Le jugement dernier, Memling (XV° siècle)

Le 22 novembre

Chers frères et sœurs,

En ce dernier dimanche de l’année liturgique, nous contemplons le Christ-Roi dans une parabole solennelle, dite du jugement dernier. Evidemment les représentations de la tradition artistique catholique (comme ce superbe tableau de Memling) ont contribué à « fausser » en partie notre conception du jugement dernier. Il ne s’agit pas d’une pesée des âmes, mais du poids de l’amour donné tout au long de notre vie.  

« Au soir de notre vie, nous serons jugés sur l’amour » (Jean de la Croix) : La parabole nous parle d'un royaume qui se fait très concret : lorsque nous aimons, lorsque nous pardonnons, lorsque nous faisons la paix, lorsque nous prenons soin des plus petits, des malades, lorsque nous nous faisons proches des prisonniers, lorsque nous donnons à manger aux affamés, lorsque nous accueillons tout homme comme s'il était le Christ, alors le royaume de Dieu grandit.

Le pape François a médité, lors de la journée des pauvres, sur la grandeur de nos actes, mêmes les plus humbles ; le Christ nous invite à tendre la main vers nos frères les plus petits auquel il s’est identifié : « J’ai eu faim et vous m’avez donné à manger, j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire, j’étais un étranger et vous m’avez accueilli, nu et vous m’avez vêtu, malade et vous m’avez visité, prisonnier et vous êtes venus me voir… Tout ce que vous avez fait au plus petit d’entre mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25, 34-40).  

Voilà ce que dit notre pape :« Tendre la main est un signe : un signe qui rappelle immédiatement la proximité, la solidarité, l’amour. En ces mois où le monde entier a été submergé par un virus qui a apporté douleur et mort, détresse et égarement, combien de mains tendues nous avons pu voir ! La main tendue du médecin qui se soucie de chaque patient en essayant de trouver le bon remède. La main tendue de l’infirmière et de l’infirmier qui, bien au-delà de leurs horaires de travail, sont restés pour soigner les malades. La main tendue de ceux qui travaillent dans l’administration et procurent les moyens de sauver le plus de vies possibles. La main tendue du pharmacien exposé à tant de demandes dans un contact risqué avec les gens. La main tendue du prêtre qui bénit avec le déchirement au cœur. La main tendue du bénévole qui secourt ceux qui vivent dans la rue et qui, en plus de ne pas avoir un toit, n’ont rien à manger. La main tendue des hommes et des femmes qui travaillent pour offrir des services essentiels et la sécurité. Et combien d’autres mains tendues que nous pourrions décrire jusqu’à en composer une litanie des œuvres de bien. Toutes ces mains ont défié la contagion et la peur pour apporter soutien et consolation ».

Dans l’autre, quel qu’il soit, même le plus défiguré, même s’il est notre ennemi, c’est le Christ qui vient à notre rencontre. Toute rencontre humaine a donc, ou devrait avoir, une dimension mystique. « Pour nous la source de dignité humaine et de fraternité se trouve dans l’Évangile de Jésus-Christ. C’est de là que surgit pour la pensée chrétienne et pour l’action de l’Église le primat donné à la relation, à la rencontre avec le mystère sacré de l’autre, à la communion universelle avec l’humanité tout entière comme vocation de tous » (Tous frères, 277).

Le Christ qui est Roi n’a pas renié ses frères les plus faibles, bien au contraire, il s’identifie à eux. Il est ce petit, pauvre, humble, affamé dans le désert, assoiffé de l’amour, prisonnier des grands de ce monde, nu sur la croix…

Que le Christ nous donne de le rencontrer et de le reconnaître en nos frères !

PS Vous pourrez écouter sur YouTube l'homélie de ce jour, du Père Stéphane Fonsalas, qui s'occupe des jeunes de nos paroisses.

Père Etienne Maroteaux,
Curé de Sainte-Marguerite et Sainte-Pauline du Vésinet

Le 21 novembre

Chers frères et sœurs,

Jean médite sur le temps de l’Eglise ouverte aux païens qui annonce l’Evangile au monde (Ap 11,4-12).

