Les tentations de Jésus en st Marc, Morette da Brescia, XVI° siècle

Dimanvhe 21 février

 

 

Chers frères et sœurs, 

Deux tout petits versets pour parler des Tentations de Jésus au désert…. L’Evangéliste Marc serait-il en mal d’inspiration ? « Aussitôt l’Esprit pousse Jésus au désert et, dans le désert, il resta quarante jours, tenté par Satan. Il vivait parmi les bêtes sauvages, et les anges le servaient ».  

Vous allez me dire que l’Evangéliste ne parle ni du jeûne, ni de la faim de Jésus ! Le récit des Tentations de Marc est le plus court, mais il n’est pas le moins pertinent. Je le trouve intéressant pour ces deux versets : « Il était avec les bêtes sauvages » « Les anges le servaient ». 

Il ne s’agit pas de vivre hors de notre condition humaine, en lévitation, comme Tintin au Tibet, ni dans l’angélisme. A chacun de nous d’occuper notre vraie place de bipède intelligent, « d’animal raisonnable », les pieds sur terre mais le regard levé vers le ciel. Le prologue de l’Evangile en Marc est à lire à la lumière de la Passion et de la résurrection. 

Jésus, dans la condition humaine qu’il assume avec nous, revit toutes les épreuves de l’humanité. La confrontation au Mal ne lui est pas épargnée. Et cela même s’il n’y a en lui aucune connivence avec le Mal ni avec le péché ou l’orgueil. Jésus est confronté aux tentations humaines : Ce sont les tentations de la force au désert ; la tentation de la faiblesse et de la peur à Gethsémani. 

C’est l’Esprit présent au baptême qui le conduit au désert, il le « jette dehors » dit Marc (verset 12 ; c’est un mot très fort ; utilisé pour les marchands du Temple : il les « chasse » en Mc 11,5, ou pour l’expulsion des démons en Mc 1,34). Face à l’homme et à la femme chassés de l’Eden, entrant dans un monde hostile, Jésus est le Nouvel Adam affrontant le Mal ; il amorce ainsi le retour à Dieu de l’humanité. 

Jésus va affronter Satan, l’Ennemi qui s’oppose au Règne de Dieu ; Satan n’a pas pouvoir sur Jésus parce celui-ci refuse tout ce qui est contraire à la volonté de Dieu. Cette épreuve révèle ce qu’il y a dans le cœur du Christ. Nouveau Moïse, il revit les tentations de son peuple au désert du Sinaï : « Souviens-toi des marches dans le désert afin de t’éprouver et de connaître le fond de ton cœur » ( Dt 8,1-6 ): Jésus triomphe dans la fidélité à la volonté du Père, là où le peuple a été infidèle à Dieu. 

- « Il était avec les bêtes sauvages » : 

Jésus a affronté les « bêtes sauvages » du désert et en a été vainqueur. Cette bête qui va amener Caïn à tuer son frère par jalousie est celle qui rode à sa porte : « Le péché n’est-il pas à ta porte comme une bête tapie qui te convoite et que tu dois dominer ». (Gn 4,7). 

Tout cela rappelle l’ambiguïté du monde animal capable du meilleur comme du pire. Souvent dans les récits bibliques des animaux aident l’homme : l’ânesse de Balaam qui parle et est plus clairvoyante que lui ; elle voit l’ange que Balaam ne voit pas et le sauve (Nb 22,21-35), les corbeaux ravitaillent Elie, le poisson sauve Jonas. 

La violence dans le règne animal est liée au désordre que le péché a introduit dans le monde, elle représente la révolte de la nature contre l’homme ; la création est fragile, notre temps nous le rappelle en permanence : « La création toute entière gémit dans l’attente du Salut » (Rm 8,22). C’est aussi ce que rappelle le récit de l’Alliance avec Noé, dans la première lecture de ce jour. L’arc ne ciel réunit le ciel et la terre dans une harmonie rétablie par Dieu. 

Parfois les animaux retrouvent par grâce cette paix des origines : ainsi les lions doux comme des agneaux face à Daniel ; en attendant la fin des temps où les animaux sauvages redeviendront pacifiques : le Messie vient réaliser la réconciliation de l’homme et du cosmos : « Le loup habitera avec l’agneau, la panthère se couchera avec le chevreau ; Le veau, le lionceau et la bête grasse se nourriront ensemble, conduits par un petit garçon… Le nourrisson s’amuse sur le trou du cobra » (Is 11,6). Ce qu’il y a d’animal en l’homme sera entièrement transformé.  

