La prédication de Jean-Baptiste, Alessandro Allori, XVI ° siècle

Le 13 décembre

Chers frères et sœurs,

Au cœur de l’Avent, nous sommes déjà conviés à entrer dans la joie de Noël.  

Est-il si évident d’associer Jean-Baptiste à la joie comme le fait la liturgie de ce dimanche. ?  

Est-ce qu’on associerait spontanément les jansénistes à la joie ? Non bien sûr, car ils ont contribué à rendre la foi triste dans le crainte l’enfer. Il a fallu une Thérèse de Lisieux pour rendre à la foi sa joie. Spontanément, on verrait plutôt Jean-Baptiste comme un ascète exigeant, un peu rude, aux paroles de feu, mais pas comme l’homme de la joie. Quel étrange personnage en vérité, ce prophète !

Il pratique une vie d'ascète, au cœur du désert, avec un renoncement qui impressionne, et qui lui sera parfois reproché par ses contemporains mais là n'est pas l’essentiel. Dans l'Evangile de Jean, Jean-Baptiste n'est pas d'abord l'ascète, il est le « témoin venu pour rendre témoignage à la lumière afin que grâce à lui tous viennent à la foi », comme nous l'avons entendu. Il est l'homme qui voit au-delà du visible et qui invite à faire de même.  

Quelle est donc cette joie du prophète que la liturgie de ce dimanche nous propose de contempler ?  

Jean le Baptiste nous montre sa joie d’entendre la voix du Christ. Il témoigne du bonheur qui le remplit, à écouter la voix de l'Epoux, le Christ, à se laisser attirer par lui : « L'ami de l'Epoux entend la voix de l’Epoux, et il en est tout joyeux. C’est ma joie, et j’en suis comblé » (Jn 3,29). Et il nous invite à partager cette joie qui est la sienne. Il est l'homme d’une autre joie, non moins grande, celle de montrer le Christ à tous, cette joie de conduire les foules à Jésus. Jean-Baptiste comme le dit St Augustin est « l'homme irradié qui annonce celui qui illumine ».

Mais il est aussi l’homme d’une autre joie plus profonde, plus intérieure encore, une joie humble, qui le fait assumer sa place de prophète, jusqu’à risquer sa vie : le prophète parle non pas en son nom, mais pour un autre ; le prophète n’est pas un homme qui se montre lui-même mais il est témoin, il agit pour un autre : « Il faut qu’il grandisse et que je diminue » (Jn 3,30). Il s’efface devant le Christ. Les artistes ne s'y sont pas trompés qui l'ont représenté l'index pointé vers Jésus-Christ.

Il a l’humilité de celui qui reste à sa place ; devant les autorités juives qui s'interrogent sur la vraie personnalité, il assume ce qu’il n’est pas, il n’est ni le Messie, ni Elie de retour ; il n’est qu’une voix qui annonce celui qui est la Parole, le Christ. Et du coup il permet à Jésus prendre toute sa place, celle de Messie. Il reconnaît que Jésus est le premier, même s'il vient après lui. Il ne se sent pas digne d'être même l'esclave de ce Maître.

Jean-Baptiste nous entraîne dans son sillage : sa vie est toute remplie de la joie de la confiance en Jésus et de la joie humble de celui qui se met au service de l'amour de Dieu et de ses frères. C’est ce qu’il nous invite aussi à vivre en ce temps de l’Avent.

C'est de cela que nous avons à être témoins : la venue du Christ en notre chair, la rencontre du Christ donne-t-elle sens à notre existence, est-elle pour nous aussi la source d’une joie profonde ?  

Que Jean-Baptiste nous ouvre à la joie spirituelle, à la louange parce que Dieu ne cesse pas d'agir en nos vies.


Père Etienne Maroteaux,
Curé de Sainte-Marguerite et Sainte-Pauline du Vésinet

Le 12 décembre

Chers frères et sœurs,

On ne s’attend pas à cela dans le temps de l’Avent, alors que nous nous préparons à la joie d’une naissance… Déjà la figure d’Elie donne à la croix de se profiler : « Le Fils de l’homme va souffrir par eux » (Mt 17,10-13). La naissance de Jésus ne va pas sans cette perspective de la vie donnée (Jésus naît dans une mangeoire, comme pour signifier qu’il est déjà donné) ; parce que Jésus vient assumer notre condition humaine de la naissance à la mort, en traversant aussi nos souffrances et nos épreuves.

