L'annonce de Gabriel à Zacharie, Très riches heures du duc de Berry, XV° siècle

Le 20 décembre

Chers frères et sœurs,

L’Evangile nous parle de l’imprévu et de l’imprévisible… Dieu qui prend chair en une femme.  

Marie accueille en elle la présence de Dieu. C’est la « Révélation d’un mystère gardé depuis toujours dans le silence », ce mystère est maintenant donné à la connaissance de tous, comme nous le dit Paul.

Un envoyé, un ange, Gabriel dont le nom signifie : « Dieu est fort », s’adresse à une jeune fille ordinaire qui n’a rien de célèbre ni d’extraordinaire.

L’ange la salue de façon solennelle, manifestant qu’elle est habitée, on pourrait dire qu’elle est envahie par la grâce : « Réjouis-toi comblée de grâce » ; l’ange invite Marie à accueillir une joie immense et imprévisible … et il en rajoute : « Tu as trouvé grâce ». La grandeur de Marie, sa force intérieure ne lui viennent pas d’elle-même : elles sont un don de la grâce de Dieu qui la précède et l’accompagne. Marie est bouleversée par ce que l’ange dit d’elle, comme si elle trouvait que l’ange en faisait un peu trop pour la mettre en valeur. Sans doute aussi est-elle aussi émue par l’appel du Seigneur, et parce qu’elle veut savoir ce que Dieu attend d’elle.

Une atmosphère de paix, mais aussi de douceur, et de solennité entourent cette rencontre surnaturelle ; Marie ne semble pas particulièrement intimidée ; l’ange lui annonce ce qui l’attend. Cette jeune fille simple et humble ne se laisse pas impressionner devant l’impensable… « Tu vas concevoir et enfanter un fils… le Fils du Très-haut ».  

Toujours avec la même simplicité Marie questionne « comment cela est-il possible ? Je ne connais pas d’homme ». C’est comme si Marie disait : « Comment la volonté de Dieu va-t-elle s’accomplir alors que je n’ai pas les capacités requises ? ».

L’ange la renvoie à la puissance de l’Esprit-Saint. Marie doit de nouveau placer sa confiance en Dieu qui est maître de l’impossible. Si le Seigneur a permis qu’Elisabeth, sa cousine stérile, puisse porter un enfant dans sa vieillesse ; de la même façon il peut donner à une jeune fille vierge de porter un enfant.

Cela suffit à Marie pour qu’elle s’abandonne entre les mains de Dieu, malgré les multiples questions qu’elle devait porter, et ce chemin qui s’ouvre devant elle semé d’inconnus. Son oui est radical. Sa communion avec le Seigneur est totale et entière, sans retour, sans hésitation. Toutes ses énergies sont tournées vers cette promesse. Marie est totalement donnée au projet de Dieu ; elle laisse Dieu agir en elle. Une joie profonde traverse l’Evangile de ce jour ; joie de la grâce vécue, joie du oui donné en pleine liberté. Elle est joyeuse d’entrer dans le projet de Dieu pour elle et pour l’humanité : « Voici la servante du Seigneur, ma joie est de faire ta volonté ». Sans le oui de Marie, le consentement de l’humanité au désir de Dieu n’aurait pas pu avoir lieu…

C’est un peu l’inverse que David veut pour Dieu : il veut faire pour Dieu, bâtir pour lui une maison digne de ce Dieu qu’il aime ; mais Dieu lui redit que tout ce qu’il a lui a été donné par grâce.

Marie nous invite à nous laisser nous aussi envahir par l’amour de Dieu. Que nos oui au Seigneur soient plein de cette joie qui habite Marie !  


Père Etienne Maroteaux,
Curé de Sainte-Marguerite et Sainte-Pauline du Vésinet

Le 19 décembre

Chers frères et sœurs,

Les textes de ce jour nous préparent à l’incroyable du mystère de la naissance de Jésus le Fils de Dieu, en nous montrant Dieu comme le maître de l’impossible ; lui qui donne à des femmes stériles d’être fécondes : ainsi la maman de Samson, ainsi Elisabeth, la mère de Jean-Baptiste. La stérilité était vécue comme une humiliation, dans la société de l’époque ; comme le disait Anne, la maman stérile de Samuel dans sa prière adressée à Dieu : « Si tu veux bien regarder l’humiliation de ta servante, te souvenir de moi, ne pas m’oublier, et me donner un fils… » (1 Sam 1,11). Toutes ces bénédictions accordées par Dieu à ces femmes qui ne pouvaient pas avoir d’enfants prépare la maternité virginale de de Marie qui chante cela dans le Magnificat : « Il s’est penché sur son humble servante » (Lc 1,48).

