La Nativité, Hugo van der Goes, XV° siècle

Le 25 décembre

Cette nuit nous a avons contemplé Jésus fragile nouveau-né ayant trouvé comme seul abri une pauvre mangeoire destinée aux animaux. Pourtant l’amour humain n’est pas loin : il y a Joseph et Marie qui veillent sur lui avec tendresse et veillent sur ce petit bout qui est le Fils de Dieu, le Verbe, c’est-à-dire la Parole de Dieu, comme le dit St Jean dans l’Evangile de ce jour.

La fête de Noël nous renvoie à la grandeur et à la fragilité de la vie.

Jean l’Evangéliste regarde sous la réalité visible ; il relit le mystère de la naissance de Jésus avec les yeux de la foi ; Jésus a pris notre condition d'homme en naissant dans la crèche. En Jésus c'est Dieu présent parmi nous, « il a planté sa tente parmi nous » dit Jean.

En regardant et en écoutant Jésus, avec les yeux de la foi, nous pouvons découvrir ce qui est derrière la réalité visible pour y voir le mystère de l'incarnation, la venue en notre monde du Fils de Dieu. Jésus dans son berceau nous parle d'une réalité invisible qui ne peut être comprise qu'avec les yeux de la foi. Il faut donc entrer dans un regard contemplatif, émerveillé, comme celui des enfants devant la crèche pour comprendre le sens caché de la fête de Noël. Sinon la naissance de Jésus n'aurait pas plus, ni moins d'importance que toute naissance humaine sur la terre, puisque nous fêtons et nous nous réjouissons de la naissance de tout enfant...

L’évangéliste Jean ne raconte d’ailleurs pas la naissance de Jésus, mais il nous parle de cette réalité de la fête de Noël, que seule la foi peut percer : la venue parmi les hommes de Dieu qui se fait petit enfant.

Jean médite sur ce petit enfant qui est le Fils de Dieu, et il nous le montre « tout contre le Père », au début et à la fin de cet Evangile, comme pour nous dire là ce qui lui semble le plus essentiel : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu » et à la fin : « le Fils unique, lui qui est Dieu, lui qui est dans le sein du Père » (verset 18). Belle image pour montrer que Jésus vient se faire petit enfant fragile, parce qu’il aime le Père et parce qu’il est en communion totale d’amour avec lui. L’image qu’emploie Jean est d’une densité extraordinaire : Jésus est comme incliné sur le cœur de son Père, comme s’il se blottissait tout contre son Père. Image familière pour nous d’un amour fou, comme celui d’une mère : en ses bras son enfant se blottit et trouve refuge ! Pas besoin d’un cours compliqué de théologie pour nous parler de l’amour de Dieu, Père, Fils st St-Esprit !

C’est comme si Jésus nous invitait à nous blottir nous aussi en son amour.

Jésus vient « chez les siens » (Jn 1,11) : il est chez lui parmi nous. Il a aimé comme un homme, mais pleinement, il a aimé totalement, « comme aucun homme n’avait jamais aimé » (Bernanos, la joie p251). En Jésus, « notre frère et notre Dieu » (Cyrille d'Alexandrie), C'est Dieu qui se laisse approcher, en Jésus c'est Dieu qui se laisse toucher, en Jésus c'est Dieu qui pleure, en Jésus c'est Dieu qui dialogue avec les hommes, en Jésus c'est Dieu qui pardonne...

Jésus, toi le petit enfant de la crèche donne-moi de porter ta lumière à mes frères et sœurs qui attendent ta tendresse !


Père Etienne Maroteaux,
Curé de Sainte-Marguerite et Sainte-Pauline du Vésinet

Le 24 décembre

Chers frères et sœurs,

Eh non ! Ce n’est pas encore Noël ! Il faudra attendre encore quelques heures.

Les derniers préparatifs intérieurs pour entrer dans la joie de Noël nous invitent à la danse, ou plutôt, ce qui est lié, à chanter les bénédictions que le Seigneur ne cesse de nous prodiguer.

Zacharie comblé par la naissance de Jean-Baptiste, l’enfant inespéré, entre dans l’action de grâce intérieure. La prière de bénédiction est louange de l’être comblé ; elle est reconnaissance de la bonté de Dieu et gratitude envers ses bienfaits.

C’est un chant qui lui vient dans le souffle de l’Esprit Saint (Lc 1, 67).  