Les deux témoins-martyrs ont fait couler beaucoup d’encre pour tenter de les identifier. Une façon de lire ce texte est d’y voir Pierre et Paul. Pierre qui a démarré la mission de l’Eglise auprès des païens (Ac 10) et Paul qui fut l’apôtre des nations, et qui n’a pas cessé d’annoncer l’Evangile avec passion.

Les deux oliviers et les deux flambeaux évoquent sans doute le peuple saint et le Temple. Ces deux témoins sont investis des pouvoirs de Moïse et d’Elie ; mais c’est la puissance et l’énergie du Christ ressuscité qui agit en eux ; si Elie a eu le pouvoir de « fermer le ciel » (1 R 17,1), et d’empêcher la pluie, si Moïse a pu changer l’eau en sang (Ex 7,17), combien plus Pierre et Paul ont reçu puissance, parce qu’ils suivent le Christ sur le chemin de la croix. Pierre et Paul sont morts martyrs à Rome quand Jean écrit cela (respectivement en 66 et 70). Ils ont prêché la conversion (ils sont revêtus de sac, signe d’appel à la conversion) dans la grande cité (Rome), où ils vont donner leur vie en témoignage au Christ. Babylone-Rome est dans le livre de l’Apocalypse symbolique, elle est comme le cœur du monde encore soumis au Mal, là où le Seigneur a été crucifié par le pouvoir de ce monde. Les corps de ces témoins resteront exposés, en signe d’infâmie.

N'oublions pas que lorsque Jean écrit cette lettre, l’Eglise est en proie à la persécution de Néron puis de Domitien. La croix du martyre est le lot quotidien ; sous Néron nombre de chrétiens sont eux-mêmes crucifiés (la tradition dit que Pierre a été crucifié la tête en bas). L’Eglise est missionnaire à la suite de Pierre et de Paul qui constituent l’Eglise du Ciel.

Jean proclame la foi en la résurrection : Pierre et Paul qui ont été témoins de l’Evangile de la vie sont vivants auprès du Seigneur (verset 12) ; Un souffle de vie les remet sur pied, le souffle du ressuscité, ce souffle qui avait donné vie aux ossements desséchés du prophète Ezéchiel (Ez 37,1-10). Identifiés au Christ dans leur mort, ils connaissent comme lui une « ascension »  

Oui, comme le rappelle Jésus dans l’Evangile, « Dieu n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants. Tous, en effet, vivent pour lui. » (Lc 20, 27-40).  

Nous avons du mal à voir la vie éternelle autrement que comme un prolongement de ce que nous vivons aujourd’hui ; la question des sadducéens vient de là : si la résurrection est dans la continuité de la vie terrestre, quelle place pour les sept maris successifs dans la vie d’une épouse ? Humains trop humains, les saducéens ne croient ni à la résurrection ni aux anges et ils essayent de coincer Jésus avec une question un peu saugrenue…

Jésus comme toujours ouvre un autre chemin et élève le débat : les réalités humaines disparaîtront et la vie se perpétuera d’une autre façon dans la vie éternelle ; l’éternité n’est pas la reproduction du temps humain à l’identique. On n’y a plus le même corps, ni la même vie ; on y est « comme des anges », c’est-à-dire dans la louange et dans la communion parfaite et permanente avec Dieu et entre nous.

La vie avec Dieu ne vient pas contredire notre vie actuelle, en particulier l'amour conjugal vécu en cette vie : Dieu ne séparera pas ce qu'il a uni en ce monde. Il y a bien continuité entre la vie présente et la vie avec Dieu. Mais bien au-delà de ce que nous pouvons entrevoir dans la foi. Nous serons alors des vivants en communion profonde avec ceux qui nous ont précédés, sans les limites que nous connaissons aujourd'hui dans nos vies, sans les larmes.

Si l’humoriste dit « l’éternité c'est long, surtout vers la fin » (Woody Allen), il ne faut pas pour autant penser la vie éternelle en termes de durée, mais en intensité d'une vie vécue en communion d'amour avec Dieu et avec tous, un peu à l'image de ces rares instants de bonheur qui ponctuent notre vie et que nous voudrions voir durer.

