déluge universel, cela n’est pas particulièrement rassurant… Mais Jésus utilise cette image seulement pour nous dire que la venue du Fils de l’homme se déroulera sans que l’on s’en aperçoive, en plein cœur d’une existence banale, quotidienne, remplie d’activités parfois incessantes ; le confinement peut, mais pas toujours, marquer comme une pause pour souffler et laisser souffler l’Esprit en nous. Pourtant Jésus, ailleurs, utilise un langage apocalyptique, parfois effrayant, où il évoque les cataclysmes annonciateurs de la fin des temps. Mais ici rien de tel.

Personne n’avait prévu le déluge. La venue de Jésus est toujours déconcertante, imprévue, mais heureuse : Lorsque Jacob est en fuite (Gn 28,10-19), il est surpris par la nuit et s’endort sur une pierre prise au hasard, en un lieu quelconque, banal en apparence. Et voilà qu’un songe le propulse dans l’univers divin : la fameuse échelle qui monte jusqu’au ciel, et Dieu lui fait des promesses de bonheur. Au réveil Jacob rend grâces : « Vraiment le Seigneur était là, et je ne le savais pas ! » (Gn 18,16).

Lorsque le Seigneur nous visite, nous ne le savons pas toujours… Dans l’ordinaire de nos vies, nous avons, dit Jésus, à nous rappeler qu’il vient nous visiter, et peut-être pour la visite « définitive ».

« Aujourd’hui le Seigneur, avec cette bonté qu’il a, dit à chacun de nous : "Arrête-toi, arrête-toi, ce ne sera pas tous les jours comme ça. Ne sois pas habitué, comme si c’était l’éternité. Il y aura un jour durant lequel tu seras retiré, et l’autre restera" » (homélie Ste Marthe 17/11/2017).

Paul médite cela dans l’épître à Philippiens, lorsqu’il dit qu’il est « pris entre deux » désirs contradictoires : « Je désire partir pour être avec le Christ, car c’est bien préférable ; mais, à cause de vous, demeurer en ce monde est encore plus nécessaire ».

Demandons au Seigneur que chaque geste quotidien, chaque instant de notre vie soit accompli en présence du Seigneur, pour nous préparer au grand jour de la rencontre avec lui, même si celui-ci ne presse pas (c’est bien sûr de l’humour !).

 

PS l’image de l’arche de Noé que je mets en regard avec ce texte d’Evangile est transformée en « prophétie » de l’Eglise, où Noé ressemble au Christ qui domine cette nef Eglise !

 

Le 12 novembre
Revêtus de la dignité du Christ :

La lettre de Paul à Philémon est la seule, très brève mais très personnelle, qu’il ait adressée à un seul destinataire. Elle dépasse infiniment son seul destinataire, parce qu’elle est adressée en même temps à l’Eglise qui se rassemble dans la maison de Philémon (verset 2). Paul écrit cette lettre en prison, peut-être à Ephèse. Onésime, esclave, s’est enfui de chez son maître. Il a rendu service à Paul prisonnier, d’où le jeu de mot sur son nom (Onésime, utile, alors qu’il a causé des soucis à son maître). Paul l’a baptisé, et il est désormais revêtu de la dignité du Christ, il en a fait son collaborateur. Philémon lui-même est arrivé à la foi grâce à Paul, et il n’a rien à lui refuser.

Philémon aurait le droit de punir Onésime. Paul lui demande avec délicatesse de ne rien en faire, mais bien au contraire de lui faire grâce. Evidemment Paul ne parle pas d’abolition de l’esclavage, ce serait anachronique ; en revanche il prend en compte le fait que par le baptême, d’une certaine façon, il est « affranchi », et devient un frère pour son maître, et il convient qu’il l’accueille comme « un frère bien-aimé » dans la foi ; Le maître et son esclave sont appelés ensemble à accueillir le salut et la liberté que donne le Christ. C’est la nouvelle condition de baptisé qui bouleverse toutes les relations humaines. Dans le Christ toutes les frontières sont abolies : « Vous tous que le baptême a unis au Christ, vous avez revêtu le Christ ; il n’y a plus ni juif ni grec, il n’y a plus ni esclave ni homme libre, il n’y a plus l’homme et la femme, car tous, vous ne faites plus qu’un dans le Christ Jésus » (Ga 3,27-28). Onésime reviendra auprès de Philémon comme frère, membre de l’Eglise dans sa maison pour le service de l’Evangile.

