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Chers Frères évêques,

Chers Frères et Sœurs, membres du conseil d’administration de la Conférence des religieuses et religieux de France,

En vous présentant ce matin les travaux de l’Assemblée plénière qui s’achève, je veux avoir devant les yeux la photographie de l’enfant qui pleure que vous apercevez derrière moi sur l’écran. Cette photographie, désormais, est fixée au mur du bâtiment qui abrite l’hémicycle où nous nous tenons. Cet enfant pleurait seul, caché sous les voûtes d’une cathédrale. Quelqu’un l’a photographié, quelqu’un qui s’est reconnu en lui, quelqu’un qui, lui aussi, a été victime et a pleuré ainsi, pétrifié, dans une église, à cause d’un homme d’Église et à cause de l’Église. Ce visage habite mon cœur tandis que je vous parle. C’est pour cet enfant qui pleure, petit garçon, petite fille, adolescente ou adolescent, que nous avons réfléchi, travaillé, décidé. « Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. Chaque fois que vous ne l’avez pas fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous ne l’avez pas fait » (Mt 25, 40.45). « Il est trop tard, avons-nous dit, samedi, avant-hier, pour consoler cet enfant. Il ne l’est pas de nous souvenir de lui. » Les pas intérieurs que nous avons franchis ici et les décisions que nous avons prises, il nous reste à les partager avec les prêtres, nos frères, avec les diacres, et tous les baptisés et dans toutes nos structures d’Église. Ce que nous ferons, nous le ferons pour lui, cet enfant qui pleure aujourd’hui encore caché en tant d’adultes ; ce que nous ne ferons pas, nous en sommes conscients, c’est à lui que cela manquera, c’est lui qui sera renvoyé dans sa souffrance solitaire. Cela, nous ne le voulons pas.

Le rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église dont je veux remercier encore une fois, devant vous tous qui écoutez ce discours, le président, M. Jean-Marc Sauvé, et chacune et chacun des membres et des collaborateurs ainsi que leurs conjoints – car tous ont éprouvé durement ce qu’ils ont mis à jour -, ce rapport  qui nous a été remis, à Sœur Véronique Margron et à moi-même, qui représentions la Conférence des Religieux et des Religieuses de France et la Conférence des évêques, le 5 octobre dernier, a fait apparaître une réalité de l’Église que nous ne savions pas voir. Une de nos invitées nous a rappelé samedi une parole de Jésus : « Ils se sont bouché les yeux, de peur que leurs yeux voient, que leurs oreilles n’entendent, que leur cœur ne comprenne, qu’ils ne se convertissent. » (Mt 13, 15). Car il a été mis sous nos yeux et sous les yeux du monde que l’Église, notre Église catholique en France, était un lieu où se commettaient des actes de violences et d’agressions sexuelles sur des personnes mineures dans des proportions effrayantes. À côté des faits dévoilés une fois la parole libérée, – et l’association qui a trouvé et pris ce nom a rendu, de ce point de vue-là, un grand service-, qui ont conduit à décider de la création de la CIASE, nous avons encore, ces dernières années, découvert la réalité d’abus de pouvoir et de faits d’emprise dans des diocèses, des communautés dites « nouvelles » ou dans des instituts religieux. Nous sommes donc obligés de constater que notre Église est un lieu de crimes graves, d’atteintes redoutables à la vie et à l’intégrité d’enfants et d’adultes. Or, cela ne se peut. Cela ne peut pas être l’Église de Jésus, l’Église fondée dans le don de soi du Seigneur Jésus, l’Église qui a grandi de la souche d’Israël et que les Apôtres ont ouverte à toutes les nations. Puisqu’il en est ainsi, puisque l’enfant qui pleure sous la voûte d’une cathédrale a été multiplié des centaines des milliers de fois, il nous faut bien le reconnaître et le confesser : nous avons laissé se développer un système ecclésiastique qui, loin de porter la vie et d’ouvrir à la liberté spirituelle, abîme, écrase, bafoue des êtres humains et leurs droits les plus élémentaires.

Lorsque nous nous sommes réunis mardi dernier, 2 novembre, surtout après avoir entendu les cinq personnes victimes qui ont accepté de se faire témoins pour nous, nous avons été à nouveau secoués et ébranlés au plus intime. Ce que la CIASE décrit n’est pas notre Église. Nous ne sommes pas devenus prêtres pour avoir part, même malgré nous, à des actes meurtriers. Nous ne sommes pas chrétiens pour entretenir un organisme dangereux pour les autres. Notre réaction à nous, évêques, a donc été : ce mal commis, ce mal existant, nous devons l’assumer. Nous devons l’assumer pour en libérer ceux et celles qui l’ont subi et pour en dégager l’Église afin qu’elle puisse être celle de Jésus de Nazareth. Nous ne pouvons plus nous protéger derrière le droit positif. Nous devons nous montrer les disciples et les serviteurs de Jésus, notre Seigneur, de celui « qui n’a pas retenu jalousement le rang qui l’égalait à Dieu mais qui s’est anéanti lui-même, obéissant jusqu’à la mort et la mort de la croix » (Ph 2, 5).  L’un de nous l’a rappelé : notre justice doit dépasser celle des scribes, nous ne pouvons rester cachés derrière la justice de l’Etat, et moins encore derrière le droit canonique, il nous appartient d’aller au-delà dans un élan vers celles et ceux qui souffrent.