Cela commence comme maintes prières d’Israël : « Béni soit le Seigneur » : « Béni soit le Seigneur, le Dieu de mon maître Abraham » (Gn 24,27) … Paul reprendra cette forme de louange au début de l’épître aux Ephésiens : « Béni soit Dieu le Père de notre Seigneur Jésus-Christ… ».

Dans cette bénédiction, Zacharie « proclame les actions salvifiques et la libération offerte par le Seigneur à son peuple. Il s’agit donc d’une lecture « prophétique » de l’histoire, c’est-à-dire la découverte du sens intime et profond de toute l’existence humaine, guidée par la main cachée mais active du Seigneur, qui se mêle à celle plus faible et incertaine de l’homme » (Saint Jean-Paul II, catéchèse 1/10 :2003).  

Zacharie commence par louer Dieu parce qu’il ne cesse pas de visiter son peuple : nous pourrons nous aussi le faire ce soir : Dieu nous visite en ce petit enfant de la crèche ; « Dieu a suscité une force de salut », comment ne pas relire cela dans la perspective de ce soir !  

Il fait mémoire de l’Alliance conclue par Dieu avec Abraham ; La libération chantée par Zacharie sera donnée en vue du service de Dieu (verset 74). Et comme Marie, Zacharie a au cœur la miséricorde de Dieu, ses entrailles de tendresse pour son peuple : « les entrailles de miséricorde de notre Dieu en lesquelles il nous visitera ». Les visites du Seigneur sont toujours des visites où il nous apporte tendresse, miséricorde et paix.

Ensuite Zacharie chante la venue de leur fils, Jean-Baptiste, don de la grâce ; celui-ci vient au cœur du mystère de l’Alliance comme prophète de l’accomplissement en Jésus. Sa mission anticipe celle de la communauté chrétienne.

Une phrase peut particulièrement résonner en nous, en cette journée qui nous prépare à la rencontre avec Jésus enfant : « Grâce à la tendresse, à l’amour de notre Dieu, quand nous visite l’astre d’en haut, pour illuminer ceux qui habitent les ténèbres et l’ombre de la mort, pour conduire nos pas au chemin de la paix » (Lc 1,79). « Le soleil qui surgit », c’est l’Emmanuel, « Dieu avec nous », annoncé par les prophètes : « Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu une se lever une grande lumière » (Is 9,1).

L’humanité, qui est enveloppée « dans les ténèbres et l’ombre de la mort », est éclairée par cette lumière fulgurante, ce soleil du Christ « pour conduire nos pas dans le chemin de la paix » (Lc 1, 79).  

« Nous avançons en ayant alors cette lumière comme point de référence ; et nos pas incertains, qui souvent au cours de la journée dévient sur des routes obscures et glissantes, sont soutenus par la clarté de la vérité que le Christ diffuse dans le monde et dans l’histoire » (Saint Jean-Paul II, idem).  

Que cette lumière de l’enfant qui naît dans la crèche soit pour nous lumière fulgurante et pleine de réconfort !


Père Etienne Maroteaux,
Curé de Sainte-Marguerite et Sainte-Pauline du Vésinet

Le 23 décembre

Chers frères et sœurs,

L'histoire sainte nous montre que Dieu ne cesse pas de guider notre histoire, de l’accompagner, de faire grandir le salut jusqu’à la venue de Jésus en notre humanité. Dans le silence de nos vies, Dieu est toujours « Dieu avec nous », selon la promesse du Ressuscité aux siens : « Je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin du monde » (Mt 28,20).

Il n'est qu'à relire toute l'histoire du peuple hébreu pour s'en convaincre ; il est souvent plus difficile d'en être convaincu pour notre histoire personnelle, parce que trop souvent nous avons une image d'un Dieu bien lointain, et nous avons du mal à imaginer qu'il se soucie de chacun de nous à chaque minute de notre vie.

Le récit de la naissance de Jean-Baptiste montre bien combien Dieu est à la source de la promesse ; il ne cesse pas de conduire son peuple avec douceur et patience vers « l'accomplissement » : « Pour Elisabeth s'accomplit le temps de son enfantement » (Lc 1,57): la joie travers ce récit de la naissance du prophète, une joie contagieuse, parce que Dieu « fait éclater sa miséricorde » pour Elisabeth et à Zacharie ; c’est une source de joie pour leurs proches qui ont eu compassion pour leur épreuve de couple qui ne pouvait pas avoir d’enfant : « ils apprirent que le Seigneur lui avait prodigué sa miséricorde et ils se réjouissaient avec elle ». L'histoire de Jean-Baptiste nous parle de la gratuité de Dieu qui est sans cesse nouvelle.

