Les Rameaux, Palerme, palais royal, XII° siècle

Dimanche 28 mars

Chers frères et sœurs,  

La liturgie des Rameaux concentre le temps de la Passion en une seule liturgie. 

En quelques instants, nous passons de la joie et de l’acclamation des foules à l’entrée de Jésus à Jérusalem, jusqu’à sa condamnation par cette même foule. De quoi nous rendre humbles et nous remettre face à l’inconstance de nos cœurs… 

Souvent dans notre vie tristesse et joie sont entremêlés : c’est ce qui se passe dans la célébration des Rameaux : La générosité incroyable de Marie Madeleine qui embaume le Christ d’un parfum de grand prix montrant qu’elle voulait s’offrir toute entière à Dieu ; et peu après la trahison de Judas puis le reniement de Pierre, les plus proches de Jésus. Enfin le centurion, un païen qui le premier comprend tout et reconnaît devant l'amour de Jésus sur la croix : "Vraiment cet homme était le Fils de Dieu" (Mc 15,39). La Passion du Christ nous révèle le cœur changeant de l’homme. Nous sommes capables de « faire des ténèbres la lumière, et de la lumière les ténèbres, de faire du mal le bien et du bien le mal », comme dit le prophète Isaïe (Is 5,20). L'homme est capable du pire, l’égoïsme et l’indifférence face aux souffrances des autres, mais aussi du meilleur, le don de nous-mêmes. 

Et face à ce mal, le Christ dans l’Evangile de Marc nous est montré comme celui qui nous libère des échecs et de nos difficultés à aimer. Il est « doux et humble », « on n’entend pas sa voix » face à la violence qui se déchaîne contre lui. Il ne se défend pas, il sait que le Père veille sur lui. 

La réponse de Jésus à la violence est don, gratuité, douceur, et par-dessus tout cela une confiance totale en son Père. Même l’ultime cri : « Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » est aussi cri de confiance dans la nuit de l’intolérable. 

Et c’est cette attitude incroyable de Jésus faite de douceur et de confiance face au déchaînement de violence qui permet au centurion, un païen, d’entrer le premier dans la foi : Jésus est Fils de Dieu non dans un ultime succès, non dans la gloire (par trois fois il lui est demandé : « Descends de la croix », c’est-à-dire « manifeste ta puissance »), il se montre pleinement Fils dans la force faible d’un amour silencieux, dans don total aux hommes. 

Face à la violence et à nos souffrances, que cette semaine sainte nous aide à entrer dans cette force faible de Jésus qui est puissance de l’amour totalement gratuit, prêt à tout donner sans rien recevoir. Ainsi nous serons comme Jésus davantage « Fils de Dieu ». 

La souffrance si dure de la passion de Jésus rejoint la passion des hommes, quand notre vie se heurte à l'insurmontable, quand nous avons l'impression de couler face à tel événement qui nous submerge (deuil, séparation, maladie, dépression...). Jésus ne nous laisse jamais seuls face à nos épreuves ; il nous accompagne et souffre avec nous. Le pape François y voit une invitation à ne pas se laisser « prendre par le découragement » ! Mais aussi il y voit un appel à porter dans notre monde l’espérance qui nous vient de cette confiance que nous avons que Jésus ne nous abandonne jamais. Il nous porte sur ses épaules et nous accompagne lorsque le mal ou la souffrance nous atteignent. 

Nous avons bien besoin en ce moment de cette espérance ! 

 

 

NB. En raison des contraintes sanitaires du confinement, un certain nombre de nos gestes forts de la liturgie ne pourront hélas pas avoir lieu : nous ne pourrons pas bénir les rameaux à l'extérieur, ni faire le lavement des pieds, ni embrasser la croix... Mais réjouissons-nous malgré cela de pouvoir cette année nous retrouver en paroisse pour célébrer toute la semaine sainte !


Samedi 27 mars

Chers frères et sœurs,  

Jésus vient de manifester son autorité sur la mort et sur la vie, en faisant revenir à la vie son ami Lazare. Le paradoxe est ainsi à son comble : c’est lorsque Jésus donne la vie, qu’il est menacé de mort ; c’est lorsqu’il montre qu’il agit comme Dieu, qu’il est condamné par les autorités de son peuple. 