Lors de l’Annonciation (ce qui fait le lien avec le texte de ce dimanche, Lc 1,36), l’ange Gabriel donne à Marie comme signe de la puissance de Dieu, la fécondité d’Elisabeth qui était restée stérile jusqu’à un âge avancé ; ce qui fera d’ailleurs douter Zacharie, qui est pourtant un homme juste, de la possibilité que Dieu lui accorde cette grâce. « Élisabeth, ta parente, a conçu, elle aussi, un fils et en est à son sixième mois, alors qu’on l’appelait la femme stérile. Car rien n’est impossible à Dieu. » (Lc 1,37).

Comme pour Marie qui est vierge, Dieu intervient pour Elisabeth la stérile, mettant fin à son « humiliation » : « Voilà ce que le Seigneur a fait pour moi, en ces jours où il a posé son regard pour effacer ce qui était ma honte devant les hommes. » (Lc 1,25).

Dieu seul peut faire qu’une femme reste vierge soit quand même mère, comme Dieu seul peut donner à la femme stérile d’avoir un enfant.

Tout commence avec un couple « modèle », qui vit main dans la main, malgré l'épreuve d'une stérilité sans issue. Leur vertu est reconnue, ils sont justes aux yeux de Dieu. L'amour fidèle porte toujours du fruit, puisqu'il est source de grâce, de cette grâce qui identifie à Dieu.

Ce qui pourrait être signe de disgrâce, la stérilité, ne les empêche pas d'être choisis par Dieu. Elisabeth et Zacharie prennent la suite de ces couples stériles de l'histoire sainte, dont Sarah et Abraham : « Espérant contre toute espérance Abraham a cru, et ainsi il est devenu le père d'une multitude de peuples » (Rm 4,3). Mystérieuse fécondité de la foi !

Dieu « prodigue sa miséricorde » à Zacharie et à Elisabeth ; c'est Dieu qui fait porter du fruit à nos vies, même dans ce qui nous apparaît le plus stérile, le plus inutile, même dans nos faiblesses... L'histoire de Jean-Baptiste est bien dans la continuité de la gratuité de Dieu qui est sans cesse nouvelle.

Les noms de cette histoire sainte sont déjà en eux-mêmes une prédication : Zacharie veut dire : « Dieu se souvient », Dieu n'est pas loin de nous, il reste fidèle ; Elisabeth : « Dieu est promesse », l'accomplissement de la promesse est pure grâce pour Elisabeth ; la promesse de Dieu ne cesse de s'accomplir dans nos vies ; Jean exprime que « Dieu fait grâce », sa naissance est une nouvelle étape du salut dans la surabondance de la grâce.

L’accueil de cette naissance inespérée donne toute sa force à la confiance en la parole de Dieu et en son amour.

Oui, soyons dans la joie : Dieu continue à faire grâce en nos vies !


Père Etienne Maroteaux,
Curé de Sainte-Marguerite et Sainte-Pauline du Vésinet

Le 18 décembre

Chers frères et sœurs,

La première phrase de l’Evangile de ce jour fait le lien avec la longue généalogie d’hier pour évoquer la place de Joseph dans le salut donné aux hommes en Jésus : « Voici comment fut engendré Jésus le Messie ». Il s’agit bien pour Matthieu d’expliquer la place de Joseph dans la transmission de la mission de Jésus comme Messie.

L’Evangile de ce jour nous place au seuil du mystère...

Le mystère est non pas ce que nous ne pourrons jamais comprendre, mais comme ce dont nous n'aurons jamais fini d'en approfondir la beauté, tellement il nous dépasse infiniment. Nous nous trouvons toujours balbutiants face à plein de réalités qui nous dépassent... C'est bien ainsi que Joseph accueille le mystère de l'amour de Dieu qui prend chair, en Marie.

Quel est le doute qui remplit Joseph avant d'habiter avec Marie ? Peut-on imaginer que celui-ci se demande si Marie est coupable d'adultère ? Comment imaginer que Marie n'aie pas mis au courant Joseph du mystère de l'Annonciation ? Ce serait une bien piètre idée de l'amour plein de respect qui anime le couple de Marie et de Joseph... Joseph ne peut pas soupçonner Marie dont il connaît la pureté du cœur et la totale fidélité à la volonté du Seigneur pour elle.  