Nous avons reçu mardi dernier le témoignage exigeant de Francis, Guy, Brigitte, Jean-Luc et Véronique. Nous les remercions du fond du cœur d’avoir accepté de venir vivre avec nous ces jours d’assemblée. Nous avons été bouleversés de leur gratitude vendredi à midi et de leur émotion samedi. Nous n’oublions pas toutes les autres personnes victimes, celles qui sont connues et celles qui ne parlent pas. Nous les saluons humblement. Certains se sont étonnés que nous ne leur demandions pas pardon. Nos amis nous ont aidés à comprendre que nous avions du chemin à parcourir. Un évêque nous l’a dit avec force : à Dieu, nous pouvons toujours demander pardon et devant lui nous pouvons compter sur son pardon ; mais nous ne pouvons provoquer un être humain que nous avons offensé à nous pardonner. Sœur Véronique l’a rappelé samedi matin : la parole de pardon que Joseph, selon le livre de la Genèse, a dite à ses frères ne pouvait venir que de lui et elle n’a pu venir qu’au terme d’un long chemin de transformation intérieure de ceux-ci dont la première étape avait été qu’ils reconnaissent entre eux le mal qu’ils avaient fait à leur jeune frère.

Lorsque, vendredi matin, nous avons reconnu notre responsabilité institutionnelle et décidé d’engager un chemin de reconnaissance et de réparation ouvrant pour les personnes victimes la possibilité d’une médiation et d’une indemnisation, nous l’avons fait à cause de ce que la CIASE nous a mis sous les yeux et parce qu’elle nous a indiqué fortement ce chemin-là ; nous l’avons fait parce que des fidèles très divers, plongés dans la honte, l’attendaient de nous et nous l’avaient fait savoir fortement, parce que la société nous y sommait de bien des manières, mais nous l’avons fait surtout parce que nous avons senti le regard de Dieu sur nous, parce que nous avons senti monter en nous le dégoût et l’effroi en réalisant ce que tant et tant de personnes avaient vécu et vivaient de souffrances, là même où elles étaient en droit de recevoir la lumière, la consolation, l’espérance de Dieu. Nous l’avons fait en pensant à chacune et à chacun d’eux, à chacun de ces enfants, petits garçons, petites filles, adolescents, adolescentes, qui pleurent en secret dans le fond de leur âme et jusqu’au dernier jour de leur vie d’adultes. Nous en avons rencontré quelques-uns dans nos diocèses. Leur image nous habite, comme le symbolise désormais devant le bâtiment de notre hémicycle la formidable et terrible photographie devant laquelle je vous parle. Il était temps que nous franchissions ce pas. Il était attendu de nous depuis longtemps et la CORREF l’avait engagé. Nous avons franchi cette étape, en réalisant que, sans le vouloir, nous étions complices, nous laissions s’exercer des actes inqualifiables, nous passions du temps à faire des enquêtes, à lancer des procédures, à trembler en nous demandant ce que tel prêtre pouvait faire ou non, à redouter que quelqu’un se mette à parler encore, à recevoir des personnes victimes et à découvrir des taches nouvelles sur la réputation de tel prêtre ou tel laïc agissant dans l’Église. Il était de notre devoir de marquer nettement que nous ne pouvions pas supporter que l’Église soit cela. Nous l’avons fait parce que nous avons eu peur de manquer à Jésus.

Cette décision, permettez-moi de le dire, est pour nous tous une libération. Nous sommes libérés de pouvoir manifester que notre Église, celle à laquelle nous appartenons et que nous voulons servir, ne peut pas être une institution préoccupée d’elle-même, engoncée dans l’auto-glorification. L’évangile de ce dimanche nous a confirmés dans ce choix. Pour servir la véritable Église du Christ, nous ne pouvons pas être des âmes riches qui jettent de leur superflu dans le tronc du Temple, nous voulons choisir d’être du côté de la pauvre veuve qui donne les deux piécettes de son indigence.

