Apparition du Christ à Thomas après la Résurrection

La Résurrection, pour nous c’est quoi ?


Cela donne du sens. Il est normal d'avoir du mal à y croire ... Mais, sans la Résurrection, je ne sais pas très bien ce qui garderait du sens dans notre religion. Sans elle, il n'y aurait pas de Salut de l'homme… Nous croulerions sous le poids du péché et au mieux nous pourrions être humains au sens de Camus: je m'applique à un geste d'humanité, sinon le monde dans lequel je vis serait monstrueux. ..
Stéphanie, 20 ans

Ce n’est pas vaporeux ! La Résurrection semble extraordinaire, voire bizarre. Un petit truc: à une époque, j'avais du mal à y croire. Et puis je me suis demandé comment résoudre cette question. Alors je me suis dit que la Résurrection, ce n'est pas quelque chose de vaporeux. (Même s'il n'y a pas eu de témoins de l'événement lui-même, il y en a eu de ses conséquences (tombeau vide, apparitions, miracles, mission .. .). Et si on faisait confiance aux témoins?
Louis, 45 ans

Tous vers un but. La Résurrection, celle du Christ d'abord, la nôtre ensuite, c'est pour moi la preuve que nous allons tous vers un but, que la vie a une raison d'être. Je pense qu'après la Résurrection, nous nous retrouverons tous auprès de Dieu, et que nous aurons enfin la réponse à toutes nos questions, et nous vivrons alors dans un temps qui ne s'écoule pas, dans un éternel présent, et dans un éternel Amour.
Agathe, 38 ans

Vertigineuse perspective ! Si Jésus n’est pas ressuscité, alors il n'était qu'un amuseur public, un guérisseur quelconque qui a mal fini. Seulement, il est le fils de Dieu. Et parce qu'il est fils, Dieu l'a ressuscité. Comme il le fera avec chacun de ses enfants. Sacrée perspective tout de même. Vertigineuse, je dirais…
Pierre, 18 ans

Délivré de mes peurs. Et si je crois vraiment en l'amour de Jésus pour moi, je suis d'une certaine manière déjà ressuscité, en ce sens que, délivré de beaucoup de peurs, j'ose alors me lancer dans la vie. C'est la seule résurrection que je connaisse (par moments).
Dominique, 30 ans

Transformé ! On peut vivre une période tellement difficile à supporter que le négatif, la vie en noir peuvent prendre le dessus sur tous nos gestes, toutes nos pensées. Et si, à ce moment précis, on rencontre des personnes qui veulent nous aider ou si on fait l'expérience de Dieu, on peut ressusciter, voir la vie d'une tout autre façon et la sublimer, la transformer. Je suis persuadée que la résurrection, c'est aussi cela.
Delphine, 22 ans

Nous situer dans la lumière. Sans cette résurrection, notre foi est vide. Si l'on prend au sérieux les textes du Nouveau Testament et la foi des chrétiens depuis vingt siècles, on ne peut pas dire que la résurrection de Jésus soit une légende, même si on ne peut pas la définir ou la décrire.
Croire ne la résurrection, cela fait de nous des chrétiens. Cela ne sert pas à procurer de l'argent, du travail, ou de la santé, cela ne sert pas à prolonger le nombre de nos jours. Mais cela sert à nous situer dans la lumière, à donner sens à notre vie, valeur à notre condition humaine, et ce n'est pas rien !
Jacques, 60 ans

Un amour surabondant. La dimension peut-être la plus mystérieuse de la Semaine sainte, c’est que Jésus a même partagé ce que tant de personnes connaissent : le silence de Dieu, l’impression d’être loin de lui. Il crie sur la croix : « Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » En ce moment de ténèbres il est conduit à avoir la même perspective limitée que nous. Comment alors, ressuscité, n’aurait-il pas un amour surabondant pour celles et ceux qui n’arrivent pas à croire en l’existence de Dieu parce que la souffrance paralyse en eux l’élan de confiance ? Humblement le Christ nous dit : « Je comprends tes doutes, je voudrais les traverser avec toi. »
Frère Aloïs de Taizé

 