Paul invite Philémon à renouveler ses liens avec Onésime, et le presse à l’accueillir comme s’il accueillait Paul lui-même, le prisonnier de la foi. « Accueille-le comme si c’était moi », c’est-à-dire comme un frère et plus encore un ami. En Christ le baptême nous fait tous frères. C’est cela qui, plusieurs siècles plus tard, conduira à l’abolition de l’esclavage. La fin du texte joue sur le nom d’Onésime « Fais-moi cette joie » (verbe qui a la même racine que le mot utile). Ainsi Paul sera réconforté jusqu’au plus profond de lui-même par l’attitude d’accueil de Philémon à l’égard de son frère dans la foi, Onésime.

Jésus, quant à lui, nous rappelle que son Royaume commence dans le cœur de chaque homme : « Voici que le règne de Dieu est au milieu de vous ». C’est ce qui donne sens aux paroles de Paul à Philémon.  

Nous avons à accueillir le Royaume dès aujourd’hui, quelque soient les circonstances, heureuses ou rudes comme en ce moment. Il ne s’agit pas de rêver un futur plus ou moins « imaginaire », mais de voir la beauté du Royaume qui « est » (le verbe est au présent) présent en chaque être humain.

Que le Seigneur nous donne de voir chaque humain comme revêtu de la dignité du Christ à laquelle il est appelé.

Bonne journée dans le Christ présent en nous et en nos frères

Père Etienne Maroteaux,
Curé de Sainte-Marguerite et Sainte-Pauline du Vésinet

 

Le 11 novembre,
Chers frères et sœurs,

Après un mardi plus léger, un mercredi plus sérieux, en ce jour de la Saint Martin, où nous faisons mémoire et sommes invités à prier pour les victimes des guerres et pour ceux qui ont donné leur vie au service de notre pays.

Faire mémoire, nous dit le pape dans son encyclique sur la fraternité, ce n’est pas seulement rappeler les côtés terribles, souvent inhumains, de la guerre, mais aussi mettre en valeur le bien accompli : « je ne me réfère pas uniquement à la mémoire des horreurs, mais aussi au souvenir de ceux qui, dans un contexte malsain et corrompu, ont été capables de retrouver la dignité et, par de petits ou grands gestes, ont fait le choix de la solidarité, du pardon, de la fraternité. Il est très sain de faire mémoire du bien » (Tous frères, 249). Nous sommes trop habitués par les médias à voir seulement le mal à l’œuvre dans le monde, et nous ne savons pas voir les élans de générosité, les dévouements, les belles actions même au milieu du mal.

C’est ainsi qu’un seul des dix lépreux guéris de son mal dans l’Evangile vient faire mémoire du bien que Jésus a accompli pour lui (Lc 17,11-19) ; les autres sont oublieux de la grâce. Voilà qui nous rappelle s’il en est besoin, l’importance de l’action de grâces.

« Sommes-nous capables de dire merci ? » demande le pape François, dans un commentaire sur ce texte. « Combien de fois nous disons-nous merci en famille, en communauté, dans l’Église ? Combien de fois disons-nous merci à celui qui nous aide et qui nous est proche, à celui qui nous accompagne dans la vie ? »

Nous ne devons jamais considérer que tout nous est dû. Savons-nous reconnaître et rendre grâce pour les traces de Dieu dans nos vies ? Le pardon de Dieu qui remet debout ; les grâces du quotidien, les pardons reçus, les rencontres heureuses, les attentions du quotidien, les joies et douleurs où le Seigneur a manifesté sa présence de paix.

La gratitude nous fait remonter jusqu'à la source de l'amour et donc à Dieu. Même dans les difficultés elle permet de reconnaître les raisons de rendre grâce. Et plus encore, parfois, comme le dit Julien Green, « le souvenir d'une grâce passée peut être une nouvelle grâce ».

La gratitude est source d’une paix profonde pour notre cœur, qui nous donnera par surcroît comme le dit Paul d’être « bienveillants, montrant une douceur constante à l’égard de tous les hommes » (Ti 3,1).