Comme souvent ce que fait Jésus divise : beaucoup de juifs croient en lui à la vue de ce septième signe qu’il a accompli : c’est le sommet des signes en Jean : Jésus rayonne parce qu’il donne la vie de Dieu ; d’autres au contraire vont le dénoncer aux pharisiens. Le malaise s’accentue avec ceux-ci. Le geste de Jésus inquiète grand prêtres et pharisiens qui réunissent le grand conseil du Sanhédrin, la plus haute autorité juive à l’époque. 

La question qu’ils se posent « Que faire de cet homme qui fait beaucoup de signes ? », manifeste qu’ils sont inquiets devant l’opinion publique qui admire ce que Jésus accomplit. Les actes de Jésus risquent de rallier le peuple à lui : « Tous risquent de croire en lui ». Ils craignent déjà les gilets jaunes, un vaste mouvement populaire en faveur de Jésus ; et le risque en représailles d’une répression romaine contre la foi juive. Ils pensent, sans doute de façon exagérée, que Jésus est « un agitateur » et qu’il constitue pour leur nation une menace. Jésus n’a pourtant rien d’un zélote (groupe nationaliste militant et fanatique, dont Simon le zélote, l’un des douze, fait partie, Mt 10,3), et il ne représente pas une menace politique ; il refuse d’être perçu comme un Messie puissant et s’oppose à toute violence. 

C’est alors qu’apparaît pour la première fois le grand prêtre Caïphe. Un chef pas très bienveillant pour les membres du Sanhédrin… « Vous n’y comprenez rien… » ; on fait mieux comme compliment ; il leur reproche leur naïveté. Et il propose une réaction éminemment politique : « il vaut mieux qu’un seul homme meure pour le peuple, et que l’ensemble de la nation ne périsse pas. » (Jn 11,50). Il veut enrayer l’enthousiasme du peuple pour ne pas risquer une réaction du pouvoir romain. 

Caïphe ne le sait évidemment pas, mais il ne pense pas si bien dire ! Jésus en effet, dit l’Evangéliste, mourra « afin de rassembler les enfants de Dieu dispersés » (verset 52). Et paradoxalement, puisque Caïphe ne croit pas aux signes que Jésus accomplit, sa parole, sans qu’il s’en doute, se révèle prophétique. Curieusement comme souvent le mal contribue à l’œuvre de Dieu. Jésus est bien venu pour accomplir ces prophéties d’Ezéchiel de la première lecture de ce jour : « Je vais prendre les fils d’Israël parmi les nations où ils sont allés. Je les rassemblerai de partout et les ramènerai sur leur terre. J’en ferai une seule nation » (Ez 27,31).  

Le Christ donne sa vie pour réconcilier l’humanité avec elle-même et avec Dieu. Comme toujours l’Evangéliste Jean nous invite à trouver le sens invisible des événements que seule la foi peut décrypter et éclairer. C’est bien l’enjeu de la semaine sainte qui approche : voir l’immense amour de Dieu sur une croix.


Vendredi 26 mars

Chers frères et sœurs,  

La polémique enfle contre Jésus. Nous pressentons la fin tragique qui approche. La tension est à son comble. 

Jésus vient de s’affirmer comme le Bon Pasteur qui donne sa vie pour ses brebis (Jn 10,11-18). L’épisode que nous lisons en ce jour se passe au Temple lors de la fête de la Dédicace, qui fait mémoire de la purification et de la consécration du Temple. Ce n’est pas par hasard si Jésus n’est pas reçu, même dans le Temple, la maison du Père. Jésus vient de réaffirmer sa communion avec le Père. Quelques versets avant, Jésus dit ceci qui éclaire la suite : « Mon Père, qui m’a donné mes brebis, est plus grand que tout, et personne ne peut arracher celles-ci de la main du Père. Le Père et moi, nous sommes UN » (Jn 10,29-30) ; belle nouvelle, nous sommes dans les mains bienveillantes du Père !  