En mars dernier, nous avions décrit notre responsabilité à l’égard du passé, du présent et de l’avenir et nous l’avions assumée pleinement. Nous avons en cette assemblée compris qu’il nous fallait la dire plus nettement, sans précaution, sans nous inquiéter des conséquences de tous ordres, avec confiance en la Providence de Dieu et en la foi de son peuple, sûrs de la force du mystère pascal du Christ. Les mesures que nous avions votées en mars avec la lettre que nous avions adressée aux catholiques de France demeurent valables mais nous voulons désormais avancer avec plus de liberté.

Nous avons compris que nous avions besoin d’aide extérieure. Le Concile Vatican II nous l’avait dit dans la constitution pastorale Gaudium et Spes, en son numéro 40, §4 : L’Eglise « est fermement convaincue que, pour préparer les voies à l’Évangile, le monde peut lui apporter une aide précieuse et diverse par les qualités et l’activité des individus ou des sociétés qui le composent. » Nous ne sommes pas formés pour être des enquêteurs, ni des procureurs, ni des juges d’instruction. L’Église du Christ n’est pas faite pour affronter les crimes que la société humaine est capable de condamner et contre lesquels elle s’équipe pour lutter. Nous avons, nous, à ouvrir à tous les humains, même aux criminels, l’espérance qu’il n’est jamais trop tard pour se repentir, pour se convertir, pour changer de direction de vie et à leur apporter la force intérieure du Christ et de son Esprit.

Nous avons tout à gagner à conclure des protocoles avec les procureurs. Nous avons tout à gagner à nous en remettre avec confiance aux services de la justice et de la police de notre pays. Lorsque nous arrivons dans un diocèse, nous en recevons les prêtres comme des frères. Cette fraternité a tout à gagner à être sans compromission avec les fautes éventuelles de tel ou tel, avec ce qui, chez tel d’entre eux, pourrait relever de la justice des hommes. Car la miséricorde consiste à accompagner le coupable s’il en ait sur un chemin de repentir et de conversion qui commence lorsque celui-ci réalise le mal commis et la douleur provoquée. De manière plus générale, le pardon de Dieu ne peut servir de prétexte à quiconque qui aurait commis un crime ou un délit pour échapper à la justice des hommes. Au contraire, ce pardon devrait fortifier le coupable pour qu’il se prépare à rendre compte de ses actes et à en assumer les conséquences. Il l’assure que sa dignité profonde sortira grandie de cette épreuve de vérité.

Notre décision de vendredi matin et celles que nous avons adoptées en ce lundi au terme de nos sept jours d’assemblée marquent un pas décisif. De la prise en considération première des personnes victimes, nous avons reçu la liberté d’ouvrir le travail sur nos fonctionnements ecclésiastiques ou ecclésiaux de manière large, stimulé par les nombreux invités qui ont bien voulu nous rejoindre vendredi. Nous en avions reçu, il faut le dire aussi, une grande impulsion de la part du Saint-Père au cours de nos visites ad limina, impulsion renforcée par nos célébrations sur le tombeau des Apôtres qui nous ont remis au centre de notre mission.

Déjà, mercredi et jeudi matin, lors de nos rencontres avec des personnes en précarité sous le thème « Clameur des pauvres, clameur de la terre », nous avons expérimenté l’Église que nous aimons, l’Église qui nous fait grandir et nous donne d’espérer, malgré nos pauvretés et nos fragilités, l’Église qui nous rend heureux et fiers. Nous avons été émus par la fraternité concrète entre nous, nos invités diocésains, les personnes en précarité et les membres des associations qui les accompagnaient. Je remercie ici Laurent van Ditzhuizen et Marion Cremona, de l’Université du Nous, qui nous ont aidés à nous connecter les uns aux autres en vérité. Ils nous ont encouragés à nous laisser entraîner par la fierté et la joie de nos hôtes, par leurs attentes aussi, et ce fut bon d’être tous ensemble. Je remercie aussi Pascal Balmand et toutes les associations qui ont été partenaires de ce jour et demi. Nous avons été émerveillés par le travail de préparation qui avait été vécu dans tant de groupes pour permettre à deux représentantes ou représentants de venir nous rejoindre en apportant la parole du groupe entier. Nous avons entendu la fécondité de la parole de Dieu écoutée ensemble avec des personnes en précarité dès lors que l’on veut bien en prendre le temps et les moyens. Nous avons été impressionnés par la créativité des associations que la méditation de la Parole de Dieu a suscitées au fil des ans. J’ai pris conscience pour ma part que je pouvais progresser dans ma disponibilité aux personnes en précarité et dans mon attention à la sagesse et pas seulement à la clameur dont elles sont porteuses. Tous ensemble, avec ces personnes, avec nos invités diocésains, avec les membres des associations, nous avons entendu l’expérience des êtres humains qui ne peuvent vivre que de l’essentiel et nous y avons reconnu la vérité du Christ Jésus, la grande pauvreté de Dieu qui est riche en miséricorde, qui n’est riche qu’en miséricorde.