Puisque Dieu est mon Dieu je suis un vivant promis à la vie pour toujours avec mes compagnons de route de ce monde. Voilà la Bonne Nouvelle qui traverse toutes les tempêtes de nos vies.


Père Etienne Maroteaux,
Curé de Sainte-Marguerite et Sainte-Pauline du Vésinet

Le 20 novembre

Chers frères et sœurs,

Un ange passe… mais pas n’importe comment ! Cet ange est particulièrement impressionnant, enveloppé de cette nuée qui cache le Fils de l’homme ; il est nimbé d’un arc-en-ciel signe de l’Alliance avec Noé ; et son visage est resplendissant comme celui du Christ transfiguré (Mt 17,2). Ses jambes sont de feu, signes de puissance, comme le feu que le Christ vient jeter sur la terre (Lc 12,49). Il est comme un lion rugissant (cf le prophète Osée qui parle ainsi de Dieu : « Le Seigneur ; comme un lion rugira » Os 11,10) ; le Christ est désigné comme le « Lion de la tribu de Juda » (Ap 5,5).

Cet ange redoutablement « armé » tient en main un « bien » infiniment précieux ; c’est ce qui explique le contexte très solennel, quasi-liturgique de son apparition, plus solennelle que l’entrée du diacre dans notre eucharistie, lorsqu’il entre en procession en tenant devant lui l’Evangéliaire. Il avance avec « un petit livre ouvert » ; tiens, tiens un indice précieux nous est donné par le visionnaire : ce livre est ouvert, alors qu’au début il était clos (cf Ap 5,1-4 : méditation d’hier). C’est le Lion de Judas, le Christ, qui en proclamant l’Evangile l’a ouvert définitivement pour nous. Après un cri angélique mais fort impressionnant « les sept tonnerres firent retentir leur voix ». Les sept tonnerres, c’est la voix de Dieu qui atteste l’authenticité et la plénitude qu’a apporté le Christ par sa Parole de feu.

On peut aussi repenser à ce passage en Jean, à l’heure où le Père glorifie le Fils par avance : « Du ciel vint une voix qui disait : « Je l’ai glorifié et je le glorifierai encore. ».  En l’entendant, la foule qui se tenait là disait que c’était un coup de tonnerre. D’autres disaient : "C’est un ange qui lui a parlé" » (Jn 12,28-29).

Si le Christ a tout transmis de l’amour du Père par sa Parole, il reste un mystère profond qui fait taire Jean le visionnaire. Nous ne saurons pas ce que disait le tonnerre ! L’Evangile devrait nous suffire dans sa polyphonie des quatre Evangélistes : nous entendons aujourd’hui la version lucanienne des marchands du Temple après avoir entendu celle de Jean, lundi 9 novembre. Le mystère nous sera pleinement connu au son de la 7° trompette, mais ce n’est pas encore pour tout de suite !  

Jean entend l’ange lui ordonner de prendre « le petit livre ouvert ». Comme l’avait fait l’Agneau (« Il s’avança et prit le Livre dans la main droite de celui qui siégeait sur le Trône », Ap 5,7) ; le Christ l’avait fait de lui-même, Jean, lui, attend qu’on le lui ordonne ; il le prend en ses mains, lui qui a reposé sur le cœur du Christ (Jn 13,25). Jean est comme le prophète Ezéchiel (Ez 2,8-3,3) à qui le Seigneur a donné le rouleau à manger.

Cette Parole de Dieu est d’abord « douce comme le miel » (Ps 118,103 : « Qu'elle est douce à mon palais ta promesse : le miel a moins de saveur dans ma bouche ! »), comme toute Parole venant de Dieu ; mais elle est aussi amère, parce que la Parole vécue est conversion, elle est risque de persécutions… A Jean est demandé ensuite de porter cette Parole à tous les peuples. Il est envoyé en mission pour annoncer le Christ.