Jésus parle donc de l’unité du troupeau et de son Pasteur : l’Eglise est une avec le Christ, son Berger, comme le Fils est un avec son Père. Les paroles de Jean comme toujours sont d’une densité qui a besoin d’être éclairée ! 

Cette revendication d’être un avec le Père a de quoi énerver les pharisiens qui l’écoutent et n’en demandent pas plus pour pouvoir accuser Jésus de blasphème. Les pharisiens, hommes pieux et priants sont trop arque-boutés sur leurs principes et leur théologie pour avancer dans la foi en Jésus. Bien sûr ce qui fâche, c’est cette revendication de faire un avec le Père qui sent le soufre dans le contexte d’un monothéisme radical qui est celui du temps de Jésus. 

Jésus se retrouve bien près d’être lapidé pour ces paroles ; les pierres sont déjà rassemblées pour tuer Jésus. Et peu après, on cherche à l’arrêter. Voilà une journée de Jésus qui n’est pas de tout repos ! 

Le prophète Jérémie dans la première lecture est une préfiguration du « Serviteur persécuté » ; comme Jésus il remet sa cause au Seigneur son Dieu. 

Jésus convoque l’Ecriture pour se défendre : il leur parle là dans leur registre, eux qui se disent, et le sont de fait, des hommes de la Parole de Dieu : Si l’Ecriture parle des hommes comme étant des « dieux » (Ps 81,6), combien plus le Christ envoyé du Père puisqu’il est le Verbe incarné, la Parole de Dieu venue en notre chair : « Le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous » (Jn 1,14) ; c’est un des thèmes favoris de l’Evangéliste Jean. 

Après les avoir renvoyés à leur chères études (de l’Ecriture), Jésus leur montre ses œuvres comme signes de l’action du Père en lui ; les gestes de Jésus, comme ses Paroles mettent en lumière avec éclat la gloire de Dieu qui habite en lui : « Si je ne fais pas les œuvres de mon Père, continuez à ne pas me croire. Mais si je les fais, même si vous ne me croyez pas, croyez les œuvres. Ainsi vous reconnaîtrez, et de plus en plus, que le Père est en moi, et moi dans le Père » (Jn 10,37-38). 

Jésus après ces polémiques, qui ne sont pas les dernières, continue inlassablement son chemin pour porter la Parole de vie.


Jeudi 25 mars

Chers frères et sœurs,  

L’Annonce faite à Marie nous rappelle qu’il ne s'agit pas tant d’agir pour Dieu que de se laisser faire par Dieu... C'est d'abord Dieu qui agit en nos vies, comme il a agi dans le cœur de Marie, avant que Marie puisse dire son oui.  

Une joie profonde traverse l’Evangile de ce jour ; joie de la grâce vécue, joie du oui donné en pleine liberté et humilité. « Réjouis-toi, Marie comblée de grâces » dit l’ange, signifiant par-là que la grâce précède toujours la réponse de l'homme ; la maternité de Marie est bien le fruit de la grâce en même temps que celui de la réponse de Marie : « Qu’il m’advienne selon ta Parole », répond Marie. 

Pourtant, quand nous lisons l’Evangile, faisons attention : il est toujours tentant avec les 2000 ans de méditation du mystère, de se dire que cela a été facile pour Marie de dire « oui » et donc d’oublier que ce « oui » a sans doute été plein d’inconnu ; ou plutôt il a été un « oui » de confiance en la Parole et en l’amour de Dieu. Marie a accepté la volonté de Dieu parce qu’elle a cru, même sans très bien comprendre ce que son oui impliquerait comme souffrance pour elle. « Il lui fut demandé de croire, et puis à force de fidélité, elle finit par comprendre » (Père Carré). Marie a toujours redit son « oui » initial ; elle a toujours été fidèle au-delà de ce qu’elle a pu comprendre. Elle a dû consentir aussi à la Passion de son Fils, douloureux déchirement intérieur… 

Nos « oui » humains sont ainsi : nos premiers « oui » en engagent d’autres, même parfois dans les épreuves ; et Marie a dû en connaître, jusqu’au comble de la douleur face à la mort effroyable de son Fils. Ne l’oublions pas dans les épreuves de nos « oui » donnés.  Il y a l’épreuve, il y a ce que nous en faisons. N’attendons pas de tout comprendre ou de tout maîtriser pour consentir à ce que Dieu nous demande. 

