Le Bon pasteur, sarcophage, IV° siècle.

Dimanche 25 avril

 

Chers frères et sœurs,  

Toute cette semaine, nous avons entendu Jésus nous dire dans l’Evangile de Jean : « Je suis le pain de vie » ; aujourd’hui nous entendons Jésus nous dire « Je suis le Bon Pasteur ». C’est parce qu’il est le Fils de Dieu qu’il peut dire « Je suis » ; c’est ainsi que Dieu se définit pour Moïse devant le Buisson ardent qui brûle sans se consumer. Il y a un lien profond entre le discours sur le pain de vie et celui sur le Bon Pasteur : « Jésus, le Verbe de Dieu incarné, n’est pas seulement le pasteur, mais il est aussi la nourriture, le vrai "pâturage". Il donne la vie en se donnant lui-même, lui qui est la vie » (Benoît XVI, Jésus p. 306). « Le vrai berger donne sa vie pour ses brebis » (Jn 10,11). Jésus se fait nourriture pour les siens : c’est le repas de l’eucharistie où le Pasteur se fait agneau livré pour notre vie. 

Cette belle image du Bon Pasteur (Jn 10,11-18) où Jésus nous parle de lui-même nous va droit au cœur : elle nous dit une intimité réciproque entre le berger et ses brebis, entre Jésus et chacun de nous. Jésus est celui qui nous connaît plus que nous-mêmes ; ce troupeau n’est pas pour le Bon Pasteur une masse informe. Chacun de nous est unique aux yeux de Dieu. 

« Le Bon Pasteur — Jésus — est attentif à chacun de nous, il nous cherche et nous aime, en nous adressant sa parole, en connaissant en profondeur notre cœur, nos désirs et nos espérances, ainsi que nos échecs et nos déceptions. Il nous accueille et nous aime comme nous sommes, avec nos qualités et nos défauts » » (Pape François, 12/5/2019). 

Jésus nous guide avec amour, nous conduit, et parfois nous porte sur nos sentiers abrupts ; et dans nos impasses, il vient rechercher la brebis égarée pour la prendre avec affection sur ses épaules Il veille sur celles qui sont faibles. Et il cherche à faire entrer toutes ses brebis dans l’intimité aimante de son Père. 

Par quatre fois, Jésus insiste sur son amour donné librement, sans condition : « Le vrai berger donne sa vie pour ses brebis » (versets 11-15-17-18). Avec un tel Pasteur plein de tendresse pour nous, nous pouvons avancer avec une totale confiance ! Il ne nous abandonnera jamais et veille sur chacun de nous. Jésus ne marchande pas avec nous, il ne met aucune pression, ni séduction ; son amour nous est totalement acquis, quoiqu’il arrive. Ce sont seulement les « bergers mercenaires » (aujourd’hui on dirait des « manipulateurs ») qui ne cherchent que leur intérêt et non celui de leurs brebis. 

Et bien sûr notre réponse à l’amour de ce Bon Pasteur ne peut être que de totale confiance et d’abandon entre ses mains : « Elles écoutent ma voix » (Jn 10,3), « Ecouter et reconnaître sa voix, en effet, implique une intimité avec Lui… Cette intimité avec Jésus, ce fait d’être ouvert, de parler avec Jésus, renforce en nous le désir de le suivre » (Pape François, id). 

Si nous voulons vraiment répondre à l’amour du Bon Pasteur, nous devons chercher à lui ressembler. Chacun de nous, à un moment ou un autre est le berger d’un ou de plusieurs autres (familles, amis, proches…) : alors il nous faut entrer dans la manière dont le Christ est le vrai Pasteur : il nous faut veiller sur les autres, particulièrement le plus faible, révéler la beauté de l’autre, le mettre en valeur, écouter vraiment, sans chercher son propre intérêt… 

Cette intimité n’est pas réservée à « un troupeau d’élite » : « J’ai encore d’autres brebis, qui ne sont pas de cet enclos : celles-là aussi, il faut que je les conduise. Elles écouteront ma voix » (Jn 10,16). Nous ne pouvons pas aimer les autres si nous ne portons pas comme Jésus en notre cœur l’amour de tous. C’est ainsi que nous sommes vraiment nés de Dieu : « Celui qui aime est né de Dieu » (1 Jn 4,7). 