Nous sommes dans l’Evangile à un tournant dans la vie du Christ ; après avoir annoncé le Royaume, après avoir guéri et pardonné, il vient d’annoncer à ses disciples sa Passion. Jésus vient d’apparaitre transfiguré, entouré de Moïse et d’Elie ; Les disciples ne comprennent pas, ou peut-être plutôt ne veulent pas comprendre. Comment en effet penser en même temps la vocation d’un Messie triomphant, et ce destin tragique annoncé ? C’est toujours la difficulté, qui est aussi la nôtre, d’accepter que les choses se passent selon le désir de Dieu et non selon le nôtre. Long chemin intérieur de toute une vie pour entrer dans la volonté du Seigneur.  

Elie a connu cela lui qui a dû convertir son image de Dieu : Elie le prophète puissant et redoutable, Élie qui « surgit comme un feu » (Si 48,1). Elie est rempli d’un « zèle jaloux pour Dieu » (1 Rois19,14) ; il assèche le pays pour avertir le roi Achab qui adore les idoles. Dans un geste fort peu évangélique, il n’hésitera pas à faire égorger sauvagement les quatre cent cinquante prophètes de Baal, avec une ironie féroce contre l’idole qui ne répond pas et semble dormir ; il revendique un Dieu Tout-Puissant et vengeur… Élie, découragé, victime de déprime intense, et souhaite mourir ; il s'endort au pied d'un genêt : « C’en est assez, Seigneur ! Prends ma vie, car je ne suis pas meilleur que mes pères » (1 R 19,4). Un ange le réveille et lui donne à manger ; Élie va marcher quarante jours jusqu’au mont Horeb ; là il croit rencontrer Dieu dans les phénomènes extraordinaires, ouragan, tremblement de terre ; feu, mais Dieu n’est pas présent dans ces signes de Toute-Puissance. Il va devoir convertir son idée d’un Dieu vengeur et découvrir que Dieu au contraire se révèle autrement ; il est présent dans la douceur, dans « la voix d'un fin silence » (1 Rois 19,12).  

Jésus éclaire les événements par les Ecritures ; mais c’est aussi l’Ecriture qui s’éclaire par les événements. Elie nous parle de Jean-Baptiste ; et celui-ci est précurseur aussi dans son emprisonnement et sa fin tragique ; il annonce la mort de Jésus.

Demandons au Seigneur d’accueillir de façon renouvelée sa naissance, avec tout le poids d’humanité qu’il assume avec nous et pour nous, jusque dans le tragique de nos vies.

Seigneur, « fais-nous vivre et invoquer ton nom ! », demandons cela au Seigneur, comme le chante le psaume de ce samedi.


Père Etienne Maroteaux,
Curé de Sainte-Marguerite et Sainte-Pauline du Vési

Le 11 décembre

Chers frères et sœurs,

Jésus dans l’Evangile de ce jour nous parle de la Sagesse de Dieu qui s’exprime en Jean-Baptiste le précurseur et dans le Fils de l’Homme. Et il la compare en une splendide image à des musiciens qui entraînent les hommes dans le rythme des instruments en une danse effrénée. Jésus nous fait entrer dans sa danse, devant l’amour infini de son Père. Qu’est-ce qui nous empêche d’entrer dans la danse ? La danse est signe de louange, de joie. Et elle exprime cette reconnaissance du cœur devant la Sagesse de Dieu qui parle en Jean-Baptiste et en Jésus.

On peut penser à l’épisode si caractéristique de l’amour de David pour Dieu, lorsqu’il danse devant l’Arche d’Alliance (2 Sam 6, 16-17) qui entre dans Jérusalem, ce qui choque Mikal, la fille de Saül, lorsqu’elle voit le roi sauter et tournoyer devant le Seigneur, ce qui lui paraît indigne de son rang. Dans son cœur, elle le méprise.