« Joseph voulut rendre à la Vierge sa liberté non pas parce qu'il la soupçonnait d'adultère, mais par respect pour sa sainteté », disait St Thomas d’Aquin. Cette lecture est très traditionnelle chez les pères de l'Eglise.

Il s'agit donc d'autre chose que le soupçon qui est au cœur de Joseph à ce moment crucial... Il s'agit d'une hésitation sur ce qu'il doit faire. Joseph doit se demander : « Que dois-je faire face à cette situation pleine de mystère que vit Marie ?  Ne dois-je pas m’effacer ? ». Joseph est bouleversé par ce qui arrive pour Marie, il veut s'effacer avec respect et discrétion devant la grandeur du mystère de l'action de Dieu en Marie.  

Mystère pour Joseph, qui est le « juste » devant Dieu, c’est-à-dire celui qui cherche en tout à répondre totalement à la volonté de Dieu (Joseph est ajusté à l'amour de Dieu).

St Bernard compare l'attitude de Joseph face au mystère à l'effroi de Pierre devant la pêche miraculeuse, lorsqu'il prend conscience de son indignité face à la grandeur du Messie et qu'il dit à Jésus : « Eloigne-toi de moi, car je suis un homme pécheur » (Lc 5,8) : comme Pierre, dit-il, « Joseph est saisi de crainte devant le mystère » ; comme Moïse qui se déchausse devant le Buisson Ardent, qui brûle sans se consumer. Et comme tant d'autre qui ont été saisis de crainte devant la grandeur de Dieu (à commencer par les prophètes).

Le message de l'ange à Joseph est une invitation à accepter ce mystère sans crainte : Une phrase de l'Evangile devrait nous éclairer : « Ne crains pas ». ; le même appel plein de douceur que celui que l'ange Gabriel a adressé à Marie : « sois sans crainte ». Le risque est toujours de nous sentir indignes de la grâce de Dieu.

Joseph est celui par qui s'accomplit la promesse d'un Messie dans la descendance de David. : La volonté de Dieu est que cet enfant qui vient de l'Esprit-Saint ait Joseph comme père, puisque celui-ci est de la lignée de David.

Il accepte d’être un père pour Jésus, de l’accueillir, lui qui est le Fils de Dieu. Il entre dans le projet de Dieu sans le maîtriser, en le recevant comme un don. Il accepte un rôle modeste puisque Jésus n’est pas engendré par lui, mais par le Saint-Esprit. Il est celui qui par son humilité va préparer dans le silence le cœur de Jésus à manifester pour nous l’humilité et la douceur de Dieu.

Que Saint Joseph nous aide à entrer dans le mystère de la Nativité qui approche.

 

PS Prions pour notre évêque dont le pape a accepté la démission hier pour ses 75 ans, dans l’action de grâces pour sa mission sur notre diocèse !


Père Etienne Maroteaux,
Curé de Sainte-Marguerite et Sainte-Pauline du Vésinet

Le 17 décembre

Chers frères et sœurs,

Voilà un texte d’Evangile qui fait trembler tout lecteur de la Parole de Dieu, tant cette généalogie de Jésus nous apparaît répétitive, voire fastidieuse, avec en prime des noms imprononçables et guère connus ! Ce texte n’est pas moins une épreuve pour le prédicateur ! Les généalogistes contemporains s’y arracheraient les cheveux (Matthieu omet quelques rois impies, volontairement).

Ce texte de Matthieu est évidemment extrêmement construit, pour parler des « origines de Jésus-Christ, fils de David, fils d’Abraham » C’est comme s’il faisait défiler pour nous l’histoire d’amour que Dieu tisse avec l’humanité. Comme un refrain, par trente-neuf fois comme refrain le verbe « engendra » : trois fois quatorze générations pour faire la synthèse de l’Histoire Sainte, d’Abraham à Jésus. Certains noms sont très connus et honorés, d’autres inconnus et obscurs, ou parfois mêmes parfaitement indignes.

Toute l’histoire du salut est l’histoire de cette promesse faite à Abraham, le père du peuple élu, déployée en David, le Messie, et accomplie en Jésus-Christ (nous savons que Christ veut dire « Messie »).