Priez aussi pour ceux qui sont vos Pasteurs au nom de Jésus, pour qu’ils soient de bons bergers pour ceux et celles qui leur sont confiés. Prions pour les vocations !


Samedi 24 avril

 

Chers frères et sœurs,  

Les disciples sont mis devant un choix de vie, et par conséquent nous-mêmes aussi ; personne ne peut échapper à cette décision de la foi : les Paroles de Jésus sont-elles « trop rudes » pour que nous les écoutions ? Ou bien au contraire sont-elles les « Paroles de la vie éternelle » ? 

Les Paroles de Jésus font parfois face à une opposition ou une incompréhension ; on y est plus habitué de la part des juifs fervents et stricts que de la part des proches de Jésus : « Beaucoup de ses disciples, qui avaient entendu, déclarèrent :« Cette parole est rude ! Qui peut l’entendre ? » (Jn 6,60). Sans doute voudrait-on parfois que Jésus adoucisse certaines de ses Paroles qui nous paraissent un peu raides. Cela me fait penser à la parole d’un prêtre à propos des Evangiles, qui disait que Jésus nous propose d’être « le sel de la terre » et non pas le sucre ! 

Ce ne sont pas quelques-uns seulement, mais beaucoup qui sont choqués par ses Paroles et se dérobent ! Pourquoi donc ? C’est sans doute l’annonce de sa vie livrée qui ne peut pas être acceptée par les disciples toujours en attente d’un Messie puissant. Ce qui provoque ces départs ce sont ses mots qui évoquent sa chair offerte et son sang répandu. « Cela vous scandalise ? Et quand vous verrez le Fils de l’homme monter là où il était auparavant ? » (v.62) La foi conduit l’homme à la croix. L’eucharistie par laquelle le Christ vient vers chaque homme et se donne à lui, est liée au don sur la croix. 

Jésus invite à comprendre ses Paroles non pas matériellement, « selon la chair », mais dans la force de l’Esprit-Saint : « C’est l’Esprit qui fait vivre, la chair n’est capable de rien » (Jn 6,63). Et Jésus évoque, comme une perspective qui ouvre un avenir, son ascension : « Quand vous verrez le Fils de l’homme monter là où il était auparavant ! » (Jn 6,62). 

Jésus ne se lance pas dans des compromis, ni dans des pressions sentimentales, lui qui est « la vérité ». 

L’abandon de nombre de ses disciples fait comprendre la difficulté à accepter que le Christ donne sa vie et souffre sur la croix. « À partir de ce moment, beaucoup de ses disciples se retirent de derrière lui » (c’est la place des disciples qui suivent leur Maître) « et ils ne marchent plus avec lui » (Jn 6,66). 

On imagine quelle déception cela a pu représenter pour Jésus ! Tout homme est mis devant le mystère de sa liberté qui se ferme ou bien, au contraire, s’ouvre à l’amour du Christ. 

Est-ce pour autant l’échec de sa mission ? Les douze sont restés fidèles. Jésus pose son regard sur eux et les interroge : « Voulez-vous partir, vous aussi ? » (Verset 67). Jésus les convoque à leur liberté. Alors jaillit le cri de foi de Pierre qui a sans doute grandi dans la foi, même s’il n’est pas sûr que les douze aient bien compris les Paroles de Jésus sur le Pain de vie ; ils comprendront plus tard ; Pierre a foi dans l’impossible : « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. Quant à nous, nous croyons, et nous savons que tu es le Saint de Dieu » (Jn 6,68). 

Que ces magnifiques paroles de confiance de Pierre résonnent en nos cœurs en action de grâces ! 

 

 

Vendredi 23 avril

Chers frères et sœurs,  

Dans ce long discours de Jésus sur le Pain de vie, Saint Jean nous fait entrer sans cesse plus profond dans le mystère de l’eucharistie ; prenez votre Souffle, celui de l’Esprit, car nous allons atteindre des sommets : Voilà là où nous en étions hier : « Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement » (Jn 6,51) : Il n’y a pas d’eucharistie sans résurrection ; il n’y a pas d’eucharistie sans incarnation. Jésus vient de parler de « donner sa chair ». 