Les Pères de l’Eglise reprendront cette image de la Parole à manger en parlant de « rumination » : « manger la Parole », goûter sa saveur, s’en nourrir, la porter en notre cœur nous permet d’assimiler l’amour de Dieu et de le faire nôtre : « Goûtez et voyez : le Seigneur est bon » (Ps 33,9).

Bonne rumination de la Parole !


Père Etienne Maroteaux,
Curé de Sainte-Marguerite et Sainte-Pauline du Vésinet

Le 19 novembre

DES LARMES DU CHRIST AUX LARMES DE JEAN L’EVANGELISTE :

    « Je pleurais beaucoup, parce que personne n’avait été trouvé digne d’ouvrir le Livre et de regarder » (Ap 5,4).  

    Dieu tient en main un livre en forme de rouleau. Les larmes de Jean viennent de ce que « nul n’est capable d’ouvrir ce livre » ; Le Christ seul peut consoler ces larmes. Ce livre entre les mains de Dieu, c’est le premier Testament. Seul le Christ peut ouvrir ce livre et donner de le comprendre ; il dévoile toute la portée de l’histoire sainte.

    Le Christ est décrit comme « l’Agneau immolé », au centre de l’histoire du salut. Et nous retrouvons la place de la liturgie dans le livre de l’Apocalypse : le chant de l’Agneau de Dieu nous dit quelque chose !

    Et derrière cette image, il y a toute l’histoire sainte qui défile, en filigrane : c’est l’agneau immolé de la première Pâque (Ex 12,5-6) dont le sang préserve le peuple de Dieu, c’est aussi le Serviteur de Dieu qui est comme l’Agneau que l’on mène à l’abattoir (Is 53,7) ; oui, le Christ est bien celui qui donne sens aux Ecritures ! Christ est notre Pâque, celui qui nous sauve. Cet agneau a 7 cornes, signe de force, 7 yeux, signes de la pleine connaissance, les 7 esprits signe de l’Esprit qui repose en plénitude sur lui. Il est plénitude de plénitude (Cf Jn 1,16).

    Et commence alors la grande liturgie de louange des anges et de tout le peuple de Dieu, par « myriades de myriades », avec force parfum (rappel de l’encens du Temple) en des coupes qui rappellent les « prières des saints » ; « ils se prosternèrent pour adorer » (Ap 5,14).

    « Jésus fut près de Jérusalem, voyant la ville, il pleura sur elle, en disant : « Ah ! Si toi aussi, tu avais reconnu en ce jour ce qui donne la paix !... Tu n’as pas reconnu le moment où Dieu te visitait. » (Lc 19,41-44) :

    Elles sont rares et d’autant plus précieuses les larmes de Jésus ! Elles sont évoquées par trois fois : « Pendant les jours de sa vie dans la chair, il offrit, avec un grand cri et dans les larmes, des prières et des supplications à Dieu qui pouvait le sauver de la mort, et il fut exaucé en raison de son grand respect » (He5,7) : Ce sont les larmes d’agonie de Gethsémani (Lc 22,44) : « Entré en agonie, Jésus priait avec plus d’insistance, et sa sueur devint comme des gouttes de sang qui tombaient sur la terre ».  

    Bien sûr quand on parle des larmes de Jésus on pense à celles qu’il a versées face à la tristesse de ses amis de Béthanie. Nous voyons Jésus profondément ému, lorsque Marie vient lui annoncer la mort de son ami Lazare. Jésus est bouleversé (« il frémit et se trouble, puis pleure », Jn 11,33-35), et ses larmes manifestent qu’il est vraiment homme, affecté par la mort d’un proche et par la peine de ses amies.

    Mais aussi ces larmes manifestent la miséricorde de Jésus reflet fidèle de la miséricorde de son Père : Dieu ne se résigne pas au péché, au Mal et à la mort de l'homme ; ces larmes en sont le signe. Jésus, Dieu fait homme, a épousé nos larmes. Il est grand et beau de voir celui qui est Seigneur de la vie s’émouvoir devant les souffrances humaines : Jésus ne cesse d’être à nos côtés dans nos détresses humaines. Ne l’oublions pas ; il est important que cela reste gravé dans nos cœurs comme une certitude, lorsque nous sommes dans la tourmente. Aucun homme n’aurait osé imaginer ces larmes de Jésus. Ici apparaît la vérité de l’humanité de Jésus, vrai Dieu et vrai homme, qui souffre des souffrances de ses frères humains.