Il était bon pour nous d’éprouver qu’il valait la peine sans doute d’être humiliés, appauvris, diminués, si cela peut nous aider à mieux rencontrer les pauvres, les exclus, les méprisés, celles et ceux qui ont du mal à parler ou plutôt que l’on a du mal à écouter, puisque le Seigneur que nous voulons suivre est venu en priorité pour eux. Nous avons reconnu qu’il y avait là un chemin pour être émondés, selon l’image qu’utilise Jésus, comme sa vigne, afin de porter du fruit, un fruit réjouissant. La belle rencontre de dimanche matin avec Mme Véronique Devise, nouvelle présidente du Secours catholique, et Mme Francine Guilbert, nous a encouragés encore à avancer dans ce chemin.

Ainsi, sans en avoir vraiment conscience, nous nous étions préparés intérieurement à recevoir nos invités de vendredi après-midi et de samedi, laïcs surtout, mais avec quelques prêtres, diacres, religieux et religieuses, responsables de mouvements et d’associations mais aussi jeunes engagés, scouts, fondateurs du fonds de dotation, initiateurs de projets d’évangélisation, amis tout simplement. Nous nous étions sans le savoir préparé à recevoir l’énergie, la volonté, la colère parfois, l’exigence avec laquelle ils et elles sont arrivés, étant partis la veille au soir ou tôt le matin, ayant décidé en peu de jours de sacrifier une journée de travail et un samedi ou deux jours de vacances en famille ou entre amis pour venir discuter avec nous, évêques, du futur de l’Église. Nous avons reçu le choc de leurs interrogations, de leurs mises en cause, de leurs propositions, de leurs impatiences, et encore davantage, bien davantage, celui de leur foi en Dieu et en son Christ et celui de leur amour déçu, blessé, en son Église. Nous en sommes conscients : une certaine confiance native en l’Église à cause de l’Eucharistie qui la fait naître et dont elle nourrit a été ternie ; une certaine admiration spontanée pour les prêtres parce qu’ils imitent au plus près le Fils bien-aimé du Père en donnant leur vie, est désormais atteinte. Et pourtant, nous avons reçu le baume de l’espérance et le vin de l’amour prêt à se donner encore avec une lucidité nouvelle. Nous avons éprouvé en ces deux demi-journées comme il est doux de se parler du fond du cœur, comme il est bon de reconnaître ses torts et ses fautes auprès d’un ami, comme il est fortifiant de se laisser relever par une sœur ou un frère qui se révèlent encore plus proches, encore plus encourageants qu’on aurait pu l’imaginer.

Les échanges ont été denses, ils ont été courts. Les temps de travail commun ont été contraints par le temps, écrasés par la masse des sujets à prendre en compte : les 45 recommandations de la CIASE qui se démultiplient facilement en cinq ou six sujets. Pourtant, même si bien des frustrations et des déceptions demeurent, ces temps ont été féconds. Ils ont été stimulants. La voix de l’Église en recherche s’est fait entendre sous la délicate conduite de Matthieu Daum, Nancy Bragard et Étienne Gueydon, nos facilitateurs de Nexus, et elle était, cette voix, douce et forte à la fois. Elle nous a permis de prolonger notre première étape et d’en oser un autre ou quelques autres. Nous, évêques, réalisons que nous pouvons avancer, car nous ne sommes pas seuls, nous n’avons pas à tirer tout un troupeau qui résisterait, nous sommes accompagnés par des sœurs et des frères qui brûlent autant ou plus que nous de l’amour du Seigneur et du désir de vivre de lui et d’offrir à d’autres de s’y essayer. Nous le pouvons d’autant plus que nous éprouvons en chaque assemblée la force de notre collégialité qui nous encourage à avancer ensemble, nous attendant mais aussi nous aidant les uns les autres à progresser.

Nous avons pu le voir aussi lors de notre séquence finances. Elle nous a permis de constater de nouveau que la générosité des fidèles est à la hauteur de leur attachement à l’Église du Christ. Dans notre pays, celle-ci ne vit que de dons. Or, dans le contexte des restrictions imposées aux cultes par la pandémie en 2020 et 2021, le recul marqué des ressources des paroisses a été compensé en partie par une progression inédite du denier. Oui, les fidèles soutiennent matériellement l’Eglise et tous nos diocèses se doivent d’être gérés avec rigueur et dynamisme pour servir la mission et l’évangélisation. Nous sentons autour de nous l’attente des fidèles qui deviennent des disciples missionnaires. Leur volonté que l’Église puisse remplir sa mission nous fortifie : nous leur devons que l’Église soit lumineuse de la lumière du Sauveur.