Et l’on peut comprendre l’indignation de ceux qui restent « terrestres » et qui s’attachent seulement à la matérialité des mots ; Les auditeurs de Jésus sont scandalisés parce qu’ils comprennent uniquement le sens physique de ses Paroles, et non leur sens spirituel : « Comment celui-là peut-il nous donner sa chair à manger ? » (Jn 6,52). Ils comprennent la chair mais sans le don de la résurrection : Jésus prônerait-t-il donc l’anthropophagie ? 

« Manger la chair » (expression qui revient 7 fois : versets 6,51,53,54,56,57,58), « boire son sang » (versets 53-54) : sans le don de l’amour, voilà qui peut choquer ! D’autant que plusieurs fois Jésus utilise un mot grec, très réaliste, et qui peut choquer, qui dit « croquer, mâcher » ; c’est un peu comme s’il disait « celui qui me croque, vivra lui aussi par moi » (v.57) … On comprend mieux que cela puisse faire scandale ! 

Jésus ne se laisse pas émouvoir et explique ce qu’il veut dire : « Ma chair est la vraie nourriture, et mon sang est la vraie boisson » (Jn 6,55). La chair dans la mentalité biblique, c’est le corps et la personne dans toutes ses dimensions. Jésus se donne tout entier par amour. C’est par sa Passion, par sa chair offerte sur la croix, par son sang répandu que Jésus deviendra pain de vie. Seule la foi peut comprendre cela. 

Voilà bien la différence absolue avec la Manne : celle-ci ne donnait pas la vie ; ceux qui l’ont mangé sont morts ; le pain descendu du ciel, lui, fait vivre pour l’éternité : « celui qui me mange, lui aussi vivra par moi » (Jn 6,57). Il y a la même communion de vie entre Jésus est ses disciples qu’entre le Fils et son Père. 

Et revoilà le tambour qui annonce encore une phrase essentielle (Amen, Amen…) : « Amen, amen, je vous le dis : si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme, et si vous ne buvez pas son sang, vous n’avez pas la vie en vous » (Jn 6,53). Communier au don du Christ nous rend partie prenante de son amour : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis » (Jn 15,13).  

L’eucharistie nous fait devenir « amour » pour les autres, avec le Christ, nous fait « demeurer dans son amour » (verset 56) : nous devenons à notre tour « pain vivant » pour nos frères. Dans l’eucharistie, c’est le Christ qui nous transforme en lui. 

L’eucharistie « rassasie notre faim de Dieu », disait le saint pape Jean-Paul II (Reste avec nous 19). 

 

Quelle grâce ce pain de vie où Jésus se donne ! 

 

 

 

Jeudi 22 avril

 

Chers frères et sœurs,  

Le découpage liturgique, et c’est dommage, a enlevé les récriminations contre Jésus, les questions et objections que se posent ses auditeurs : Jésus est le fils de Joseph, comment peut-il prétendre descendre du ciel, c’est-à-dire de Dieu ? C’est bien le mystère de la naissance du « Verbe » en notre chair (Jn 1,14) qui est ici évoqué. Les Paroles de Jésus dépassent comme souvent ses interlocuteurs. 

Ces murmures rappellent ceux du peuple au désert contre Moïse et contre Dieu. Rien de nouveau donc ! Il est bien difficile d’accepter de voir au-delà du visible. « Ne récriminez pas entre vous » (Jn 6,43), leur dit Jésus. 

Jésus évoque ensuite le beau désir de son Père :« Personne ne peut venir à moi, si le Père qui m’a envoyé ne l’attire, et moi, je le ressusciterai au dernier jour » (Jn 6,44). La tendresse de Dieu est si grande qu’il veut nous « attirer » à lui par amour. L’être humain peut entendre en lui cet appel à vivre en plénitude que Dieu met en son cœur. Ce qui fait défaut aux foules qui l’écoutent, c’est de se laisser attirer par Dieu, c’est d’accepter le mystère de l’incarnation de Jésus, Dieu qui s’est fait chair. 