La tradition voudrait qu'on donne à l’enfant le nom de son père et donc qu'il s'appelle aussi Zacharie. Le signe que c'est bien Dieu qui agit, c'est le nom qui est donné par l’ange et confirmé par ses parents à l’enfant qui vient de naître : « Jean », nom hébreu qui évoque le « Dieu qui fait grâces ». Sa naissance est une nouvelle étape du salut dans la surabondance de la grâce.

Tout cela étonne et ouvre à la louange : à commencer par le père de Jean, Zacharie qui va bénéficier de la joie de la foi de Marie et d’Elisabeth, et retrouver la parole et sa capacité à louer Dieu : « sa langue se délia, il louait et bénissait Dieu » : « Béni soit le Seigneur, le Dieu d'Israël qui visite son peuple », chantera-t-il ensuite (Lc 1,68).

Cette allégresse est contagieuse, comme toujours : « La crainte (c’est-à-dire l’émerveillement devant l’action de Dieu) saisit alors tous les gens du voisinage et, dans toute la région montagneuse de Judée, on racontait tous ces événements ». Tout cela est gravé dans les cœurs comme toute nouvelle qui réjouit en profondeur.

Ste Thérèse d'Avila méditait sur les trois grâces de la vie chrétienne : la grâce de la visite de Dieu, la grâce de prendre conscience de cette visite de Dieu, et enfin la grâce de le louer, d'être dans la joie.

Que Jean-Baptiste nous ouvre à la joie spirituelle, à la louange pour Dieu qui ne cesse pas d'agir en nos vies. Préparons notre cœur à chanter la louange du Seigneur demain soir !


Père Etienne Maroteaux,
Curé de Sainte-Marguerite et Sainte-Pauline du Vésinet

Le 22 décembre

Chers frères et sœurs,

Marie vient de partager la joie de sa cousine, devant l’extraordinaire de ce que le Seigneur a accompli pour elles ; l’imprévu de Dieu les comble au-delà de leurs espérances. Alors dans sa simplicité, elle chante la grandeur de ce Dieu qui n’est que don : « Mon esprit tressaille de joie en Dieu mon Sauveur » (Verset 47). C’est le Magnificat, où Marie magnifie l’œuvre de Dieu pour elle et pour son peuple « Le Seigneur a fait pour moi des merveilles » (verset 49). Marie chante l’appel du large, l’appel de l’immensité de l’amour de Dieu.

Ce chant de Marie est une vraie mosaïque de références bibliques nombreuses ; Marie est habitée par la Parole de Dieu qu’elle a longuement méditée et qu’elle traduit avec ses mots. La Parole en elle devient louange et allégresse. Marie chante pour son peuple qui est comblé de l’amour de Dieu, elle chante pour la venue en elle du Sauveur.

Parmi les nombreuses reprises bibliques, vous en repérerez une dans le cantique d’Anne qui suit la première lecture : « Mon cœur exulte à cause du Seigneur ; mon front s’est relevé grâce à mon Dieu !... De la poussière il relève le faible » (1 Sam 2,1 : comparez avec le premier verset et le verset 52 du Magnificat). Anne rend grâce pour la merveille que Dieu a faite pour elle, alors qu’elle était confrontée à « l’humiliation » de la stérilité, selon se mots ; elle prie avec ferveur le Seigneur, qui lui donne d’être exaucée ; elle va accueillir un fils Samuel, qu’elle consacrera à Dieu.

Marie fait état des merveilles accomplies par Dieu en elle, elle rend grâce pour le dessein de salut que porte l'humanité depuis la promesse (v.54-55) ; Dieu ne cesse pas de faire miséricorde : « Sa miséricorde s’étend d’âge en âge… il se souvient de sa miséricorde » (verset 50 et 54) ; malheureusement la nouvelle traduction liturgique a traduit une seule fois ce mot grec qui désigne les entrailles maternelles de Dieu qui est ému par la misère de son peuple souffrant.