L’intention de l’Evangéliste est bien sûr dans la première phrase qui professe la messianité de Jésus : il veut montrer que Jésus est bien le Messie attendu qui descend d’Abraham et de David. Toute la lignée de Jésus aboutit à Joseph. Ce dernier est né dans le peuple d’Israël et permet d’y enraciner le Fils de Dieu par sa paternité.

Evidemment il y a une rupture dans cette généalogie ; elle est comme brisée puisque Joseph n’est pas le père génétique de Jésus. Cette rupture est manifestée par le verbe qui change : « Jacob engendra Joseph, l’époux de Marie, de laquelle fut engendré Jésus, que l’on appelle Christ » (Mt 1,16). Matthieu évoque ici Marie, la mère de Jésus, sans laquelle rien ne serait possible ; il connaît la conception virginale de Jésus, qui constitue une difficulté pour rattacher à David la généalogie de Jésus. Il veut montrer que la mission de Jésus est bien messianique. Par la paternité de Joseph, Jésus sera intégré dans la lignée messianique d’Abraham et de David. Jésus sera héritier non par le sang mais par l’Alliance, car rien n’est impossible à Dieu.

La venue du Christ en notre chair, par cette lignée plus ou moins glorieuse, est l’unique événement à partir duquel toute l’histoire des hommes s’éclaire. Seuls quelques rois sont glorieux, les autres plus ou moins indignes…Quatre femmes sont citées dans cette lignée de Jésus, cela a une signification profonde : Thamar la cananéenne, Rahab, l’étrangère, prostituée, Ruth, une autre étrangère et enfin, la femme d’Urie, Bethsabée, femme illégitime de David. Sans ces femmes il y aurait eu discontinuité dans l’ascendance de Jésus. C’est leur foi dans des situations critiques qui est leur louange. Le Christ doit la vie à cette histoire sainte émaillée d’histoires cabossées ; Jésus ne naît pas dans une lignée « Bisounours » ! Sa venue est très incarnée dans une chair à la fois belle et abîmée. La volonté de salut de Dieu fait feu de tout bois, même le plus pourri…

L’histoire sainte est ce long fleuve « intranquille » que la naissance de Jésus vient renouveler de fond en comble. Rendons grâce pour notre Dieu qui transfigure notre humanité dans la naissance du Christ.

« Le ciel se réjouit, le monde est en fête, car le Seigneur vient » (Antienne d’ouverture de la messe de ce 17 décembre).



Père Etienne Maroteaux,
Curé de Sainte-Marguerite et Sainte-Pauline du Vésinet

Le 16 décembre

Chers frères et sœurs,

Jean-Baptiste est en prison, victime des contradictions intérieures d’Hérode ; ce dernier est à la fois fasciné par la personne du Baptiste, mais incapable de résister à la demande d’Hérodiade qui veut faire tomber sa tête. Jean-Baptiste a mis toute sa joie à conduire ses contemporains à Jésus, avec force et vigueur ; et sa vie de service se termine par l'obscurité de la prison, l'abandon. Il finit sa vie en étant identifié à Jésus jusque dans sa passion, vivant pleinement ce que Jésus dira : « le disciple n'est pas plus grand que son maître ».

Le prophète qui a attiré les foules nombreuses au Jourdain, n'est plus rien : tous ses disciples ont suivi Jésus ; il a accompli sa mission qui était de conduire à Jésus. Il semble même être abandonné par Dieu. Mis en prison, pour avoir témoigné de la vérité jusqu'au bout, il envoie des disciples à Jésus pour l'interroger ; il est en proie au doute, à ce que les auteurs spirituels appellent la nuit de la foi, où Dieu semble absent. Il s'interroge sur sa foi même ; ne s'est-il pas trompé en annonçant la venue du Messie en Jésus ? Il semble ne pas reconnaître celui qu’il annonçait comme un Messie puissant et vigoureux ; l’action bienfaisante, douce et humble de Jésus serviteur le déstabilise dans sa foi. « Es-tu celui qui vient ? » : C'est la question d'un homme qui ne sait plus ce qu'il doit penser, d'un homme en proie au doute intérieur : « Me serais-je trompé ? Tout ce que j'ai fait n'est-il pas vain ? ». Jésus est-il bien celui qui accomplit les promesses messianiques ?

C’est rassurant pour nous de voir que même les plus grands peuvent connaître comme chacun de nous des moments de doute dans leur foi.