    Enfin, dans l’Evangile de ce jour, Jésus pleure sur Jérusalem (Lc 19,41) : ses larmes viennent de sa tristesse devant le refus des siens de l’accueillir dans la foi. Immense tristesse sans doute ! Ce sont les larmes de tendresse comme celle de parents sur leur enfant qui prend un chemin de mort ; « Tu n’as pas reconnu le moment où Dieu te visitait ». On comprend la tristesse profonde du Christ qui sait que son amour n'est pas reçu.  Il est bon en ces temps qui sont les nôtres de savoir que Jésus partage les larmes humaines de nos épreuves.


Père Etienne Maroteaux,
Curé de Sainte-Marguerite et Sainte-Pauline du Vésinet

Le 18 Novembre

Chers frères et sœurs,

Nous apprécierons les différences et ressemblances entre la parabole des Talents chez Matthieu ce dimanche et la parabole des Mines, version lucanienne, qui du coup parait presque moins nerveuse…

Ici il s’agit d’un « homme de qualité » qui va recevoir la couronne contre le gré de ses sujets ; est-ce une référence historique ? On ne sait. On y voit aussi une allusion voilée à la Passion de Jésus ; Luc place le texte dans le contexte de la montée de Jésus vers Jérusalem et donc vers la passion ; il ne s’agit pas comme récompense de la joie messianique, mais du gouvernement sur des villes.

Dans le chapitre 4 de l’Apocalypse, nous assistons à une liturgie : la proclamation des merveilles de la création devant celui qui siège sur le trône. Jean a une vision, une porte ouverte sur le monde de Dieu, le Seigneur de l’univers qui trône. Jean reprend la disposition du « saint des saints » dans le Temple de Jérusalem, là où brûlent les 7 lampes devant l’Arche d’Alliance, couverte des chérubins. Les pierres précieuses parlent de l’indicible des merveilles divines. Jean est devant ce qui ne peut pas être décrit, devant la Lumière qui symbolise l’Esprit-Saint qui permet de connaître Dieu. Les 24 vieillards manifestent l’unité des deux Alliances : les douze fils de Jacob, les Patriarches et les douze apôtres ; ils sont en vêtement blancs, ce qui représente aussi le Peuple de Dieu qui rend grâces à Dieu ; ils sont marqués par le baptême, sauvés par le Christ, même par anticipation pour les patriarches. C’est le Dieu créateur qui est célébré, ce qui expliques les allusions au ciel ouvert, à l’arc-en-ciel, rappel de l’Alliance avec Noé, à la Lumière, à la mer, aux « quatre vivants »).

Les « quatre vivants » ailés (reprenant les prophéties d’Ezéchiel : Ez 1, 5-10) qui ont un visage d’aigle, de taureau, de lion et d’homme, correspondent aux quatre points-cardinaux et représentent la totalité de la création ; ils deviendront à la suite d’Irénée de Lyon le symbole des quatre évangélistes. La louange que ces quatre vivants adressent au Seigneur est donc la louange de toute la création ; c’est le chant du Sanctus que nous retrouvons dans notre liturgie de la messe. Les 24 vieillards se prosternent devant le Dieu créateur.  