Jésus reproche à ceux qui l’écoutent leur inconstance et leur esprit chagrin : ils sont comme des gamins qui ne savent pas ce qu’ils veulent ; ils ne veulent pas entrer dans la danse du Royaume ; remarquons que c’est aux antipodes de l’esprit d’enfance ; Jésus nous demande de devenir comme des « tout-petits » : l’esprit d’enfance, qu’il nous propose de vivre, est simplicité, émerveillement, capacité à admirer… Quelques versets plus loin, Jésus loue le Père de révéler ses secrets et donc sa Sagesse non pas d’abord aux sages, mais aux tout-petits (Mt 11,25). Le prophète Zacharie décrivait déjà le salut à venir en disant : « les places de la ville seront pleines de petits garçons et de petites filles qui viendront y jouer » (Za 2,5).

Les « gamins » ne sont pas les « tout-petits » que désire le Seigneur, parce qu’ils sont blasés, grincheux, boudeurs, râleurs, bref un peu gaulois. Ils reprochent à Jean-Baptiste et à Jésus deux choses absolument contradictoires. Ils dénoncent le Baptiste pour son ascétisme et Jésus pour sa gloutonnerie et ses fréquentations plus que douteuses.

Le Seigneur par le prophète Isaïe dénonce aussi la difficulté de son peuple à le suivre ; et à cause de cela, il a du mal à accueillir la paix que Dieu veut pour lui. Accueillir le Royaume c’est en accueillir la présence à chaque instant, comme il se révèle et non l’enfermer dans ce que nous souhaiterions (ce serait quand même mieux si Dieu agissait comme je le veux !).

Ce sont les enfants de la Sagesse, les tout-petits qui accueillent le Royaume avec simplicité qui accomplissent les œuvres de Dieu. L’éternelle musique de la Sagesse trouve son accomplissement dans nos actes lorsqu’ils répondent à la justice, c’est-à-dire à la sainteté de Dieu. La Sagesse dans la Bible désigne l’action de Dieu dans l’histoire. Pour l’Evangéliste Matthieu, le Christ est lui-même la Sagesse personnifiée.
Sommes-nous du côté des gamins capricieux ou du côté des tout-petits en ce moment ? Si nous râlons face aux événements, entrons dans la danse de la louange pour l’amour de Dieu qui agit en nos vies !

Père Etienne Maroteaux,
Curé de Sainte-Marguerite et Sainte-Pauline du Vésinet

Le 10 décembre

Chers frères et sœurs,

Aujourd’hui, Dieu nous prend par la main pour nous réconforter :« Ne crains pas, je viens à ton secours » (Is 41,13).

C’est donc Dieu qui nous tend la main ; et nous avons pris conscience, en ces temps où nous ne pouvons plus nous serrer la main, de l’importance de ce geste simple et très humain de proximité, d’encouragement, de confiance. Nous pouvons repenser au génial doigt tendu de Dieu dans la fresque de Michel-Ange de la création d’Adam….

Dieu en un geste très humain saisit la main de son peuple pour le protéger, pour lui transmettre sa force. La venue de Dieu dans la chair en Jésus va d’ailleurs inverser ce geste de la main tendue : en Jésus l’homme peut toucher Dieu ; c’est ce qui bouleversera tous ceux qui ont croisé et qui croisent encore aujourd’hui le chemin du Christ… « Ce qui était depuis le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé et que nos mains ont touché du Verbe de vie, nous vous l’annonçons » (1 Jn 1,1-3).

L’annonce de la venue du salut est faite par Dieu en termes très parlants pour un peuple qui habite un pays sec et parfois désertique ; la présence de l’eau est dans ces pays une question de vie ou de mort : comme lors de la traversée du désert pour Moïse, Dieu fera « jaillir des sources », il étanchera toute soif en Christ : « Venez à moi, vous tous qui avez soif » (Jn 7,37). Le désert deviendra habitable et transformé en paradis avec de l’eau jaillissante en abondance et des arbres nombreux, signe de fertilité, rappelant les arbres de l’Eden. Dieu ne cesse pas de manifester qu’il vient nous sauver, comme s’il venait renouveler la création. Il le fera pour nous à Noël en se faisant homme, nous prenant par la main et apaisant nos soifs les plus essentielles.

Telle est notre joie, de savoir que Dieu nous prend par la main et de sa main nous protège : « Tu mettras ta joie dans le Seigneur ; dans le Saint d’Israël, tu trouveras ta louange ».