Nous sommes devenus prêtres pour servir l’œuvre de la grâce du Christ et être témoins actifs de la miséricorde de Dieu devant nos contemporains et non pour exercer un pouvoir exclusif. Nous avons accepté d’être nommés évêques pour travailler à ce que tous les humains bénéficient de près ou de loin de la puissance du Christ mort pour notre péché et ressuscité pour notre vie, et non pour accroître notre pouvoir et entrainer des régiments, mais. Nous sommes devenus prêtres pour apporter humblement quelque chose de la consolation du Christ, pour assurer beaucoup de la proximité de Dieu, et certainement pas pour que des hommes ou des femmes pleurent à cause de nos fonctionnements paroissiaux. Nous avons tous, avec nos frères prêtres, à faire mémoire de l’élan premier de notre vocation et à ajuster à l’émerveillement initial les prudences et les précautions auxquelles l’expérience de la vie nous a conduits. Nous héritons d’une longue histoire faite de temps donné, d’initiatives généreuses, de partage, d’œuvres variées, de chant et de louange à Dieu, de vie de familles confortées, de communautés rayonnantes et apaisantes. Notre époque nous permet de voir avec plus de lucidité qu’il y a eu aussi dans cette histoire des abus, des abus de pouvoir, des dominations malsaines et même des violences et des agressions sexuelles. Nous allons vers un appauvrissement de notre Église. En plus d’un sens, nous le désirons, nous l’attendons. Nous recevons la force de la longue implantation de notre Église en notre pays, car elle fut en bien des lieux, en bien des âmes, en bien des moments, source de bonté et de beauté ; nous assumons aussi volontiers le poids de ce passé; nous voulons surtout pouvoir partir porter la bonne nouvelle du salut et pouvoir nous réjouir de la voir accueillie par une liberté humaine.

Il y a du mal à l’œuvre dans l’humanité et pas seulement dans les pensées, dans les idées claires et distinctes, mais plutôt dans l’obscur, dans l’archaïque, dans l’indéterminé qui rôde en chacun ou en chacune de nous. Nous devons regarder en face ce mal toujours présent. La grâce du baptême ne l’annihile pas ; associée à celle de la confirmation, elle permet de faire de sa vie un combat spirituel, une croissance dans la charité, avec l’espérance que tout mouvement d’amour vrai compte pour toujours, par la grâce du Christ Seigneur. La grâce de l’ordination n’assure pas un caractère stable, une honnêteté parfaite, une délicatesse de cœur remarquable, elle ne préserve pas même des démons destructeurs et dominateurs qui peuvent habiter une âme ; elle devrait accentuer la conscience de sa faiblesse, la crainte de blesser le moindre enfant de Dieu, l’effroi à l’idée de trahir Dieu. On ne peut s’empêcher de se demander : pourquoi tant d’abus et de violences sexuelles dans l’Église catholique ? Peut-être parce que nous nous efforçons d’y vivre des relations denses. Nous ne nous contentons pas de nous tenir à distance les uns des autres, nous aspirons à vivre des relations de fraternité les uns à l’égard des autres. Grâce à la CIASE, nous constatons et c’est un constant effrayant, que les relations fortes, les relations structurantes de l’humanité peuvent toujours être perverties et le sont dans une proportion que nul ne peut dire négligeable. Le mal est toujours plus proche de nos âmes qu’il y paraît. Nous devons donc redoubler de vigilance, être lucides, ne pas nous laisser tromper par les mots que nous employons. Il me semble en particulier que la métaphore de la paternité devrait être scrutée sous tous les angles, car il y a une paternité incestueuse, même symboliquement, qu’il faut rejeter avec horreur. Le défi du temps à venir est précisément celui-ci: comment continuer à vivre des relations fortes, denses, comment ne pas y renoncer tout en étant prudent à l’égard de soi-même et des autres, tout en étant sans compromission avec toute atteinte à l’intégrité et aux droits de chacun. La paternité spirituelle est une immense chose, mais elle ne se décrète pas, elle se constate après coup, dans ses effets fortifiants et libérateurs, car la vraie paternité ne saurait jamais consister à ce que l’un fasse de l’autre sa chose ou le traite comme tel ni à ce que l’un maintienne l’autre en étant de minorité, tandis que la juste fonction paternelle conduit nécessairement à l’âge adulte et à l’émancipation.