La liturgie est au cœur du livre de l’Apocalypse ; au point que certains lisent ce texte avec le filtre de l’eucharistie (y compris chez les protestants : voir Scott Hahn, Le festin de l’Agneau). Ainsi le Sanctus qui ponctue chaque messe, est l’acclamation après la préface de l’eucharistie : c’est le chant des anges et des saints au Dieu trois fois saint : « Saint ! Saint ! Saint, le Seigneur Dieu, le Souverain de l’univers, Celui qui était, qui est et qui vient ». Le début du Sanctus, se retrouve aussi dans la prière juive du matin, est dans le récit de la vocation du prophète Isaïe (Is 6,1-3). Il s’agit également d’une vision du prophète qui contemple Dieu dans son sanctuaire céleste, pendant que les anges chantant cette acclamation. La deuxième partie du Sanctus rappelle l’acclamation du Christ aux Rameaux lors de son entrée à Jérusalem (Mt 21,9 : « Hosanna au fils de David ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Hosanna au plus haut des cieux ! »). L’origine de ces paroles se trouve dans le psaume 117 (v. 26), qui décrit l’accueil du messie lors de son avènement. Hosanna, signifie « sauve donc ! », c’est une acclamation de joie et de victoire.
Puissions-nous bientôt reprendre notre louange commune dans l’eucharistie célébrée dans la messe

Père Etienne Maroteaux,
Curé de Sainte-Marguerite et Sainte-Pauline du Vésinet

Le 17 novembre

Chers frères et sœurs,  

La Bonne Nouvelle du jour est que le Christ vient rejoindre et prendre soin de nos maladies spirituelles, nos maladies sociales.

L’Eglise de Sardes est en état pitoyable, de quasi-mort clinique… Celle de Laodicée ne vaut guère mieux, elle qui est malade d’aveuglement. Zachée lui est en état quasi-mort sociale…  

L’Eglise de Sardes est mourante parce que sa vie chrétienne n’est pas active. Une communauté peut sembler vivante mais en réalité spirituellement être une « belle endormie », ce que Paul désignera comme « des apparences de piété » (2 Tim 3,5), ou Jacques qui dit que la « foi sans les œuvres est morte » (Jc 2,17). Cette Eglise est invitée à revenir à la source vive de la Parole de Dieu pour pouvoir revêtir de nouveau le vêtement baptismal de la vie dans le Christ. Christ peut réveiller notre foi, si elle est une « belle endormie ».

La dernière des sept Eglises, celle de Laodicée, est « pauvre, aveugle et nue ». Elle se croit riche, mais elle est malade d’un aveuglement intérieur ; elle n’est « ni chaude, ni froide », bref c’est une « eau tiède » (on connaît la réputation de celui qui n’a pas inventé l’eau tiède). Mais le Christ vient réchauffer notre foi ; il « frappe à la porte » de notre cœur : « Voici que je me tiens à la porte, et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui ; je prendrai mon repas avec lui, et lui avec moi » (Ap 3,20) : Le Christ vient à nous dans la Parole et l’eucharistie pour nous guérir de nos tiédeurs.

Zachée vit le paradoxe d’une richesse qui l’isole totalement ; il connaît le degré zéro de l’intégration. A cause de son métier qui ne lui vaut que mépris, lui le chef de publicain (collaborateur de l’empire romain honni, lui qui collecte les impôts) ; trop riche, il est soupçonné de malhonnêteté : il devait passer pour un « sale type » ; bref il est infréquentable et sans doute très solitaire.

Zachée a un vif désir de voir Jésus et plus que cela sans doute. Au risque de se rendre ridicule, retrouvant une âme d’enfant, et c’est peut-être cela qui touche Jésus, il monte dans un arbre. Jésus lève les yeux vers lui, il pose son regard sur lui, leurs regards se rencontrent.  

Appelé par son nom Zachée est retourné ; enfin quelqu’un qui le respecte, qui le regarde et qui lui parle : « Zachée descends vite ; aujourd’hui je veux demeurer chez toi ». C’est comme si Jésus lui disait : « Toi qui es méprisé de tous, toi que tout le monde fuit, tu es aimé de Dieu » : parole bouleversante qui va changer le cœur de Zachée.  

Bouleversé par le regard d'amour que Jésus pose sur lui et par la bonté de Jésus, Zachée est rendu à sa dignité d'humain respecté et il lui offre un cœur renouvelé et aimant ; l’amour du Christ le fait changer de vie : il se tourne vers les autres et apprend à les respecter...