Tout repose pour nous aussi dans le consentement à ce qui nous arrive ; ce consentement intérieur n’est pas une passivité : accepter la maladie, le confinement, les épreuves de couple, la solitude est souvent difficile…. Il ne s’agit pas de subir les événements de nos vies. Nous avons à creuser dans ces épreuves un chemin de vie et d’amour. Comme Marie l’a fait dans les épreuves de la vie de son Fils (les fameuses sept douleurs de Marie). 

Cette disponibilité à ce qui nous arrive, même à ce qui nous fait souffrir est source d’une paix profonde. 

La confiance nous fera petit à petit comme Marie entrer dans la compréhension intérieure des mystères de nos vies, puisque « rien n’est impossible à Dieu ». Seule la foi peut le comprendre. Une foi confiance qui doit être comme celle de Marie ; elle ne cesse pas de « méditer en son cœur ces événements » (Lc 2,52), de garder en elle la présence de l’amour de Dieu et sa Parole. 

Alors nos « oui » humains pourront trouver leur source la plus profonde en l’amour de Dieu. 

Bonne fête de l'Annonciation !

 

« Sainte Marie, Mère de Dieu,  

Gardez-moi un cœur d’enfant, pur et transparent comme une source.  

Obtenez-moi un cœur simple qui ne savoure pas les tristesses.  

Un cœur magnifique à se donner, tendre à la compassion.  

Un cœur fidèle et généreux,  

Qui n’oublie aucun bien et ne tienne rancune d’aucun mal.  

Faites-moi un cœur doux et humble, aimant sans demander de retour, 

Joyeux de s’effacer dans un autre cœur devant votre divin Fils.  

Un cœur grand et indomptable qu’aucune ingratitude ne ferme,  

Qu’aucune indifférence ne lasse.  

Un cœur tourmenté de la gloire de Jésus Christ,  

Blessé de son amour et dont la plaie ne guérisse qu’au ciel. »  

Père Léonce de Grandmaison 

 

Mercredi 24 mars

Chers frères et sœurs,  

Hier l’Evangéliste Jean parlait des juifs qui croient en Jésus grâce à ses Paroles ; le Christ s’adresse maintenant à eux. 

Il y a plusieurs façons de croire. Il ne suffit pas d’être séduit par la Parole de Jésus pour avoir la foi en lui. 

« Vous connaîtrez la vérité, la vérité vous libèrera ». Nous nous souvenons que Jésus se désigne comme « la vérité » : « Je suis le chemin, la vérité, la vie » (Jn 14,6). La vérité de sa vie est dans l’incarnation et dans sa relation de communion au Père. 

La foi est un chemin de liberté ; encore faut-il l’accueillir pleinement ; or les paroles de Jésus ne sont pas toujours comprises ; et la foi reste souvent une « mini-foi » (la petite foi de Pierre est ainsi traduite de façon drôle par sœur Jeanne d’Arc : Mt 14,31). « Ma Parole ne pénètre pas en vous » (Jn 8,37). Jésus reproche de ne pas voir la vérité, par peur de devoir changer sa façon de vivre.  

Le péché dont parle Jésus est de ne pas laisser la Parole agir en nous pleinement. Il est des choses que nous refusons de regarder, des failles en nous que nous ne voulons pas voir, parce qu’elles nous obligeraient à changer. 

Le Père de Jésus-Christ est celui qui donne la vie, tandis que les interlocuteurs de Jésus cherchent à tuer la vérité en Jésus, ils sont des porteurs de mort. 

Jésus montre la différence entre l’esclave et le fils ; les opposants de Jésus sont « esclaves du péché ». Etre Fils c’est ne pas se séparer du Père. Le péché est ce qui sépare de Dieu. Seul le Christ, le Fils, peut nous libérer de nos esclavages et nous rendre libres. Je suis libre lorsque j’ai découvert que je suis aimé de Jésus avec tout ce qui est blessé en moi. 