L’ensemble des résolutions que nous avons votées constitue un vaste programme de renouvellement de nos pratiques de gouvernance à l’échelle des diocèses et à l’échelle de l’Église en France. Nous transmettrons au Saint-Père, après les avoir retravaillées un peu, les recommandations de la CIASE qui concernent l’Église universelle. Nous avons décidé ensemble de demander au Pape, puisque nous sommes nommés par lui, de venir à notre aide, en envoyant quelqu’un en qui il a confiance examiner avec nous la manière dont nous avons traité et traitons les personnes victimes et leurs agresseurs. Nous avons décidé la constitution d’une série de groupes de travail chargés de réfléchir à des aspects différents de notre gouvernance diocésaine ou nationale et de nous faire des propositions. Ces groupes seront pilotés par une personne laïque, composés de membres du peuple de Dieu de différents états de vie. Sous la stimulation d’un coordinateur, ils établiront leur agenda et rendront compte de leurs travaux en amont des assemblées plénières.

Nous nous réjouissons de pouvoir avancer dans ce grand travail de manière synodale, en faisant confiance au sens de la foi, le fameux sensus fidei, des fidèles laïcs, prêtres et diacres, consacrées et consacrés. Il ne s’agit pas de faire avancer des idées, de réaliser un programme, mais de discerner ensemble, après avoir écouté ensemble ce que Dieu nous dit, après nous être écoutés mutuellement patiemment et en acceptant que toutes les expressions comptent. Il nous faudra veiller, dans les groupes de travail que nous appelons à se constituer, à ce que la voix des pauvres, des jeunes, des personnes en activité, des enfants même, nous a-t-on rappelé, puisse être entendue. Ces groupes de travail sont chargés de préparer les décisions qui seront adoptées, chacune selon sa nature, selon des échéances différentes de court, moyen ou long terme, peut-être après des expérimentations qu’il faudra évaluer.

Nous, évêques, avons beaucoup à gagner à être aidés dans notre manière d’accompagner les prêtres de nos diocèses et les diacres aussi. Nous le faisons trop souvent avec l’aide précieuse de notre vicaire général, et de quelques autres prêtres. Croiser des regards différents, recevoir l’apport d’un regard féminin, chercher les moyens de consulter le peuple de Dieu, tout ceci nous semble plein de promesses pour progresser dans la bienveillance mutuelle, pour grandir dans l’attention à chacun dans toutes les dimensions de son être. Le but est que chaque prêtre soit entouré par l’amitié exigeante mais réelle des fidèles auxquels il est envoyé. Il n’est pas question d’entretenir une culture de la suspicion, mais il est urgent d’enraciner en nous tous la capacité à nous dire clairement ce que nous avons à dire et à nous entraider pour répondre à l’appel reçu. L’enseignement catholique nous a montré que la culture de l’évaluation dont vivent désormais nos sociétés occidentales pouvait sans doute générer des procédures épuisantes, mais qu’elle offrait aussi de belles opportunités de mieux se connaître et de progresser. L’entrée en vigueur progressive, à mesure que les livres seront disponibles, de la nouvelle traduction du missel nous offre à tous, prêtres, diacres et laïcs, une belle opportunité de redécouvrir le sens de ce que nous célébrons et de nous y ajuster non pas seulement dans les rites mais dans notre vie, nos pensées et nos actions. Les évêques remercient chaleureusement celles et ceux qui ont porté ce grand travail.

Beaucoup de nos invités nous ont dit avoir découvert la charge qui pèse sur nos épaules et dont nous portons une partie seuls ou assez seuls. Nous avons reçu d’eux des propositions d’aide. Le temps que nous avons vécu ensemble nous a convaincus que nous pouvions apprendre à partager la construction des décisions pour un meilleur service du peuple de Dieu. Il y aura toujours à décider, mais il y a aussi à déléguer et plus encore à se laisser conseiller en vérité, à craindre même les décisions que l’on prend seul pour aller plus vite ou parce que l’on se sent pressé par l’urgence.

L’Église catholique est tout entière lancée dans un processus synodal. Il démarre doucement et inégalement selon l’intérêt et l’énergie de tel fidèle ou de tel prêtre ou diacre. Qu’il démarre au moment où notre Église de France reçoit le choc du rapport de la CIASE et est obligée de regarder sa face sombre nous paraît providentiel. La miséricorde de Dieu met à nu ce qui fait notre honte mais pour nous permettre d’en être libérés et soignés, peut-être un jour guéris, et elle nous indique un chemin de relèvement. Les groupes de travail que nous allons constituer veulent être une expérience de synodalité. Nous souhaitons en élargir l’assise. Nous invitons aussi les équipes synodales qui se sont constituées ou qui se constitueront encore à s’emparer des sujets pour lesquels nous constituons des groupes de travail et à partager à ceux-ci leurs réflexions. Le va-et-vient entre les groupes locaux et les groupes de travail nationaux devrait susciter de la vitalité et de la créativité. Le processus synodal sera scandé par l’assemblée plénière de mars et par la session extraordinaire de juin qui nous permettra d’exercer notre discernement d’évêques afin d’envoyer notre contribution nationale au conseil des Conférences épiscopales d’Europe d’ici le 15 août. Mais le travail continuera pour nous jusqu’au printemps 2023 où un événement synodal sera organisé pour évaluer ce qui a été acquis, transformer ce qui doit l’être en décisions, décider d’un discernement à poursuivre. Chaque diocèse avancera aussi à son rythme et pourra lancer les rénovations et les expérimentations dont il se sent capables.