Même si comme Zachée, nous ne nous sentons pas à la hauteur, Jésus pose son regard sur nous. Jésus quel que soit notre sentiment d’indignité ou notre péché, ou le regard des autres sur nous, veut nous faire prendre conscience que son amour inconditionnel pour nous : nous serons toujours quoi qu’il arrive, les enfants aimés de Dieu, qui ne se lasse jamais de nous. Dieu nous aime comme nous sommes, c’est la première Bonne Nouvelle de cet Evangile.  

Regardons le Christ poser un regard d’amour sur chacun de nous, pour qu’il vienne guérir nos blessures intérieures ou sociales, ou nos tiédeurs.


Père Etienne Maroteaux,
Curé de Sainte-Marguerite et Sainte-Pauline du Vésinet


Le 16 novembre,

Chers frères et sœurs,  

Nous commençons aujourd’hui, en cette fin d’année liturgique, la lecture d’un texte qui fait souvent reculer… L’Apocalypse, un mot qui fait peur ! Est-ce à cause des références culturelles (L’iconographie chrétienne souvent impressionnante, comme la tapisserie d’Angers, le film sur la guerre du Vietnam, Apocalypse Now…) ? Est-ce à cause du caractère difficile du texte biblique ? Les deux sans doute. Le mot en est venu à désigner soit les catastrophes qu’évoque le genre littéraire biblique, soit le côté effrayant des événements.

Nous avons juste oublié que l’Apocalypse est une Bonne Nouvelle ! Ai-je l’air de plaisanter ? Non, bien sûr ! La lecture d’événements extraordinaires (cataclysmes, fléaux, guerres…) ne doit jamais cacher l’essentiel de la foi : la « révélation » de l’amour du Seigneur ressuscité : voilà le sens du mot grec Apo-calypse , qui lève un voile sur le mystère : ce texte est dévoilement du salut vers lequel nous cheminons, au milieu des troubles parfois effrayants de notre monde (il n’est pas besoin de les détailler, nous les voyons parfois très concrètement et un peu trop souvent dans les médias qui en font leur « fonds de commerce » !) : le texte de Jean est « révélation de Jésus-Christ », ce sont les premiers mots de ce texte qui donnent le sens de tout le texte. Pas de quoi faire peur. Bien au contraire. Cet écrit a été rédigé en des temps encore plus troublés que les nôtres (persécutions contre les chrétiens), pour rassurer les communautés : Dieu reste fidèle à sa Parole, et le Salut est à l’œuvre en notre monde en dépit des apparences.

Voilà la Bonne Nouvelle de l’Apocalypse : le salut est sûr, il nous est donné par le Christ, dans sa Pâque. L’Apocalypse doit nous donner l’assurance et donc « la grâce et la paix » (verset 4), parce que l’amour du Christ est déjà vainqueur des vissicitudes de notre monde et de notre histoire ; et même si les monde continue à gémir, il est certain de la victoire du Christ sur le Mal ! Voici la grâce de la révélation de l’Apocalypse : Le Christ nous aime, chemine avec nous dans l’aujourd’hui de notre histoire. Ce texte peut nous redonner confiance en ces temps difficiles qui sont les nôtres.

Le Christ vainqueur du Mal et de la souffrance, nous le voyons en acte dans l’Evangile de ce jour : la guérison de l’aveugle mendiant de Jéricho, cet homme exclu, marginalisé que Jésus remet debout en lui rendant non seulement la vue mais la dignité d’enfant de Dieu fait pour la louange.

Jean adresse cette lettre aux sept Eglises, chiffre évidemment symbolique.

A l’Eglise d’Ephèse, il est reproché d’avoir perdu « son premier amour », sa ferveur initiale ; comme parfois notre foi qui s’use et tend à devenir une habitude… Nous sommes invités par Jean à revenir à la source de notre amour, le Christ. Toute Eglise doit reposer sur l’amour (Agapè) du Christ.

Demandons à retrouver la ferveur de notre premier amour pour le Christ ; si notre foi est venue à s’émousser, que le Seigneur souffle sur ces braises avec le feu de son Esprit !


Père Etienne Maroteaux,
Curé de Sainte-Marguerite et Sainte-Pauline du Vésinet