C’est en tendant la main vers le Christ que Jean-Baptiste le désignera comme la source vive. Jésus lui rend hommage, en disant de lui qu’il n’y a personne de plus grand et en ajoutant, paradoxe total, que « le plus petit dans le Royaume des cieux est plus grand que lui » (Mt 11,12). Comment comprendre cela ?

L’opposition dont parle Jésus est entre « ceux qui sont nés de la femme », il parle là de la naissance physique, et ceux qui sont « nés d’en-haut », comme il dit à Nicodème (Jn 3,3) et il s’agit-là de la naissance à la vie de Dieu. Non pas que Jean-Baptiste ne démérite. Mais Jésus veut par ces paroles provoquantes nous amener à réfléchir à notre engagement à sa suite : tant que nous nous appuyons seulement sur les forces seulement humaines, certes nous pourrons grandir jusqu’à un certain point, mais si nous nous laissons grandir grâce à Dieu, en nous faisant petits nous obtiendrons paradoxalement une grandeur plus belle : « Cherchez le Royaume, dit Jésus ailleurs, tout le reste vous sera donné par surcroît » (Mt 6,33).

Plutôt que de vouloir nous prendre en main tout seul, prenons plutôt la main de Dieu !


Père Etienne Maroteaux,
Curé de Sainte-Marguerite et Sainte-Pauline du Vésin

Le 9 decembre

Chers frères et sœurs,

C’est Dieu qui peut donner des forces aux hommes qui mettent leur espoir en lui. Dieu parle à Jacob, avec qui il a fait Alliance, et donc à son peuple, Israël : Dieu lui demande de ne jamais désespérer. Quoiqu’il nous arrive, même si comme le peuple de Dieu nous avons parfois l’impression que Dieu nous a oublié, que nous lui sommes cachés, nous devons continuer à lui parler.

La faiblesse de l’homme peut puiser une force et une vitalité en Dieu qui « ne se fatigue et ne se lasse jamais » (Is 40,28). Le Seigneur est le réconfort pour celui qui faiblit sur son chemin : « il rend des forces à l’homme fatigué ». Il suffit de continuer à espérer en son amour et en sa fidélité. Même les meilleurs dans l’histoire sainte se sont parfois retrouvés anéantis, épuisés : ainsi Elie, lassé de fuir la reine Jézabel, s’assied sous un genêt et entre dans une déprime carabinée et demande au Seigneur que cela cesse : « C’en est assez, Seigneur ! Prends ma vie, car je ne suis pas meilleur que mes pères (1 R 19,4). C’est aussi Jean-Baptiste, l’homme de l’Avent parce qu’il nous montre le chemin du Christ : lorsqu’il est emprisonné par Hérode, il est pris par le doute : Jésus est-il bien celui qu’il a annoncé ? Jésus le fait réconforter en lui rappelant les signes qu’il a accomplis (Mt 11,4) ; juste après cet épisode, Jésus invite à décharger nos fardeaux humains en lui.

Ceux qui se confient en Dieu vont vivre un nouveau temps de grâce, comme celui du retour en Terre Promise, où ils rentreront sur leur terre sur les ailes d’un aigle : «ls déploient comme des ailes d’aigles, ils courent sans se lasser, ils marchent sans se fatiguer » (Is 40,31) ; cela rappelle le temps de la libération de l’esclavage en Egypte et de la traversée du désert où Dieu dit à son peuple : « Vous avez vu comment je vous ai portés comme sur les ailes d’un aigle et vous ai amenés jusqu’à moi » (Ex 19,4) ; l’aigle est une image étrange pour nous pour parler de Dieu qui libère, porte et conduit son peuple (voir les ailes de chérubins qui entourent l’Arche : Selon la Tradition, l’Arche d’alliance abrite les tables de la Loi, elle protège le peuple hébreu pendant ses quarante années dans le désert).

Dieu dans sa toute-puissance est réconfort : il fortifie son peuple affaibli en lui donnant des « ailes » ! Sa force n’écrase pas, elle relève l’homme découragé ; on peut penser à l’action de grâce de Marie dans le Magnificat : « Le Seigneur relève Israël son serviteur, il se souvient de sa miséricorde » (Lc 1,54).

C’est bien aussi ce que nous entendons dans l’Evangile de ce jour : Lorsque nos vies semblent lourdes à porter, Jésus nous invite à nous reposer en lui.  