Le souffle de la Résurrection

« Si le Christ n'est pas ressuscité, notre foi est vaine », dit saint Paul. Parler de Résurrection est donc bien se situer au coeur de la foi chrétienne, en son centre incandescent, dans le rayonnement duquel tout s'illumine. Mais c'est aussi se situer loin des évidences et des preuves. Toutes nos interrogations sont légitimes, surtout lorsqu'il s'agit de la Résurrection. Mais le propre de la Résurrection est peut-être bien de boulever­ser la spontanéité de nos pensées. Entrer dans la foi et entrer dans l'intelligence de la Résurrection sont une seule et même chose. Il y faut l'attitude du disciple qui se laisse instruire, qui ne possède jamais, qui ne prouve pas - car la foi n'est pas de l'ordre de la preuve - qui sait qu'il ne sait pas et recommence chaque jour le travail de l'écoute, le travail de la foi. C'est alors que la Résurrection nous apparaît comme quelque chose de véritablement neuf et bon, une Bonne Nouvelle, un Évangile .

Les disciples le reconnurent
Comment les disciples de Jésus ont-ils fait­ l'ex­périence de sa Résurrection? À bien lire les textes des quatre évangiles qui suivent sa mort, on s'aper­çoit que c'est de trois façons: par le tombeau vide (l'absence), par la rencontre, par le don de l'Esprit et de ses "fruits".

Le tombeau vide
'Vous cherchez le crucifié, il n'est pas ici" (Mt 28,6); "Ils ont enlevé mon Seigneur et je ne sais pas où ils l'ont mis". (Jn 20, 13) La première forme de reconnaissance, c'est qu'il n'est plus là. Le tombeau est vide. C'en est fini de la proximité terrestre familière, jusque dans la douleur de la mort et dans les gestes qui l'accompagnent. Où est-il?
Déjà le désarroi dépayse, prépare peut-être une autre capacité de reconnaissance.

Les apparitions
Là où on le cherche, il n'est pas. C'est lui qui vient: "Jésus vint à leur rencontre et leur dit" Je vous salue ,,". (Mt 28,9) C'est dans la rencontre de Jésus lui-même que les disciples font l'expé­rience de la Résurrection. Mais à bien prêter attention aux textes, on s'aperçoit que la recon­naissance n'est ni évidente, ni immédiate et qu'elle ne suscite pas automatiquement la joie. Le tom­beau vide a entretenu le doute et suscité la peur. Après l'annonce de la Résurrection par l'ange, les femmes "s'enfuirent loin du tombeau, car elles étaient toutes tremblantes et bouleversées et elles ne dirent rien à personne car elles avaient peur" (Marc 16,8). Marie de Magdala, aveuglée par sa douleur, ne reconnaît Jésus que lorsqu'il l'ap­pelle par son nom et qu'elle s'est "retournée" (Jn 20, 16).
On s'aperçoit aussi que Jésus n'agit pas de façon identique avec chacun. À Marie qui s'élan­ce vers lui, il dit "Ne me touche pas". À Thomas sceptique, il dit "Mets ta main dans mon côté". Tantôt Jésus est facilement reconnu, tantôt il ne l'est pas. Les disciples qu'il accompagne sur la route d'Emmaüs ne le reconnaissent qu'au mo­ment où il disparaît et c'est au signe qu'il a fait de la fraction du pain et au feu qu'ils ont au cœur. Les évangiles ne parlent pas de foules autour de Jésus ressuscité. Il semble que peu de monde l'ait rencontré et surtout reconnu. C'est dire que, même s'ils ont eu le privilège que nous n'avons pas de voir Jésus, de le toucher, de manger avec lui, c'est comme nous dans la foi et la foi seule que les disciples sont amenés à le reconnaître res­suscité.