Marie chante le Dieu des humbles : « Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles » (verset 52). Marie incarne cette humilité qui se remet totalement entre les mains de Dieu.  

La merveille que Dieu accomplit en Marie est pour le peuple des pauvres. Le Magnificat passe sans cesse de Marie au peuple, de la servante à Israël serviteur. La miséricorde de Dieu pour sa servante s’étend à tous les petits de tous les temps. Dieu ne fait qu’accomplir ses promesses à Abraham. Le Dieu sauveur ne cesse pas de faire grâce à toute l’humanité de tous les temps.

A Noël que nous fêterons dans deux jours, dans la crèche, en Jésus petit enfant fragile, remis entre les mains de Marie, « Dieu a dispersé les superbes, il a renversé les puissants, il a comblé les affamés, il a relevé son serviteur... ».

La venue de Jésus dans notre chair en Marie déploie le salut : avec Marie chantons : « Magnifique est le Seigneur » !


Père Etienne Maroteaux,
Curé de Sainte-Marguerite et Sainte-Pauline du Vésinet

Le 21 décembre

Chers frères et sœurs,

L’annonce de l’ange donne à Marie le désir de partager sa joie : la joie rayonne là où elle est présente. Elle est missionnaire.

Marie est habitée par la joie de la venue en elle du Sauveur, et elle part « en hâte » visiter sa cousine Elisabeth. C’est la hâte de l’amour que rien ne peut retenir pour soi. Toutes deux partagent une même grâce, le don que Dieu leur fait d’un enfant. L’impossible est devenu possible.

Elisabeth ne connaît pas encore le bonheur de Marie. C'est l'Esprit qui lui permet de discerner la présence du Seigneur dans le sein de Marie. Dans le plus ténu, Elisabeth a décelé la présence de l'immense : Elle rend grâce pour l’œuvre de Dieu en Marie : « Béni soit le fruit de ton sein ». Dans le tressaillement de Jean-Baptiste qui se révèle déjà précurseur, elle décrypte la visite de Dieu en Marie : elle reconnaît le Sauveur en cet enfant que porte Marie en elle : elle désigne Marie comme « la mère de mon Seigneur » ; c’est la première fois que Jésus dans l’Evangile de Luc est appelé « Seigneur ».  

Pour Elisabeth, la première visite de Dieu est dans l'incroyable de sa grossesse, elle qui était et stérile et trop âgée pour avoir un enfant.

La deuxième visite de Dieu elle la perçoit dans cette hâte de Marie à la rencontrer. C'est parce que Marie est habitée de la présence de Dieu, parce qu'elle a le cœur élargi, parce qu'elle est pleine de cette délicatesse qui la pousse à rendre visite à sa cousine. Lorsque nous sommes fraternels nous sommes des vecteurs de la grâce.

Et le secret partagé par les deux cousines les remplit toutes les deux de joie : la présence de Dieu dans toute rencontre est pleine de cette joie de l'Esprit. Elisabeth parle alors du bonheur de la foi-confiance que vit Marie, en donnant une béatitude : « Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement de la Parole ».

A quelques heures de la nuit de Noël, nous sommes invités à accueillir la visite que Dieu nous fait. Mais quand sommes-nous visités par lui ?

L'exemple de la visite de Marie à Elisabeth peut nous aider à comprendre comment Dieu nous visite.

Toute rencontre humaine peut être visite de Dieu. Ne l'oublions pas dans ces jours où Jésus vient nous visiter en un petit enfant : nous allons nous retrouver en famille, même si ce sera dans des conditions inhabituelles, limitant les possibilités de rencontres. N'oublions pas ceux qui ne connaîtront peut-être pas la joie d'être visités, parce qu'ils seront bien seuls en ces jours de fête. Ayons le souci d'être attentifs à ceux qui vivent seuls ou connaissent la rudesse de ces temps difficiles.

Le bienheureux Charles de Foucauld a beaucoup médité ce texte de la Visitation : « Quand on est plein de Jésus, on est plein de charité » ; « Avec Marie ayons hâte de partager notre trésor Jésus avec les frères qui ne le possèdent pas ».  

Que la fête de Noël nous donne cette hâte de Marie pour nous rendre fraternels et porteurs de l'Evangile en acte.


Père Etienne Maroteaux,
Curé de Sainte-Marguerite et Sainte-Pauline du Vésinet