A ceux qui sont surchargés, fatigués, découragés, Jésus propose de devenir ses disciples, puisqu'il est doux et humble de cœur. Le repos promis à ceux qui se feront ses disciples n'est pas un effacement magique des peines et des fatigues de nos vies : porter le joug et nos croix avec le Christ est une force. Nous faisons alors l’expérience avec lui des lourds fardeaux devenus légers.

Le fardeau devient léger quand il est porté avec un autre (Ga 6,2 « portez les fardeaux les uns des autres »), combien plus avec le Christ ! Puisque nous ne sommes pas seuls à porter le fardeau ; Christ fait la traversée avec nous.

Se mettre à l'école du Christ, c'est donc faire l'expérience des humbles qui savent s'appuyer sur Dieu, quand ils ne peuvent plus rien : c'est donc une école de confiance et de simplicité.

C'est ce qu'avait bien compris la petite Thérèse de Lisieux qui proposait de se tenir devant Dieu les « les mains vides ».

Seigneur donne nous de nous reposer en ton amour, en toute confiance, comme un tout-petit entre les bras de ses parents.

 


Père Etienne Maroteaux,
Curé de Sainte-Marguerite et Sainte-Pauline du Vésinet

Le 8 décembre

Chers frères et sœurs,

Quelle merveille que ce texte de l’Annonce faite à Marie, où la joie rayonne en Marie, parce qu’elle a pleinement accueilli l’amour de Dieu dans toute sa vie, sans aucune restriction ni hésitation :« Le Seigneur est avec toi ».

« Réjouis-toi parce que tu es Comblée de grâce », ainsi Gabriel salue-t-il Marie (verset 28), en deux mots parallèles qui parlent de la grâce de Dieu (« réjouis-toi », est un mot dérivé du mot grec qui exprime la grâce). Marie est remplie d’une double dose de grâce, c’est-à-dire de l’amour de Dieu en plénitude ; « Tu as trouvé grâce », ajoute encore l’Ange Gabriel peu après, marquant l’empreinte magnifique de la grâce active en Marie. L’annonce faite à Marie est un appel à la joie.

Marie est préparée par la grâce de Dieu: le verbe grec prononcé par l’ange indique que Marie a été transformée par la grâce de Dieu ; nous retrouvons d’ailleurs le même verbe dans le texte de Paul de ce jour: « A la louange de gloire de sa grâce, la grâce dont il nous a gratifié dans le Fils bien-aimé » (Ep 1,6 ), que st Jean Chrysostome, un Père de l’Eglise, traduit par : « Dieu nous a transformés par cette grâce merveilleuse » ; c’est cette grâce de Dieu qui nous obtient le pardon, dit Paul dans le prolongement de cette phrase. Par le baptême nous sommes tous touchés et changés par la grâce de Dieu. Marie est la première à avoir accueilli en elle la grâce en plénitude ; elle est marquée en profondeur par la grâce de Dieu dès le premier moment de son existence. La grâce de Dieu la précède, la prépare et l’accompagne. C’est pour cela que l’on peut parler de l’Immaculée Conception de Marie, Marie conçue sans péché. Dieu l’a préservée du péché pour qu’elle puisse accueillir en elle le Sauveur.

Marie est totalement remplie du désir de Dieu.

Et cette grâce qui accompagne Marie est la source de son consentement plein d’allégresse au désir de Dieu que vient lui exprimer l’Ange Gabriel : « Voici la servante du Seigneur ; que tout m’advienne selon ta parole ». Le « oui » de Marie au désir de Dieu est l’expression d’un « joyeux désir de collaborer à ce que Dieu prévoit pour elle. C’est la joie de l’abandon total au bon vouloir de Dieu » (Ignace de la Potterie). La joie est bien la tonalité dominante de ce texte du début à la fin.

Nous pouvons méditer avec le pape émérite Benoît XVI sur ce que Marie nous invite nous aussi à vivre : comme elle, nous avons à recevoir en nous le Christ : « Contemplant chez la Mère de Dieu une existence totalement modelée par la Parole, nous découvrons que nous sommes, nous aussi, appelés à entrer dans le mystère de la foi par laquelle le Christ vient demeurer dans notre vie. Chaque chrétien qui croit conçoit et engendre en un certain sens le Verbe de Dieu en lui-même ; s'il n'y a qu'une seule Mère du Christ selon la chair, en revanche selon la foi le Christ est le fruit de tous » (Verbum Domini 28).