Jésus vainqueur du péché était avec les bêtes sauvages ; c’est le retour à l’harmonie première voulue par le Père lors de la création. La vraie paix est paix intérieure qui aide à être maître en soi des bêtes sauvages et à vivre dans la confiance en Dieu sans craindre le Mal : Jésus est victorieux des forces du mal à l’œuvre dans les Tentations.  

Jésus nous apprend à vivre avec nos bêtes sauvages, notre voracité (loi du plus fort, hyperconsommation, l’homme loup pour l’homme…), sans se laisser dévorer par elles.  

Etre humain c’est apprivoiser en nous le loup et entrer en conversation avec les anges, ces envoyés de Dieu. 

- « Les anges le servaient » :  

Les anges louent la puissance de Jésus qui pacifie le monde marqué et divisé par le mal. Jésus est servi par les anges parce qu’il réalise le désir de Dieu. « Dieu donnera des ordres à ses anges de te garder sur tes chemins ; sur leurs mains ils te porteront pour que ton pied ne heurte la pierre. » (Ps 91,11 ). 

St François d’Assise vivait cette humble fraternisation avec les réalités de la nature, lui qui a rendu docile le loup de Gubbio : Il assume les forces obscures de son humanité e,t réconcilié avec ses forces vives, il les transfigure (il loue même « notre sœur la mort »), il a vécu une humble et fervente communion à toutes les créatures : « Loué sois-tu mon Seigneur avec toutes tes créatures ». 

Que le Seigneur nous donne d’entrer dans le combat contre nos bêtes sauvages pour être servis par les anges !

Samedi 20 fevrier

 

Chers frères et sœurs, 

Jésus appelle un collecteur d’impôt, un publicain, à le suivre, Lévi qui n’est autre que Mathieu ; les publicains sont profondément méprisés parce qu’ils collaborent au service de l’occupant romain et qu'ils imposent souvent des impôts excessifs. Ils apparaissent alors comme des fraudeurs qui s'enrichissent aux dépens de tous, et sont donc souvent assimilés aux pécheurs publics.  

En réponse à l’appel de Jésus, Mathieu se lève (c’est un des mots de la résurrection), suit Jésus et dans sa joie l’invite à manger dans sa maison ; suivre Jésus c’est l’accueillir chez soi et être en communion avec lui. Cette invitation en est le signe. Rappelons que Mathieu ne fait pas partie des douze associés à la mission de Jésus. 

Ce qui fait scandale c’est que Jésus accepte l’invitation d’un pécheur à manger chez lui. Cette communion de table avec un homme « impur » scandalise. Luc rappelle que les publicains étaient nombreux à suivre Jésus. L’attitude de Jésus est iconoclaste. Car la fréquentation des pécheurs entraîne le risque de contagion de l’impureté. Ainsi, des Pharisiens et des scribes critiquent Jésus qui fréquente les infréquentables publicains : « Pourquoi votre maître mange-t-il avec les collecteurs d'impôts et les pécheurs ? » (Mt 9,11). La nouveauté qu’apporte Jésus est là : il se fait solidaire des pécheurs que les pharisiens excommuniaient. 

Mais Jésus, lui, se soucie des pécheurs qui ont besoin de son amour et de son pardon, comme les malades ont besoin d’un médecin. Habituellement ce sont les malades qui appellent leur médecin ; Jésus pratique l’inverse : il appelle les malades que sont les pécheurs, et il vient à eux avec tendresse. C’est la sainteté qui est contagieuse et non le péché. Lorsqu’il affirme qu’il est venu non pas pour les justes mais pour les pécheurs, il fait preuve d’une forme d’ironie vis-à-vis de ceux qui se considèrent comme des justes, les pharisiens qui n’ont donc pas besoin de Jésus ! Façon humoristique de nous rappeler l’illusion de se croire « juste » ou « parfait » … 

Jésus vient à nous en ce temps du carême, il nous appelle comme Mathieu, avec ce que nous sommes, nos faiblesses, mais aussi nos qualités ; il le fait parce qu’il désire manger sa Pâques avec nous ; la seule condition est de nous reconnaître « pécheurs ». 