Le don de l'Esprit
Le troisième lieu d'expérience de la Résurrection est le don de l'Esprit. L'homme Jésus disparaît mais c'est pour laisser place à l'Esprit qui le rend présent pour toujours : "If me glorifiera car il recevra de ce qui est à moi et il vous le commu­niquera" (Jn 16,14). "II se sépara d'eux et fut em­porté au ciel. Eux ... retournèrent à Jérusalem pleins de joie" Lc 24,51-52).
Commence alors le temps qui est le nôtre, le temps de tous. Cependant, avant de passer à notre propre reconnaissance de la Résurrection, il est bon de voir comment les évangiles parlent tout entiers de la Résurrection. On n'en finirait pas de le lire à chaque ligne. Quelques exemples - majeurs peut-être - suffiront à le faire com­prendre: la Transfiguration, juste avant l'annonce de la Passion, anticipation de la Résurrection; le Baptême de Jésus, où se manifeste sa "gloire" dans les paroles de reconnaissance du Père; et même sa naissance où la modestie de l'étable ne doit pas faire oublier l'annonce faite à Marie ("Il sera grand et sera appelé Fils du Très Haut') ni le chant des anges "Gloire à Dieu au plus haut des cieux ».

Nous le reconnaissons

Avec les yeux de la foi
À nous aussi il est donné de reconnaître le Ressuscité. C 'est le propre de la foi. La foi chrétienne n'est rien d'autre. Comment cela peut-il se faire ? Comment arrivons-nous à dire, nous aussi,
"C'est le Seigneur"? Notre condition est para­doxale : nous croyons sans voir. Mais croire est quelque chose de réel. Croire n'est pas se per­suader; c'est reconnaître. Nous voici donc dans un type d'expérience véritable et cependant bien différente de ce que nous entendons spontanément par "expérience".
Nous avons vu que l'expérience des disciples est déjà une expérience de foi. Déjà ils sont sortis des évidences sensibles, affectives, intellectuelles et pourtant ils peuvent dire qu'ils ont "vu, enten­du, touché le Verbe de Vie". Saint Jean nous as­sure qu'il en est de même pour nous, "pour que notre joie soit complète" (Jn 1, 1-4).

Par une expérience intérieure
Voir, toucher, entendre, c'est ce que la foi nous donne de vivre, réellement mais autrement, de même que Jésus Ressuscité est bien réel mais autre, puisqu'il n'est reconnu que par une démarche de retournement, de foi. La foi est un toucher, un sentir intérieur qui est comme « un corps au dedans du corps ". Nous en avons l'ex­périence et cette expérience est la "preuve" de la présence en nous de l'Esprit. "Nul ne peut dire « Jésus est Seigneur" si ce n'est dans l'Esprit" (l Co 12,3). "La foi est à elle-même sa propre preuve", écrivait Jean Sulivan. Il n'yen a pas d'autre. On ne trouve pas de preuve dans l'Évan­gile; on ne trouve que des démarches de recon­naissance de Jésus lorsqu'il vient. C'est pourquoi être témoin de la Résurrection, ce n'est pas convaincre, mais seulement l'annoncer et en vivre.

Chacun son chemin
Comme pour les disciples, j'accès à la Résurrection peut prendre pour nous des formes multiples. Rien n'est à exclure: l'absence, le doute, la peur; le retournement, l'adhésion spon­tanée du cœur, la joie. Certains seront davantage marqués par l'un de ces aspects, à une période de leur vie, ou leur vie entière. Plus souvent, nous passons tous par l'une ou l'autre de ces formes d'expérience. La foi est un chemin de vie qui nous permet d'entrer progressivement dans l'intelli­gence de la Résurrection et non un catalogue de vérités à croire. Cela seul est déjà participation à la Vie, parce que, même dans la nuit de la foi, c'est travail de l'Esprit qui inscrit en nous la connais­sance du Père et de son Christ.

La Résurrection à l'œuvre dans nos vies


Le Nouveau Testament affirme vigoureusement que le Christ a fait passer toute l'humanité avec lui par la mort et la Résurrection. Nous sommes ressuscités, tous, et pas seulement les croyants. Cette affirmation peut légitimement surprendre. Certains textes d'ailleurs emploient successivement le présent et le futur pour parler de notre propre résurrection. "Considérez que vous êtes morts au péché et vivants pour Dieu en Jésus Christ"; "Si nous avons totalement été assimilés à sa mort, nous le serons aussi à sa Résurrection" (Rm 6,11 et 5). Nous viendrons plus loin à ce futur. Considérons d'abord l'œuvre de résurrection aujourd'hui.