Jésus est bien le seul à pouvoir parler du Père puisqu’il vient d’auprès de lui : « Certes, personne n’a jamais vu le Père, sinon celui qui vient de Dieu : celui-là seul a vu le Père » (Jn 6,46). Toute la vie du Christ, ses actes, ses Paroles, sa miséricorde, nous parlent de son Père. 

Le Christ seul peut donner le pain de vie qui rassasie à jamais. 

Le verset 51 nous fait franchir un nouveau pas ; pour la troisième fois, Jésus répète : « Je Suis le pain de vie » : « Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour la vie du monde ». Jésus nous fait approcher de plus en plus de la beauté et la grandeur du mystère de l’eucharistie : « Ceci est mon corps donné pour vous » (Lc 22,19). Le don de sa vie est libre et total : « Je donne ma vie, pour la recevoir de nouveau. Nul ne peut me l’enlever : je la donne de moi-même » (Jn 10,18). Le pain qu’il nous donne, c’est son corps broyé et livré sur la croix. 

Voilà le vrai signe que Jésus nous montre : sa naissance en notre chair, sa vie vulnérable, sa vie donnée, sa vie livrée sans réserve… 

Le pain véritable est infiniment plus grand que la Manne, ce n’est pas seulement la Parole de Dieu dont nous devons nous nourrir ; le Pain de vie c’est le Christ lui-même. Lorsque Jésus fait le don visible de sa chair sur la croix, c’est aussi le don invisible qu’il nous fait de la vie divine. C’est au « monde », c’est-à-dire à l’humanité tout entière que ce pain de vie est destiné. 

Quel don immense le Christ nous fait dans ce pain de vie !


Mercredi 21 avril

Chers frères et sœurs,  

« Vous avez vu, et pourtant vous ne croyez pas » (Jn 6,36).  

J’entends de la tristesse dans ces mots de Jésus devant le peu de foi de ses contemporains à qui les signes qu’il accomplit ne suffisent pas pour entrer dans la foi. A travers les signes donnés, le signe de la multiplication des pains, la divinité de Jésus n’est pas comprise. Il n’est pas reconnu comme l’envoyé du Père. 

On peut penser à la déception de Dieu dans la Bible face à son peuple « à la tête dure », qui refuse de l’écouter, ou qui récrimine contre lui… On voit pointer avec discrétion la peine immense de celui dont l’amour n’est pas reconnu, dont la miséricorde n’est pas accueillie. 

Pourtant son amour reste intact : il continue inlassablement à œuvrer pour le salut, malgré les refus : « La volonté de Celui qui m’a envoyé : que je ne perde aucun de ceux qu’il m’a donnés ». Nous sommes et restons pour lui des dons du Père, même malgré nos rebuffades ! C’est une grâce à accueillir pour nous : chacun de nous est pour le Christ un don du Père ! 

Et l’unique but de Jésus est de conduire l’humanité auprès de son Père pour qu’elle puisse vivre de la vie éternelle. La volonté du Père embrasse toute l’histoire humaine du Salut préparé dès la création. 

Le regard des contemporains de Jésus est attiré surtout par le sensationnel que Jésus accomplit ; ils s’arrêtent à ce qu’ils voient, mais ils ne s’ouvrent pas à l’invisible. Il faudra attendre la résurrection pour que Thomas soit invité à aller au plus profond de la foi « Heureux celui qui croit sans avoir vu » (Jn 20,19). La foi est vraiment un don de Dieu. 

Comme ils s’enferment dans les réalités terrestres, ils ne peuvent pas comprendre les réalités d’En-Haut, celles de l’amour du Père pour le Fils et du Fils pour le Père. Voir est une démarche de foi chez Saint Jean. Une conversion du cœur est alors nécessaire pour ne plus être accaparés par les soucis des biens de ce monde : « Car là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur » (Mt 6,21). 