La réponse de Jésus aux envoyés du Baptiste renvoie aux prophéties d’Isaïe (au chapitre 35) : c’est par sa puissance de guérison et par l’annonce de la Bonne Nouvelle aux pauvres que Jésus est le Messie attendu. Il est bien le Messie, mais pas comme un juge impitoyable, il est le Messie des petits et des pécheurs.

Jean-Baptiste, dans l'obscurité de la foi, est invité à relire les événements du point de vue de Dieu, il est renvoyé à la foi pure par Jésus qui lui fait confirmer que les signes qu'il accomplit sont ceux qui annoncent le Messie. Jésus donne des signes, mais jamais des preuves. Peut-être une des origines du désarroi de Jean-Baptiste vient de ce qu’il est en prison, alors que le Messie vient apporter la libération aux prisonniers…

La réponse de Jésus se termine par une béatitude un peu étrange, qui est en fait une béatitude de la foi : « Heureux celui qui ne trébuchera pas à cause de moi », c’est-à- dire :  heureux celui qui garde le cap de la foi, quelque soient les obstacles de sa vie. Le Baptiste ne doit pas trébucher dans sa foi, mais l’approfondir en accueillant les signes surabondants de la grâce.

« La foi n’est pas une lumière qui dissiperait toutes nos ténèbres, mais la lampe qui guide nos pas dans la nuit, et cela suffit pour le chemin... Dans le Christ, Dieu a voulu partager avec nous cette route et nous offrir son regard pour y voir la lumière » (Pape François, la Lumière de la foi, n°57).  

La foi n'est pas seulement le compagnon de vie des temps calmes, mais aussi l'ancre qui nous permet de traverser les tempêtes de la vie. Soyons confiants, dans le Christ, Dieu vient partager notre route.


Père Etienne Maroteaux,
Curé de Sainte-Marguerite et Sainte-Pauline du Vésinet

Le 15 décembre

Chers frères et sœurs,

Jésus aime bien nous parler des relations entre père et fils. Quoi d’étonnant, puisqu’il vit une relation intense de Fils en communion avec son Père des cieux ; il ne cesse pas d’inviter à devenir fils aimant de son Père. La parabole des deux fils devrait immédiatement nous rappeler une autre parabole, nettement plus connue, celle du fils prodigue (Lc 15).

Un père invite ses deux fils à travailler à sa vigne ; leurs réactions seront diamétralement opposées.

Le fils prodigue n’est pas sans ressemblance avec ce premier fils de l’Evangile de Matthieu : le Fils dans la parabole de Luc quitte sa famille, dilapide son bien, avant de revenir vers son Père qui l’accueille à bras ouverts ; dans l’Evangile de Matthieu, le fils, après une première réaction de refus, va changer de sentiment et finir par obéir à son Père.

Le second fils dans le texte de ce jour, a une réponse très solennelle, et presque trop : « Oui, Seigneur ! » ; un oui franc et massif qui ne sera pas suivi d’effet, puisque finalement il laisse tomber et ne répondra pas à l’appel paternel de travailler à sa vigne ; il ressemble au fils aîné dans Luc, trop sage et trop irréprochable, qui déclare qu’il est aux ordres de son Père et refuse de participer à la fête que son Père organise pour son frère retrouvé.

La réponse à la question que pose ensuite Jésus : « Lequel a fait la volonté du Père ?», apparaît presque trop simple.

Ailleurs Jésus dira : « Ce n’est pas en me disant : “Seigneur, Seigneur !” qu’on entrera dans le royaume des Cieux, mais c’est en faisant la volonté de mon Père qui est aux cieux » (Mt 7,21). Jésus parle souvent de cette opposition entre le dire et le faire : il invite à aller jusqu’à faire vraiment ce que nous disons, comme c’est toujours le cas pour le Père des cieux qui accomplit toujours ce qu’il dit.

La raison de cette parabole est dans l’explication qui suit : Jésus oppose deux attitudes très fréquentes : entre les « justes » ou qui se croient comme tels, et les pécheurs. Les soi-disant « justes » sont comme ce fils qui a dit oui à l’ordre du Père, sans y donner suite. Jésus rappelle qu’il est nécessaire de convertir notre façon de vivre ou de penser ; Jésus reproche aux grands prêtres de ne pas avoir su changer leur cœur à l’appel du Baptiste, contrairement aux pécheurs qui se sont rués autour de Jean-Baptiste pour recevoir le baptême du pardon : « Les publicains et les prostituées vous montrent le chemin ». Cet exemple des pécheurs n’a pas ému ceux qui se croient « justes ». C’est dans une conversion permanente du cœur que nous pouvons montrer le chemin du Christ.