La vie toute donnée à Dieu de Marie nous apprend que « L'homme qui se tourne vers Dieu ne devient pas plus petit, mais plus grand, car grâce à Dieu et avec Lui, il devient grand, il devient divin, il devient vraiment lui-même » (Benoît XVI en la solennité de l'Immaculée Conception, le 8/12/2005).


Père Etienne Maroteaux,
Curé de Sainte-Marguerite et Sainte-Pauline du Vésinet

Le 7 décembre

« Nous avons vu l’incroyable aujourd’hui ! » (Lc 5,26).

Après la guérison du paralytique, les foules nombreuses qui ont été témoins de la guérison et du pardon donné à cet homme, rendent grâces pour ce salut qu’ils ont pu voir à l’œuvre et qui a rempli leur quotidien d’étonnement : Jésus accomplit ainsi les paroles du prophète, lorsqu’il guérit les cœurs lents à croire et remet debout le paralytique : « S’ouvriront les yeux des aveugles, les oreilles des sourds. Alors bondira comme un cerf le boiteux, et la bouche du muet criera de joie » (Is 35,6)

L’« aujourd’hui » du salut est si important dans l’Evangile de Luc. Ce petit mot n’a l’air de rien, mais il exprime l’actualité de l’amour du Père et donne du poids à chaque instant de notre vie : en ce jour qui est le mien, Jésus vient à moi. Jésus est l’aujourd’hui de la grâce de Dieu.

Jésus reviendra plusieurs fois sur cet « aujourd’hui du salut » : puisqu’il entre dans l’histoire par sa naissance, il entre aussi dans le présent des hommes ; c’est ce que nous fêterons à Noël devant la crèche :« Aujourd’hui vous est né un sauveur » (Lc 2,11). Et cet aujourd’hui de sa venue dure toujours.

« Aujourd’hui, cette Parole s’accomplit » (Lc 4,21), dit Jésus lorsqu’il lit la Parole du prophète Isaïe au début de sa mission, à la synagogue de Capharnaüm ; En Jésus la Parole de Dieu trouve son accomplissement : cette actualité de la Parole est une joyeuse nouvelle de libération, de guérison, de grâce : Jésus est venu pour donner le salut de Dieu.  

Jésus insiste sur ce salut pour Zachée qui est invité à l’accueillir dans sa vie quotidienne : Jésus nous rejoint toujours par sa Parole, là où nous sommes : « Aujourd’hui, chez toi que je veux demeurer... Aujourd’hui le Salut est arrivé pour cette maison » (Lc 19, 5.9) : ce qui a transfiguré le quotidien de Zachée et sa maison, c’est d’être envahis par la présence de Jésus et par son salut. Une des dernières paroles de Jésus insiste sur la plénitude de vie promise à celui qui exprime sa confiance en Jésus, le crucifié, au milieu du tragique de son existence. Jésus promet au bon larron une vie de communion avec lui immédiate :« Aujourd’hui tu seras avec moi dans le Paradis » (Lc 23,43).

L’Evangile n’est pas une « lettre morte », elle une parole de vie pour aujourd’hui. La Parole de Jésus-Christ nous place toujours dans cet aujourd’hui d’une parole actuelle, pleinement contemporaine. La Parole de Jésus est toujours pour aujourd’hui pour les croyants qui la lisent ou l’écoutent.

Le prophète Isaïe chante la libération, la joie du retour d’exil à Jérusalem : la création blessée par le péché des hommes sera associée à la paix donnée par le Seigneur, elle aura part à la joie du peuple de Dieu. « Ceux qu’a libérés le Seigneur reviennent… Allégresse et joie les rejoindront, douleur et plainte s’enfuient ».

« Voici votre Dieu : c’est la vengeance qui vient, la bienveillance de Dieu. Il vient lui-même et va vous sauver » ; la seule « vengeance » de Dieu est celle de la bonté.

« Nous avons vu des choses extraordinaires aujourd’hui ! » (Lc 5,26). Puissions-nous pousser cette exclamation d’émerveillement aujourd’hui, et en rendre grâces à Dieu !  


Père Etienne Maroteaux,
Curé de Sainte-Marguerite et Sainte-Pauline du Vésinet