« Moi, je suis le pain de la vie. Celui qui vient à moi n’aura jamais faim ; celui qui croit en moi n’aura jamais soif » (Jn 6,35). Jésus vient combler nos faims les plus profondes. Il est venu pour nous donner la vie de Dieu : la volonté de Dieu est que l’homme soit vivant de la vie divine. Jésus est pour nous force de vie. La lumière pascale éclaire ces Paroles. 

« Donne-moi quelqu’un qui aime, il comprendra ce que je dis », disait Saint Augustin ; c’est sans doute ce qui manque à ceux qui écoutent Jésus. 

Seigneur donne-moi un cœur qui aime pour comprendre ton amour ! Augmente en nous la foi ! 

« Je suis sûr du Seigneur. Ton amour me fait danser de joie » (Ps 30,7-8).

 


Mardi 20 avril

Chers frères et sœurs,  

L’humanité a toujours eu besoin de signes pour croire, de merveilleux pour se rassurer. Alors même que les foules ont été témoins de la multiplication des pains, cela ne suffit pas à les faire entrer dans la foi…Elles en demandent toujours plus. Saint Thomas a de beaux jours devant lui ! 

C’est comme si la foule « faisait la fine bouche » et considérait le geste de Jésus comme très négligeable en comparaison du don de la Manne pendant la longue marche du désert. 

La Manne était un don de Dieu à son peuple qui récriminait contre lui, et cela dura pendant quarante ans : celle-ci tombait du ciel comme la rosée (Nb11,9). Mais la Manne ne donnait pas aux hommes la vie de Dieu. Qu’est-ce que la « petite multiplication des pains » d’un jour, à côté de ces quarante années… Jésus est-il « un petit bras » ? Ceux qui doutent de l’action de Dieu en Jésus ont juste oublié que le Père justement « a tout remis dans les mains de Jésus » (cf la méditation de jeudi dernier, Jn 3,34). Il agit donc avec la puissance même de Dieu. 

Jésus leur rappelle qu’il y a en lui bien plus grand que lors de la traversée du désert : Entre les deux récits, il y a le passage de la figure à la vérité. En effet, de la même façon que ce n’est pas Moïse qui a donné la Manne, mais le Père, c’est aussi le Père qui donne le pain véritable : « C’est mon Père qui vous donne le vrai pain venu du ciel. Car le pain de Dieu, c’est celui qui descend du ciel et qui donne la vie au monde » (Jn 6,32-33). 

Par sa venue en notre chair, par son incarnation, Jésus est le pain véritable ; il est la source de vie, non plus seulement pour le peuple de Dieu, mais pour le monde, donc pour tous les hommes. Jésus se donne comme source pour le bonheur sans fin de l’humanité. « Moi, Je suis le pain de la vie. Celui qui vient à moi n’aura jamais faim ; celui qui croit en moi n’aura jamais soif » (Jn 6,34-35). Il ne faut pas seulement considérer le don, mais remonter à la source du don. 

Quand nous entendons « Je suis », nous savons que Jésus parle comme Fils de Dieu. 

Mais là encore revient le côté terre à terre des pauvres êtres humains « un peu balourds » que nous sommes (je devrais dire que je suis pour ne pas vous froisser !) : « Ils lui dirent alors : « Seigneur, donne-nous toujours de ce pain-là » (verset 34) ; Un bon morceau de pain tous les jours serait suffisant pour nous satisfaire et assurer une sécurité alimentaire ! Si Jésus pouvait faire cela pour nous, ce serait un grand bien pour l’humanité affamée, plus utile que ce « pain de vie » ! On se rappelle que la Samaritaine avait une réaction similaire, lorsque Jésus lui parle de l’eau qui enlève toute soif : « Seigneur, donne-moi de cette eau, que je n’aie plus soif, et que je n’aie plus à venir ici pour puiser. » (Jn 4,15). 

Saint Etienne vit cette communion profonde à son Seigneur ; sa foi est ardente : « Voici que je contemple les cieux ouverts et le Fils de l’homme debout à la droite de Dieu » (Ac 7,56). Nourri de celui qui est le pain de vie, il s’identifie pleinement au Christ jusque dans sa mort : comme lui, il pardonne à ceux qui le lapident. 