L' « agapé » ou charité
C'est avant tout ce que le grec appelle agapé, que la tradition chrétienne traduit par charité et que nous préférons aujourd'hui le plus souvent, et peut-être trop facilement, désigner par le mot amour. "Nous savons que nous sommes passés de la mort à la vie, puisque nous aimons nos frères. Qui n'aime pas demeure dans la mort" (1 Jn 3,14).

Le pardon
La mort dont nous sommes délivrés par la Résurrection du Christ, c'est celle de nos ten­dances meurtrières, celle du meurtre d'Abel par son frère, Caïn. C'est pourquoi pardon est l'un des plus beaux noms de la Résurrection.

Le regard qui transfigure
Tout regard qui transfigure en est aussi la mani­festation. Le regard qui accueille sans condition, le regard qui ne réduit pas le pécheur à sa faute, le disgracieux à sa disgrâce, qu'elle soit physique, psychique, sociale. Celui de l'artisan de paix, du cœur pur, du miséricordieux. Le regard grand ou­vert de ceux qui seront bénis parce qu'ils ont vu l'affamé à nourrir, le prisonnier à visiter ... (Mt 25). Le regard qui espère. La main qui soigne et gué­rit, la parole qui console, la tendresse: autant de gestes qui font passer de la mort à la vie et sont pour nous comme le toucher de la Résurrection. Comme on pourrait nommer le courage d'entre­prendre, de tenir, de faire confiance malgré tout. Comme on pourrait nommer la capacité de voir et de croire au-delà des erreurs, des échecs, des mensonges même. Et cela, du plus intime au plus large, comme dans l'action sociale, par exemple. Autant de transfigurations du réel, com­me certaines œuvres d'art qui annoncent la trans­figuration définitive. Autant de manifestations de vie qui débordent infiniment les frontières du monde chrétien.

La Résurrection inachevée

"Ce que nous serons n'a pas encore été mani­festé. Nous savons que, lorsqu'il paraÎtra, nous lui serons semblables puisque nous le verrons tel qu'il est" (1 Jn, 3,2).

Haine et malheur nous accablent encore
Oui, la Résurrection reste encore "cachée", Si elle est connue dans la foi et manifestée dans l'amour et tous les "fruits de l'Esprit", elle n'est pas encore accomplie en tous et en tout. Il n'est pas besoin de nous le dire. Trop de malheurs ou de haines nous accablent encore dont nous nous savons solidaires et parfois complices. Si la joie de la foi peut nous être parfois un paradis, le paradis n'est pas sur terre. La mort est toujours là, et notre hor­reur de la voir nous atteindre, dans nos amours, dans notre corps.

La mort, un passage obligé
La Résurrection ne nous fait pas faire l'économie de la mort. La Tradition chrétienne a souvent exprimé sa sensibilité au fait que Jésus, lors de certaines de ses apparitions de Ressuscité, porte toujours les traces des souffrances de sa Passion, comme le montre fréquemment l'icono­graphie. Pas plus que pour Jésus, la Résurrection n'est pour l'humanité une sorte de miracle qui la dispenserait de faire le chemin que lui, Jésus, a fait. Nous avons, nous aussi à courir la difficile aventure de la Pâque, Dieu nous montre peut-être ainsi à quel point il respecte notre liberté.

Nos mots pour témoigner de la Résurrection
Nous n'attendrons pas que la Résurrection soit accomplie pour en être témoins. Nous le ferons par tout ce qui sert la vie, par delà la mort ou ses apparences. Nous avons aussi la responsabilité de le faire par des mots et c'est un vrai travail. Il s'agit en effet ici de tout autre chose que de ré­péter des formules toutes faites, fussent-elles celles de l'Écriture et de la Tradition. Il s'agit defaire le difficile effort de mettre en mots - même de façon tâtonnante - ce que nous reconnaissons nous-mêmes de la Résurrection de Jésus à l'œuvre. À ce prix, les mots de l'Écriture et de la Tradition pourront être entendus dans leur permanente nou­veauté. Nous n'avons rien à inventer: nous avons à écouter, à écouter l'écho de la Parole en nous et dans le monde. Créer notre parole, c'est se faire médiateur de la Parole de Dieu. C'est faire entendre la nouveauté de la Résurrection aujour­d'hui et en être témoin - sans chercher à convaincre - dans la jeunesse de sa présence.

Régine du CHARLAT Religieuse auxiliatrice