Relisons les belles paroles du prophète Isaïe : « Si tu appelles, le Seigneur répondra ; si tu cries, il dira : « Me voici. » … En plein désert, il comblera tes désirs et te rendra vigueur…. Tu trouveras tes délices dans le Seigneur ». Vivre avec le Christ renouvelle notre existence, comme ce fut le cas pour Mathieu le publicain. 

Que le Seigneur nous comble en ces quarante jours du désert où Jésus nous appelle pour manger sa Pâques avec nous !


Vendredi 19 février

Chers frères et sœurs, 

Les textes de ce jour nous invitent à méditer sur le sens chrétien du jeûne.  

Jeûner nous fait entrer dans un chemin de liberté intérieure et de disponibilité pour écouter Dieu. 

Il y aurait un risque spirituel à transformer le jeûne en performance (ce n'est pas un exploit ascétique), ou en nécessité écologique, ou en bien-être (jeûner pour maigrir) ... 

Le jeûne n'est pas un mépris de la nourriture : celle-ci doit être reçue comme un don de Dieu dans l'action de grâces ; c'est ce que nous rappelle le bénédicité avant le repas. « Tout ce que Dieu a créé est bon et aucun aliment n'est à proscrire, si on le prend avec action de grâces » (1 Tim 4,4). Le jeûne peut-être rupture du « toujours consommer davantage » de notre monde. Le jeûne peut nous libérer de ce pouvoir de l’avidité, de ces désirs qui encombrent parfois notre vie ou nous rendent esclaves ; on peut donc jeûner d’autres choses que de nourriture, de tout ce qui encombre notre vie (portable, internet, colère, bruit…).« Jeûner consiste à libérer notre existence de tout ce qui l’encombre, même de ce trop-plein d’informations, vraies ou fausses, et de produits de consommation pour ouvrir la porte de notre cœur à celui qui vient jusqu’à nous, pauvre de tout mais « plein de grâce et de vérité » (Jn 1, 14) : le Fils du Dieu Sauveur ». (Pape François, message de carême 2021). 

Le jeûne n'est pas punition du corps, il est libération de notre esprit de tout ce qui entrave notre liberté et notre joie. Jeûner c'est être libre pour avoir des désirs plus profonds, pour avoir faim de la Parole, faim de ce qui donne la vie.  

L'eucharistie que nous recevons nous rappelle qu'en nous nourrissant du corps et du sang du Seigneur, nous entrons dans la logique du don (et donc aux antipodes de la voracité). Le jeûne comme l'eucharistie nous apprennent à sortir de la logique de la consommation pour passer à celle de la communion. 

Le jeûne dans la Bible n'est pas lié à la recherche d'un exploit, il nous tourne vers le Seigneur dans une attitude de dépendance, de remise entre les mains du Seigneur. Il est toujours accompagné de prières suppliantes. Il est signe d'humilité devant Dieu. On se tourne vers le Seigneur dans un attitude d'abandon total : Le roi David jeûne pour obtenir la guérison de son jeune fils Salomon (2 Sam 12,16). Le roi Achab jeûne pour invoquer le pardon pour une faute (1 R 21-27) ; le jeûne prépare à la rencontre avec Dieu (Ex 34,28), ou permet d’attendre la grâce nécessaire à une mission (Ac 13,2). 

Les prophètes ne cessent pas de dénoncer les risques de formalisme du jeûne. Pour plaire à Dieu le vrai jeûne doit être lié à l'amour du prochain et à la pratique de la justice (Is 58, 2-11 : « Le jeûne qui me plaît : briser tous les jougs, partager ton pain avec l’affamé… ne pas te dérober devant celui qui est ta propre chair » (Is 58,8 

Bien plus dans leur sagesse les Pères du désert disent ceci : « le jeûne sans la charité est vain. Il vaut mieux manger de la viande et boire du vin, plutôt que de dévorer par des médisances la chair de ses frères » 

Le jeûne ouvre le cœur au frère : il a un lien avec la charité et l'aumône : le bénéfice de notre jeûne peut ouvrir à un don financier ; il ouvre notre cœur à Dieu.

Jésus lui-même prend quarante jours de jeûne pour inaugurer sa mission et vivre l'abandon et la remise totale entre les mains du Père. La première tentation de Jésus est de transformer par magie des pierres en pain pour satisfaire le besoin physiologique de s'alimenter.  