Avec un vrai désir de communier vraiment à l’amour de Jésus, redisons : « Seigneur donne-nous de ce pain » toujours.


Lundi 19 avril

 

Chers frères et sœurs,  

La foule a vu la multiplication des pains, mais a-t-elle changé de regard sur Jésus ? Elle continue à le chercher à Capharnaüm ; ce n’est pas forcément sa personne qui les intéresse, mais bien plutôt ses actions éclatantes. Jésus n’est plus regardé comme le futur Roi, mais comme un rabbi, un Maître. Ils ne le suivent plus à cause des guérisons, mais en raison des pains multipliés. C’est juste une raison de plus d’être attiré par le sensationnel : après les guérisons, le miracle des pains. La foule s’étonne de voir Jésus avec ses disciples et ne comprend pas comment il est arrivé jusque-là sans monter dans une barque. 

Pour autant la recherche de la foule reste très terre à terre ; la faim rassasiée par Jésus revient très vite ! Et le désir que se renouvelle cette multiplication des pains aussi. Jésus dénonce ce désir imparfait, parce qu’il connaît le cœur des hommes. 

Jésus comme toujours invite à porter plus haut et plus grand son désir : le pain qu’il a donné aux foules est le signe d’une autre nourriture ; et celle-ci rassasie vraiment : « Travaillez non pas pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui demeure jusque dans la vie éternelle » (Jn 6,27). Cela rappelle « l’eau vive » promise à la Samaritaine : « L’eau que je donnerai deviendra en lui une source d’eau jaillissant pour la vie éternelle » (Jn 4,14). Jésus ne cesse pas de vouloir aiguiser notre désir : « Cherchez le Royaume et sa justice, le reste vous sera donné par surcroît » Mt 6,33. 

Evidemment la question de ceux à qui s’adresse Jésus porte sur ce « travail », ce qu'il faut faire pour trouver cette nourriture miraculeuse : « Que devons-nous faire pour travailler aux œuvres de Dieu ? » (Jn 6,28). Le dialogue reste à ras de terre pour eux il s'agit de faire et non pas d'accueillir. 

Ce n’est plus un travail sur la matière, le pain, la semence ou autre, que Jésus propose, mais un accueil qui ouvre sur le désir de vivre ; et celui-ci ne s’arrête pas sur le matériel, ni sur le sensationnel, car cette recherche reste éphémère et ne rassasie pas vraiment. Il ne s’agit donc pas de « faire », même pour Dieu, mais d’accueillir dans la foi l’action de Dieu : il s’agit de « croire en celui que le Père a envoyé » (verset 29). C’est comme un enfantement à la vie de Dieu pour reprendre ce que Jésus dit à Nicodème. 

Croire est le plus grand de l’homme ; c’est l’engagement de toute notre personne envers le Seigneur ; faire l’œuvre de Dieu, c’est naître à la vie même de Dieu ; c’est cela qui est source d’une joie profonde : « Je vous dis cela pour que ma joie soit en vous » (Jn 15,11). Dieu a voulu l’homme pour ce grand désir, que rien de fini ne peut apaiser ; seuls son amour infini et la communion à la vie de celui que le Père a envoyé peuvent apaiser notre soif. Ce n’est pas l’homme qui monte vers Dieu à la force de ses petits (ou gros !) bras, mais c’est Dieu qui lui donne la vie véritable, le pain qui rassasie en vérité. 

Jésus invite à dépasser le désir du pain qui nourrit la vie présente ; et il veut conduire, pas après pas, à l’accueillir, lui qui donne le vrai pain : « Travaillez pour la nourriture qui demeure jusque dans la vie éternelle » (Jn 6,27). 

Mon saint patron, St Etienne, a accueilli pleinement cette vie de Dieu à laquelle il participe déjà par toute sa vie conformée au Christ : il est « rempli de la grâce et de la puissance de Dieu et accomplissait parmi le peuple des prodiges et des signes éclatants » (Ac 6,8). 

Puissions-nous toujours chercher Jésus avec un grand désir ; il vient combler nos faims et nos soifs les plus profondes !