Tous, nous poursuivons notre transformation pastorale. Nos Églises particulières apprennent à vivre avec moins de prêtres, des prêtres avec qui nous avons à découvrir comment mieux accomplir l’œuvre pour laquelle le Dieu vivant nous a appelés. Nous nous entraidons, en Province et lors de nos assemblées, à imaginer d’autres dispositifs pastoraux que ceux dont nous vivons, pour que l’immense grâce du sacerdoce ministériel, l’immense cadeau que Dieu fait à son peuple en chaque prêtre et chaque diacre, puisse porter le plus de fruits de grâce et d’espérance qu’il est possible. Nous disons de tout cœur notre amitié fraternelle aux prêtres de nos diocèses. La phase nouvelle de l’histoire de notre Église où nous entrons devrait être une belle aventure. Nous suivons ensemble le chemin du Seigneur, lui qui, de condition divine, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu » (Ph 2, 6) et nous savons, nous, que ce chemin conduit de la mort à la vie, de la dispersion à l’unité dans la communion.

Cette assemblée nous a permis aussi de recueillir les fruits des ateliers que les évêques ont tenus à plusieurs provinces en septembre et octobre pour faire le point sur l’organisation de notre Conférence et imaginer des moyens de renouvellement. Les facilitateurs de Nexus nous ont aidés dans ce travail, ils nous en ont donné une restitution. Quelques pistes se dégagent : renforcer le rôle des Provinces, travailler à tous les niveaux plus synodalement, simplifier nos structures. Un progrès semble possible et nécessaire dans l’articulation entre le conseil permanent et l’ensemble des évêques et dans la fluidité entre le conseil permanent, les conseils et commissions et les services. Nous ne sommes pas au bout du chemin, mais un chemin est possible et il a été balisé. Il nous reste à le parcourir étape par étape. Le processus synodal engagé nous y aidera.

La vérité de l’Église, de l’Église de Jésus, nous avons à la chercher dans une écoute renouvelée des pauvres et des petits, de celles et ceux qui sont les victimes ou les laissés pour compte de notre vie collective. Pour nous, aujourd’hui, nous avons à écouter avec attention les personnes victimes dans notre Eglise et de notre Église. Nos invités nous ont fait entendre samedi matin que nous n’avions pas à nous réjouir si nos cellules d’écoute ne recevaient plus d’appels mais plutôt à chercher à améliorer nos capacités d’attention. Alors, nous pourrons écouter les personnes en précarité et les pauvres dans leur diversité. Nous saurons le faire avec l’infinie attention due à la parole de chacune et de chacun au cœur de qui Dieu parle, avec l’infini respect dû à toute conscience. Alors, notre Église en France pourra davantage se consacrer à l’annonce de la Parole de Dieu, à la méditation de cette Parole, à la mise en œuvre de ce que cette méditation suscitera en nous. Car Dieu parle, il promet, il appelle, il se donne à connaître, il invite chacune et chacun à se laisser aimer tel qu’il est, à ne pas se vivre comme assigné à son sort mais à se découvrir capable de faire de lui-même ou d’elle-même un don pour les autres.

Notre assemblée s’est tenue en même temps que la COP 26 avait lieu à Glasgow. Certains observateurs trouveront sans doute que notre temps « Clameur de la terre, clameur des pauvres » ne nous a pas apporté de grandes lumières sur la crise écologique et la transformation nécessaire. En réalité, nous en tirons une conviction redoublée : toute décision devrait partir de l’écoute des plus pauvres et de leurs besoins, de leur sagesse aussi. Le pape François le dit et le répète. Il nous reste à en vivre nous-mêmes. Nos sociétés d’abondance et de surabondance ne cessent pas d’exacerber les désirs alors qu’il est urgent que nous apprenions tous à nous émerveiller du beaucoup qui nous est donné dans un petit peu. De nouveau, la veuve du Temple nous éclaire. Nous pensons à tant de personnes souffrant d’éco-anxiété, à tant de jeunes dont on nous dit qu’ils ne peuvent se projeter dans l’avenir tant la transformation écologique leur paraît à la fois proche et imprévisible.

Le drame des personnes migrantes qui se trouvent dans notre pays sans trouver comment s’y établir ne cesse de se répéter. A Briançon comme à Calais, des chrétiens se sont inquiétés, les évêques ont fait part de leurs inquiétudes et de leur indignation. Notre pays n’en finit pas de se débattre avec ce fait historique massif. Puissions-nous, nous catholiques, être de celles et de ceux qui ne réagissent pas par la peur, mais cherchent les voies de la fraternité. Il y va de l’histoire de l’humanité.