Nous pourrions voir en filigrane les paroles de Jésus dans la parabole du fils prodigue ; le fils veut s’adresser à son père, lorsqu’il cherche à revenir de son errance : « Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi. Je ne suis plus digne d’être appelé ton fils. Traite-moi comme l’un de tes ouvriers » (Lc 15,17). Le Père le remet dans sa dignité de Fils. 

On ne naît pas libre, on le devient avec le Christ ; avoir des parents croyants, avoir Abraham comme père ne suffit pas à donner la foi vraie ! Ceux qui s’adressent à Jésus l’apprennent à leur dépens. Jésus est en vérité le Fils du Père : « Je dis ce que moi, j’ai vu auprès de mon Père » (Jn 8,38) ; « Je ne suis pas venu de moi-même ; c’est mon Père qui m’a envoyé. » (verset 42).  

Nous retrouvons aussi les compagnons de Daniel, Ananias, Azarias et Misaël (cf mardi de la 3° semaine) dans la première lecture ; ceux-ci ont bien compris que leur Dieu est vérité : ils refusent d’adorer un autre Dieu, parce qu’ils ont confiance que le Seigneur les libèrera de leur oppresseur qui fait chauffer la fournaise pour eux. Ils sont libres dans leur cœur, et Dieu les libère et les sauve de la flamme. 

Que la confiance en Dieu nous rende libres pour aimer !


Mardi 23 mars

Chers frères et sœurs,  

« Quand vous aurez élevé le Fils de l’homme, alors vous comprendrez que moi, JE SUIS et que je ne fais rien de moi-même » (Jn 8,28). 

Ce début de cinquième semaine du carême nous oriente clairement devant la croix de Jésus. Nous approchons du temps de la Passion. Nous lisons un texte dense, comme souvent, de l’Evangéliste Jean. 

« Toi, qui es-tu ? » ; c’est la question que nous nous posons tous un jour… Jésus répond : « Celui que je vous ai dit depuis le commencement » (malheureusement traduit autrement dans le texte liturgique, Jn 8,25) ; c’est le rappel du début de l’Evangile de Jean « Au commencement était le Verbe ». Jésus est l’origine absolue. Il est la Parole qui vient dans le monde manifester l’amour du Père. Sa lumière dévoile les cœurs sans les condamner. 

Et cela suscite des oppositions. Jésus renvoie chacun à sa liberté ; ce qui peut entraîner des réactions contrastées (vous êtes d’en bas, et non d’en haut, de ce monde). : « La vérité vous rendra libres » (verset 32). Il y a, et il y aura toujours, un fossé entre ceux qui croient et ceux qui ne croient pas. 

Jésus rappelle la communion qui l’unit au Père : « Je dis comme le Père me l’a enseigné. Celui qui m’a envoyé est avec moi ; il ne m’a pas laissé seul, parce que je fais toujours ce qui lui est agréable » (Jn 8,28). 

Jésus n’agit pas seul ; il « ne fait rien de lui-même ». Il nous rappelle que nous aussi nous pouvons agir non pas en « individualiste » (les confinements nous attirent hélas de plus en plus vers une forme d’individualisme, en nous obligeant à vivre « en distance »). Agir avec le Christ est une force de vie pour nous. 

Si Jésus est au commencement de tout dans le Père, il annonce aussi la fin : « Quand vous aurez élevé le Fils de l’homme ». Jésus est « l’alpha et l’oméga… le commencement et la fin » (Ap 22,13). L’amour du Père se révèle sur la croix de façon définitive ; lorsque Jésus dit « Je suis », bien sûr cela évoque le buisson ardent où Dieu se définit comme « Je suis celui qui suis » (Ex 3,14). Et Jésus est Dieu dans son don sur la croix. La croix est le signe de la fidélité de Jésus à l'amour de son Père, et le signe de la fidélité du Père à l'amour de son fils : « Celui qui m’a envoyé est avec moi ; il ne m’a pas laissé seul, parce que je fais toujours ce qui lui est agréable » (le Fils n'est pas abandonné par son Père sur la croix ; c'est le sens des anges qui entourent Jésus sur la croix, dans le tableau de Lebrun ci-dessous). 