Habités par la bienveillance et de la grâce du Christ nous devenons capables d’agir avec sa douceur : « Dépasser l’héritage amer d’injustices, d’hostilités et de défiance laissé par le conflit n’est pas une tâche facile. Cela ne peut être réalisé qu’en faisant vaincre le mal par le bien (Cf. Rm 12, 21) et en cultivant les vertus qui promeuvent la réconciliation, la solidarité et la paix » (Tous frères, 243 ).

Que le Seigneur nous donne d’être artisans de paix, de générosité et de justice comme le fut Saint Martin.

Père Etienne Maroteaux,
Curé de Sainte-Marguerite et Sainte-Pauline du Vésinet

 

Le 10 novembre,
Chers frères et sœurs.

Les vagabondages de l’esprit humain sont étranges… Vous allez comprendre pourquoi je dis cela dans un instant. Voilà qui donnera un peu de légèreté et d’humour en ce temps du confinement !

En lisant l’Evangile de ce jour, la parabole du serviteur inutile (Lc 17, 7-10), je repensais au dilemme du capitaine Haddock dans Coke en Stock, quand on lui demande s’il dort la barbe au-dessus des couvertures ou en-dessous .

 Par quelle circonvolution de mon esprit en ébullition (à propos de bulles de BD) en suis-je arrivé là à partir de cet Evangile ? Voilà : non pas en-dessus/ en-dessous, mais en premier/ en second : Le service d’abord et la grâce ensuite ou la grâce d’abord et le service après ? Les deux en même temps mon capitaine !

Jésus dans cette parabole pose la question du lien entre service et grâce : le service est-il accompli pour en recevoir une grâce, une récompense ? « Le maître aura-t-il de la reconnaissance pour ce serviteur qui a accompli son devoir ?» : le mot reconnaissance est le mot grec Charis, qui dit la grâce, la gratitude, la générosité, le « débordement » de l’amour de Dieu : Marie est remplie de cette grâce : Luc utilise le même mot. Ou bien est-ce la grâce qui pousse au service ? Autrement dit la grâce précède-t-elle, ou le service est-il premier ?

C’est évidemment la grâce de Dieu, la gratuité de son amour qui nous pousse à servir nos frères. Lorsque nous servons les autres, nous le faisons parce que le Seigneur nous en montre l’exemple, lui qui s’est fait serviteur, lavant les pieds de ses disciples : il le fait par amour gratuit, et non pas pour obtenir une récompense de son père. Mais le service nous donne aussi la grâce.

Le serviteur « inutile » (certaines traductions disent « bon à rien » ou « simple serviteur ») est en fait bon à quelque chose lorsqu’il accomplit avec amour la volonté du Seigneur. La joie du serviteur à la suite de Jésus est de pouvoir se coucher le soir en disant : « Voilà Seigneur, je suis un serviteur inutile, je n’ai fait que ce que tu me demandes ». Et la grâce viendra de surcroît ! Pas forcément sous notre couverture, mais elle portera du fruit en nous et autour de nous. « Cherchez plutôt son Royaume, et le reste vous sera donné par surcroît. » (Lc 12,22.30).

Le serviteur généreux, qui ne calcule pas son temps, ni son énergie au service du Royaume et de ses frères fait « découvrir à Dieu ce sentiment merveilleux : la gratitude » (Frère Dominique, En-Calcat).

La grâce de Dieu nous précède, nous accompagne, nous comble, en-dessus et en-dessous, c’est-à-dire en tout temps et en tous lieux, même sous la couverture (songeons à l’importance des songes comme présence de Dieu dans la Bible : le songe des deux Joseph) !

Bien sûr tout cela est de l’humour « sérieux », mais qui n’est pas fait « au nez et à la barbe » de Dieu ! *

Et surtout ne dites jamais au Seigneur, ni à vos frères : « La barbe » !

  *Vielle expression du Moyen-Age, pour parler d’un « acte commis en plein jour pour que l’autre ne l’ignore pas ».

 

Père Etienne Maroteaux

curé de Sainte Marguerite et Sainte Pauline du Vésinet


Le 9 novembre,
Chers frères et soeurs,

L’Evangile où Jésus chasse les marchands du Temple avec un fouet brouille parfois l’image que nous avons de la douceur de Jésus. Jésus serait-il donc violent ?