C’est une invitation à l’humilité, et donc à l’humour sur-nous-mêmes parce que nous sommes imparfaits, et qu’il vaut mieux parfois en rire que s’en lamenter.

Ces paroles de Jésus consonnent avec les paroles du prophète Sophonie : « Je laisserai chez toi un peuple pauvre et petit ; il prendra pour abri le nom du Seigneur ». Nous sommes pauvres et petits sur le chemin que nous ouvre le Seigneur ; nous avons besoin de son amour.
Seigneur, nous désirons nous abriter en ton amour, même si c’est dans un tout petit coin de la crèche où tu seras accueilli !

Père Etienne Maroteaux,
Curé de Sainte-Marguerite et Sainte-Pauline du

Le 14 décembre

Chers frères et sœurs,

Je dois un peu être comme les enfants, j’aime beaucoup l’histoire si colorée de Balaam avec son ânesse qui montre une lucidité et une intelligence surnaturelle ; je ne sais donc pas qui a inventé le bonnet d’âne, certainement quelqu’un qui ne connaît pas bien la Bible ! L’âne au Moyen-Orient était le plus précieux de tous les animaux domestiques, celui qui rendait le plus de services ; c’est un âne qui portera Jésus lors de son entrée triomphale à Jérusalem lors des Rameaux.

Le roi païen Moabite, Balak, appelle à son secours Balaam, prophète et magicien, pour jeter un sort et maudire le peuple hébreu. Balaam est un personnage ambigu, traversé par des pulsions contradictoires ; Dieu lui défend de maudire Israël ; mais Balaam est gêné par la bienfaisance de Dieu pour son peuple.

Balaam est comme traversé à son corps défendant par le message de Dieu (Nb 22). La malédiction se change en bénédiction. Balaam la prononce malgré lui sous l’influence de Dieu. Le devin, monté sur une ânesse, se rend chez Balak ; mais, en chemin, l’ânesse, animal innocent et lucide, voit surgir un ange tenant une épée qui lui barre le chemin, malgré les coups répétés que lui donne son maître. La sagesse de Dieu s’exprime mystérieusement par cet animal qui tout à coup parle et reproche à son maître sa dureté. Dieu ouvre alors les yeux de Balaam ; devant Balak, il bénit, par trois fois, le peuple qu'il avait pour mission de maudire.

Toujours habité par l’Esprit de Dieu, ce païen prononce l’oracle de ce jour, annonçant un personnage mystérieux à venir : « Ce héros, je le vois - mais pas pour maintenant - ; je l'aperçois - mais pas de près : Un astre se lève, issu de Jacob, un sceptre se dresse, issu d'Israël. » ; pour nous, l’interprétation en est claire ; Balaam voit l’arrivée de Jésus ; la puissance de Dieu se fait reconnaître même par les païens (ce sera encore le cas pour les rois mages qui viendront adorer Jésus).

Dans l’Evangile de ce lundi, Jésus vient de chasser les marchands du Temple ; il est attristé par son peuple qui ne porte pas les fruits que Dieu attend (juste avant cette altercation se passe l’épisode du figuier desséché). Jésus dans le Temple fait face aux grands prêtres qui sont responsables de l’ordre établi. Ceux-ci lui demandent au nom de qui il agit : « Qui t’a donné cette autorité ? ». Jésus comme souvent déplace le débat, non pas parce qu’il refuse de répondre, mais pour amener à réfléchir. Il renvoie à l’itinéraire de Jean le Baptiste qui attirait les foules. Jésus répond par une question : Jean-Baptiste a-t-il baptisé parce qu’il agissait au nom du ciel ou des hommes. Les grands prêtres ont peur de la réaction de la foule s’ils répondent que le Baptiste n’agissait pas au nom de Dieu. Peut-être aussi ne veulent-ils pas reconnaître l’autorité de Jésus comme venant de Dieu. Ils se murent dans une dérobade. Jésus refuse d’aller plus loin dans le dialogue, qu’il cherchait pourtant, tant est grande sa déception.

Demandons la grâce d’accueillir de façon renouvelée la naissance du Christ en notre chair qui approche !



Père Etienne Maroteaux,
Curé de Sainte-Marguerite et Sainte-Pauline du Vésinet