Jésus dénonce les perversions inhérentes à notre vie spirituelle : jeûner, prier, ou faire l'aumône dans le but secret de se faire remarquer. Tentation de l'orgueil qui se niche jusque dans la vie spirituelle la plus authentique, laquelle peut devenir la quête narcissique du regard d’autrui : « Voyez comme il est bien » ... Le jeûne humble et discret ouvre le cœur à l'amour, car Dieu voit et agit dans le secret. 

Jeûner, c’est ouvrir notre cœur pour avoir faim de la Parole ; ce temps du carême peut nous aider à écouter la Parole de Dieu, pour en avoir enfin faim : « Ce n’est pas de pain seul que vivra l’homme, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu » (Mt 4,4).  

« Le jeûne, vécu comme expérience du manque, conduit ceux et celles qui le vivent dans la simplicité du cœur à redécouvrir le don de Dieu et à comprendre notre réalité de créatures à son image et ressemblance qui trouvent en lui leur accomplissement. En faisant l’expérience d’une pauvreté consentie, ceux qui jeûnent deviennent pauvres avec les pauvres et ils « amassent » la richesse de l’amour reçu et partagé. Compris et vécu de cette façon, le jeûne nous aide à aimer Dieu et notre prochain » (Pape François, message de carême 2021). 

 

Rappel concret : L’abstinence de viande ou d’une autre nourriture est recommandé le vendredi ; l’abstinence et le jeûne seront proposés le Mercredi des Cendres et le Vendredi de la Passion. Les jeunes de moins de quatorze ans révolus et les personnes de plus de soixante ans en sont dispensés.


Jeudi 18 février

 

L’entrée en carême ne nous berce pas d’illusion…Dès le deuxième jour nous sommes placés devant la croix. Impossible de l’éviter ou de se voiler les yeux ! 

Jésus vient de multiplier les pains, et Pierre vient de confesser que Jésus est le Messie ; mais Jésus lève les ambiguïtés qui peuvent naître de sa mission messianique ; les miracles que Jésus accomplit ne doivent pas cacher le sens de sa vie donnée : on ne comprend pas Jésus dans ses titres (Fils de l’homme, le Messie…), mais dans le chemin ardu qu’il emprunte, la montée à Jérusalem avec en ligne de mire le don total. Le rejet et les souffrances sont au cœur de sa mission qui est le don de sa vie par amour de l’humanité. Les annonces de la Passion sont des tournants dans la vie du Christ ; il est Seigneur sur la croix. 

Il est difficile pour les vues humaines d’accepter cela. C’est le scandale et la folie de la croix, laquelle est plantée au seuil de notre carême. « Nous proclamons un Messie crucifié, scandale pour les Juifs, folie pour les nations païennes. Mais pour ceux que Dieu appelle, qu’ils soient Juifs ou Grecs, ce Messie, ce Christ, est puissance de Dieu et sagesse de Dieu. Car ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes, et ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort que les hommes » (1 Co 1,23-25). 

Pire encore, si la souffrance n’épargnera pas Jésus, il en est de même pour ceux qui veulent le suivre ! Qui a envie spontanément de « se renier » et de « prendre sa croix » ? Cela semble tellement contraires à nos désirs vitaux d’épanouissement et de bien-être.  

C’est tellement peu naturel qu’après la deuxième annonce de la passion, les disciples, comme si de rien n’était, comme s'ils voulaient changer de sujet, se comparent comme des enfants gâtés : « qui est le plus grand parmi nous ?». Et justement Jésus les renvoie à l’exemple des enfants : « le plus petit parmi vous est le plus grand » (Lc 9,46-48) … Décidément les pensées humaines ne sont pas celle de Dieu. 

Jésus rappelle que la foi crée avec lui une communauté de destin. Ainsi, Paul dira :« Avec le Christ, je suis crucifié. Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi » (Ga 2,19-20).  

Le début du carême nous propose de prendre le chemin de Jésus. Nous ne pouvons le faire que parce que nous savons que c’est un chemin de vie. C’est ce que Moïse dit à son peuple de la part de Dieu : « Choisis donc la vie, pour que vous viviez, toi et ta descendance, en aimant le Seigneur ton Dieu, en écoutant sa voix, en vous attachant à lui » (Dt 30,19). 

Seigneur, donne-moi de prendre avec toi mes croix humaines ; tu viens les porter avec moi pour me conduire à accueillir la plénitude de ta vie à Pâques.