Je voudrais encore, excusez-moi, mentionner deux pays parce qu’ils sont proches du nôtre et de notre Église et parce que leur population à l’un comme à l’autre depuis quelques mois perd l’espoir. Il s’agit du Liban et d’Haïti. Avec les vice-présidents, nous envisageons de nous rendre en visite au Liban après Pâques. Plusieurs diocèses ont des liens étroits avec des diocèses libanais, L’œuvre d’Orient et d’autres œuvres y apportent une aide appréciée. L’ambassadeur du Liban en France a tenu à nous en remercier. Il est douloureux de constater que ce peuple si vivant, si entreprenant, ne croit plus guère en son avenir. Ce que nous ferons pour que les écoles et les universités y restent ouvertes et pour que les soignants y demeurent sera utile pour l’avenir. Quant à Haïti, ses liens avec notre pays sont pleins de douleurs. La mémoire de l’esclavage mériterait de notre part un examen de conscience. C’est la croix et ce sera la gloire de notre époque que de regarder sans illusion les relations entre les humains. Mais ce matin, en votre nom, je voudrais adresser un salut fraternel aux évêques d’Haïti et les assurer de notre prière pour qu’ils soient les pasteurs dont ce pays a besoin. Nous savons la présence de nombreux fidèles et prêtres haïtiens en métropole, en Guyane et aux Antilles. Tant le Liban qu’Haïti sont des signaux intenses de la situation réelle de notre humanité.

Notre assemblée, chers amis, qui m’écoutez en ce jour, a été dense. A vrai dire, nous avons vécu trois ou quatre assemblées en une seule. Nous devons des remerciements redoublés au personnel des sanctuaires de Lourdes. Mgr Antoine Hérouard saura s’en faire le relais. Tant lors des célébrations que lors des repas, à 150, à 300 ou à 400, tout le monde a été accueilli et servi avec sourire et promptitude. Nous le vérifions chaque année, mais cette année, nous avons mis nos équipes devant un intense défi et elles l’ont relevé sans se plaindre, sans tensions, avec des encouragements à notre égard ! Cette assemblée doit énormément aux collaboratrices et collaborateurs du secrétariat général et aux bénévoles qui les ont rejoints et encore à l’équipe sessions et événements venue de Paris mais renforcée ici par des bénévoles à la fidélité sans faille qu’anime avec efficace et sourire Julien Kraemer. J’ai eu l’honneur d’assister à la remise par le Nonce à M. Henri de Watrigant, coordinateurs des chauffeurs, de la médaille pontificale Benemerenti. Anne-Cyria et Sylvie-Violaine et beaucoup d’autres méritent des remerciements nourris. Nous bénéficions de la présence discrète et du travail efficace de Laurence Vitoux qui travaille au livre blanc de nos assemblées. Je voudrais saluer encore de votre part les directeurs des services nationaux qui nous ont, notamment, aidés pour accueillir nos invités de vendredi et samedi et recueillir les fruits de leurs échanges, et avec ces directeurs nationaux, toutes celles et tous ceux qui travaillent avenue de Breteuil. Permettez-moi de remercier notre directrice de la communication, Karine Dalle, l’ensemble de son équipe et ceux dont elle a sollicité l’aide pour le travail accompli en cette assemblée. Nous avons pu la vivre en toute liberté d’esprit tout en tenant les médias informés de nos réflexions et décisions. J’exprime une gratitude toute spéciale à notre porte-parole, le P. Hugues de Woillemont, et aussi à Mgr Luc Crépy et à Mgr François Touvet qui ont assuré chaque jour les points presse prévus. Tous, évêques, nous avons admiré l’abnégation et l’efficacité du secrétaire général et des secrétaires généraux adjoints. Les livrets liturgiques qui ont soutenu notre prière commune ont été un indicateur de la qualité de la préparation de notre assemblée. Le chemin que nous avons parcouru n’aurait pas été possible sans l’engagement de Mme Ségolaine Moog, dans la relation avec les personnes victimes et avec nous. Nous ne saurons jamais la remercier assez.

Pour notre part, nous rentrons dans nos diocèses sans doute fatigués par cette session pleine d’émotions, de douleurs, d’inquiétudes, de fraternité, d’intenses moments de partage. Nous rentrons libérés, je crois, et pleins de l’humble vertu de l’espérance. Avant que nous nous quittions, je vous propose de regarder un moment ensemble encore l’enfant qui pleure, l’imbroglio de sa vie, et d’y reconnaître notre frère et aussi notre Seigneur.

                                                   Je vous remercie,

                                                                                                       + Éric de Moulins-Beaufort