Jésus a toujours refusé toute forme de violence :il en témoigne sur la croix.

Chacun de ses gestes, chacune de ses paroles, chaque instant, chaque rencontre est remplie de la miséricorde du Père. Sans cesse, il invite à pardonner à ses ennemis. « Aimez vos ennemis, faites du bien » (Lc 6,35) : aimer ses ennemis doit aller jusqu’à poser pour eux des gestes et des actes d’amour concret. Voilà jusqu’où va la douceur des mains de Jésus.

C’est ce que Jésus a vécu pendant la Passion : « Père pardonne-leur ils ne savent pas ce qu’ils font ».

Cet Evangile des marchands du Temple est une des rares scènes de la vie de Jésus qui est rapportée par les quatre Evangélistes, ce qui en dit l’importance. Que peut-il nous dire de l’amour du Christ ?

Le Temple est le lieu sacré par excellence de la foi juive au temps de Jésus ; il a été bâti par Salomon, reconstruit plusieurs fois ; il est le lieu de la Présence divine, on y offre des sacrifices, et les fidèles y montent en pèlerinage trois fois par an. Jésus lui-même s’y rend souvent. Un lien mystérieux et profond unit Jésus au Temple de Jérusalem, « la maison de mon Père », titre glorieux que Jésus lui donne ; Jésus s'est souvent rendu là pour les grandes fêtes de son peuple.

Une nouvelle fois Jésus se rend au Temple pour adorer son Père à l’approche de Pâque. Jésus voyant les marchands envahir le Temple fabrique un fouet avec des cordes et renverse les tables de changeurs.

On pourrait penser que Jésus ne se maîtrise pas et se laisse aller à la violence. Ses mains posent un geste qui ressemble à de la colère… Le geste de Jésus, quand il chasse les marchands du Temple, nous surprendra toujours ! En fait Jésus est indigné. Ce geste manifeste la déception de l’amour. C’est la sainteté et la grandeur de Dieu qui sont bafoués, puisque le Temple est détourné de sa mission première, rendre gloire à Dieu. Jésus agit en prophète ; Le prophète Jérémie dénonçait déjà la façon dont le Temple était traité : « Une caverne de bandits, cette Maison sur laquelle mon nom est invoqué » (voir Jr 7,11 :). Si Jésus est scandalisé, c'est par le manque de respect pour le Temple, maison de prière, lieu saint où réside du Père ; il révèle là, une fois de plus sa passion brûlante pour le Père : « l'amour de ta maison me dévore » (Jésus cite là le Ps 68,10). Sa colère est le signe de cet amour d'une intensité unique « Il faut que le monde sache que j'aime le Père » (Jn 14, 3 1).

Saint Ignace de Loyola a une lecture douce de ce qu’on a parfois appelé la « sainte colère de Jésus » : « Aux pauvres qui vendaient des colombes, il dit avec douceur : enlevez ces choses d’ici ». Tout dépend du ton employé, et du sens de nos paroles et dans nos gestes ! Et le fouet est sans doute dissuasif, et symbolique il n’est pas utilisé contre les personnes, en tout cas ! Au commerce des animaux et aux échanges d’argent, Jésus oppose la gratuité de sa bonté qui guérit les corps et remet debout.

Jésus sera d'ailleurs condamné à cause de cette affirmation, jugée scandaleuse, qu'il prononce ce jour‑là : « Détruisez le Temple, et en trois jours, je le rebâtirai » ; Jésus annonce par là un nouveau Temple non construit par les hommes : ce Temple c’est son corps qui rassemble les peuples. Au-delà des prières qui habitent ce lieu saint, le Temple a une dimension mystique : le Temple dit une présence de Dieu d'une richesse insondable : la présence de Dieu dans l'humanité du Christ, sa présence en tout homme qui est « Temple de l'Esprit », sa présence dans la communauté chrétienne. « Si quelqu'un m'aime, nous viendrons en lui, et nous ferons en lui notre Demeure » (Jn 14,23) Quelle grandeur, quelle dignité pour l'homme !

Père Etienne Maroteaux,
Curé de Sainte-Marguerite et Sainte-Pauline du Vésinet