 

« Vivre un Carême d’espérance, c’est percevoir que nous sommes, en Jésus-Christ, les témoins d’un temps nouveau, dans lequel Dieu veut « faire toutes choses nouvelles » (cf. Ap 21, 1-6). Il s’agit de recevoir et d’offrir l’espérance du Christ qui donne sa vie sur la croix et que Dieu ressuscite le troisième jour : « Soyez prêts à répondre à qui vous demande à rendre raison de l'espérance qui est en vous » (1P 3, 15) » (Pape François, Message carême 2021). 

Bon carême !


 Le 17 février

DES CENDRES AU FEU DE PÂQUES 

 

 

Sous les cendres, dont nous sommes marqués en ce début des quarante jours, couve le feu de Pâques, le feu de l’amour donné, le feu du Christ ressuscité. 

Mais notre cœur n’est pourtant pas forcément à la fête… 

Peut-être pensons-nous secrètement au seuil des quarante jours du carême que nous vivons déjà comme un long carême depuis un an, à cause du virus qui nous prive de bien des relations humaines et affectives, et qui nous ne nous a pas permis de vivre la semaine sainte et de fêter Pâques l’an passé… 

Pour autant, il ne faudrait pas nous priver de la richesse spirituelle de ce temps de pèlerinage intérieur et de renouvellement dans l’amour du Christ, que représentent pour nous les quarante jours du carême. 

La pandémie nous rappelle notre fragilité, alors que peut-être l’humanité vivait dans la torpeur d’une illusion de toute-puissance. 

« Tu es poussière et tu retourneras en poussière », entendons-nous en ce jour des cendres. Ceci n’est pas une invitation au découragement, bien au contraire. 

La Parole de Dieu ne cesse pas de nous rappeler la fragilité de noter vie : « Dieu sait de quoi nous sommes pétris, il se souvient que nous sommes poussière » (Ps 102,14) ; Abraham, lorsqu’il cherche à apaiser le Seigneur en colère contre l’infidélité des habitants de Sodome, dira : « J’ose encore parler à mon Seigneur, moi qui suis poussière et cendre » (Gn 18,27), et il va demander la miséricorde de Dieu pour son peuple. 

La poussière évoque ce qui est infime, léger, se dispersant au moindre petit vent. D’autres images bibliques évoquent la faiblesse native de l’humanité : l’herbe et les fleurs si éphémères : « L’homme, ses jours sont comme l’herbe, comme la fleur des champs il fleurit » (Ps 102,15) ; la buée de Qohèlet : « Vanité des vanités ; tout est vanité » (Qo 1,2) ; le mot hébreu veut dire littéralement : buée, vapeur ; la cendre qui évoque la conversion : ainsi Job qui finit par faire confiance en Dieu, même s’il ne peut pas tout comprendre de son malheur : « C’est par ouï-dire que je te connaissais, mais maintenant mes yeux t’ont vu. C’est pourquoi je me rétracte et me repens sur la poussière et sur la cendre. » (Job 42,6). C’est une façon pour l’homme d’exprimer son cri vers Dieu et sa plainte : « Ils se mettront de la poussière sur la tête, se rouleront dans la cendre » (Ez 27,30). 

Dans la mentalité de la Bible, poussière et chair évoquent une même réalité, celle de la finitude de l’homme, fragile créature : « Toute chair est comme l’herbe, toute sa grâce, comme la fleur des champs… mais la Parole de Dieu demeure pour toujours » (Is 40,6-8). L’homme a toujours les mains vides face à Dieu. Mais écouter sa Parole nous permet d’accueillir la vie nouvelle ! 

Et cela relie les fêtes de Noël et de Pâques : à Noël Jésus a assumé cette faiblesse humaine en se faisant petit enfant : « Le Verbe s’est fait chair » (Jn 1,14). Dieu descend et marche dans la poussière des chemins de l’humanité, pour nous faire monter vers la joie se son amour, la joie de Pâques !  

Et cela change le sens de ces évocations bibliques de l’homme en passage sur la terre. La chair devient en Jésus-Christ la « charnière du salut » (Tertullien). Celui qui croit et qui aime sait que la résurrection change le sens de notre pèlerinage sur la terre. 

Souvenons-nous de cette grâce que nous donne le Christ en prenant notre fragilité, lorsque nous serons marqués de la croix avec les cendres ; celles-ci cachent en elles le feu et la joie de Pâques !