Etonnamment, Jean évoque ensuite un mouvement populaire en faveur de Jésus à la suite de ces Paroles : « Sur ces paroles de Jésus, beaucoup crurent en lui » (verset 30). 

Puissent les Paroles de feu de Jésus que nous entendrons dans les jours de la Passion nous aider à croire en lui davantage encore, ainsi qu’en l’amour de son Père.

Lundi 22 mars

Chers frères et sœurs, 

Jésus a une unique mission ; manifester l'amour du Père : il relève l'homme déchu, l'homme pécheur sans se lasser. Jésus rend à une femme accusée d’adultère et bafouée sa dignité d'être humain, aimée de Dieu. 

Dans l'histoire sainte, Dieu ne cesse pas de rester fidèle à l'homme qui pourtant n'arrête pas de l'abandonner. Beaucoup de textes bibliques comparent l'infidélité et le péché du peuple de Dieu à de l’adultère ; l'homme ne cesse pas de se mettre en état de rupture d'Alliance d'avec son Dieu et Père, il ne cesse pas de se créer des idoles qui ne sont que du vent. Dieu demandera même au prophète Osée d'épouser une prostituée pour être signe de cette infidélité du peuple à son Dieu… Et pourtant Dieu n'arrête pas de faire preuve de patience et de miséricorde, sans se lasser. 

Et Jésus, le Fils de Dieu, est le reflet de cette miséricorde et du Pardon de son Père. Jésus est déjà compromis aux yeux des puristes par son attitude vis-à-vis des pécheurs dont il partage même la table au risque de contracter lui-même l'impureté du péché. 

Jésus sait ce qu'il y a dans le cœur de l'homme. Et lorsqu'il est confronté à un piège qui semble imparable, il manifeste le pardon de Dieu ; pourtant, le piège dans lequel on veut l’enfermer semblait infaillible : soit Jésus parle de pardon et il contredit la Loi de Moïse, soit il condamne la femme et contredit ses paroles et ses actes de pardon... C’est Jésus lui-même, au-delà de cette femme qui lui est amenée avec mépris, qui se retrouve mis à l’épreuve, comme accusé. 

Cette femme accusée, qui risque la lapidation, est accablée par le regard de jugement, de mépris et d’humiliation des scribes et des pharisiens ; ceux-ci la conduisent sans ménagement devant Jésus. Mais le regard de Jésus n'est pas le regard de l'homme : face aux regards qui jugent et condamnent sans appel, il est regard d'amour et de pardon. D’ailleurs Jésus ne porte pas le regard sur cette femme accusée, pour ne pas la blesser davantage. L’Evangéliste nous dit que Jésus « s’est penché vers le bas ». Jésus s’abaisse pour rejoindre la femme terrorisée dans son effondrement. Seul le Christ pourra la relever. Il se tait et écrit mystérieusement sur le sable. Certains commentateurs de cet Evangile ont relu le geste de Jésus qui a fait couler beaucoup d'encre, celui d'écrire sur le sol, comme le signe qu'il écrit la Loi nouvelle du pardon (comme le doigt de Dieu qui écrit la Loi sur les tables de pierre). 

Jésus se relève une première fois et retourne la situation : il les prend à leur propre piège en renvoyant les accusateurs de cette pécheresse à leur propre conscience de pécheur ; il les replace devant la vérité de leur complicité dans le péché. Tous s’en vont sur la pointe des pieds, sans crier gare… Seul celui qui est sans péché, c’est-à-dire Jésus, peut condamner ; et pourtant Jésus ne condamne pas, ni ne juge. Au contraire. 

Jésus se relève une seconde fois et relève cette femme avec lui. Le regard du Christ remet debout l’humanité blessée. Elle peut désormais repartir debout et libérée, parce qu’elle a compris que le Christ l’aime comme elle est. 

Puissions-nous accueillir le regard de Dieu sur tout homme, regard de pardon et d'amour, regard de foi.