Nicodème au pied de la croix, Pluméliau, XVII° siècle

 

Dimanche 14 mars

Chers frères et sœurs, 

Nicodème est un homme attachant, peut-être parce qu’il nous ressemble un peu, dans nos recherches de foi. 

C’est un pharisien, un homme de foi et de grande culture religieuse, prestigieux membre du Sanhédrin, la haute assemblée d’Israël : il est comblé de tous les dons, mais peut-être a-t-il les mains trop pleines pour comprendre et entrer dans la foi… 

Il vient de nuit pour rencontrer Jésus, mais il a bien du mal à s’ouvrir à sa lumière. Pourtant, c’est bien de cela qu’il s’agit pour lui : Nicodème est invité par Jésus à accueillir sa lumière. 

Sans doute est-il attiré par Jésus, qui accomplit des signes qui prouvent qu’il est envoyé par Dieu. 

Nicodème a du souvent lire l’épisode du serpent d’airain, mais comment pourrait-il faire le lien avec Jésus qui un jour sera en croix ? Long chemin spirituel qui le fera peut-être entrer dans la vérité lorsqu’il viendra au moment de la sépulture de Jésus lui rendre hommage. 

Le serpent d’airain était une statue élevée par Moïse face à l’invasion de serpents brûlants : ceux qui étaient mordus avaient la vie sauve s’ils regardaient cet étendard. Ce n’est pas le serpent qui guérit, mais le regard de foi en l’amour de Dieu. De même celui qui regarde vers le Christ en croix. 

Ce que nous redit ce dialogue entre Jésus et Nicodème, c’est ceci : par notre foi en Jésus, si nous tournons nos regards vers lui, si nous vivons « avec lui », nous pourrons entrer dans la vie de Dieu. 

L’amour de Dieu culmine sur la croix : « Dieu a tant aimé » ; « il a donné » ; c’est là qu’il nous transmet la vie. Il suffit de s’ouvrir à la lumière. 

« Celui qui croit en moi a la vie éternelle », dit Jésus à Nicodème ; Il ne s’agit pas seulement de la vie éternelle, mais de la vie d’aujourd’hui dans le Christ (« Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi » Ga 2,20) : La vie de Dieu en chacun de nous, jaillissant en nous et à travers nous. 

Transformés par notre contemplation du Christ en croix, nous pourrons accomplir des choses qu’humainement nous n’oserions même pas faire. 

Paul dans l’épître aux Ephésiens nous rappelle la gratuité de l’amour de Dieu et sa miséricorde ; nous ne sommes pour rien dans le salut, et pourtant… 

La vie du croyant pour Paul est vie « avec le Christ », dès aujourd’hui, mais aussi dans la résurrection. 

Mais le salut exclut toute passivité de notre part : « saisis par le Christ », nous avons à manifester notre « être avec le Christ » dans notre vie quotidienne ; nous devenons participants de cette source intarissable du pardon manifesté par la croix : nos actes nous humanisent et nous divinisent. 

Mais nous savons que cela est difficile à vivre, que cela nous coûte et nécessite une vraie conversion intérieure. 

 

Les « yeux fixés sur Jésus-Christ » (He 12,1), laissons sa vie rejaillir en nous en ce temps du carême, en don, en pardon... 

On retrouvera Nicodème au pied de la croix où il viendra honorer le corps de Jésus (Jn 19,39) ;

Nicodème apporte cent livres de myrrhe et aloès, quantité extraordinaire comme pour une sépulture royale. Peut-être devant la croix a-t-il fait le saut de la foi ? On ne sait pas ; on peut l’espérer.

 

Méditons sur ces mots de la Ste Mère Teresa dans son testament spirituel : « Tu n'as pas besoin de changer pour croire en mon amour, parce que c'est de croire en mon amour qui va te changer. Tu m'as oublié, et maintenant je te cherche à chaque instant de ta vie, me tenant debout, à la porte de ton cœur et frappant… Regarde vers la Croix ; regarde vers mon Cœur transpercé pour toi. Regarde vers mon Eucharistie. Tu n'as pas compris ma croix ? Alors écoute encore une fois ce que j'ai dit sur la croix : j'ai soif ! Oui, j'ai soif de toi ; j'ai soif de toi ; j'ai cherché quelqu'un pour combler mon amour et je n'ai trouvé personne. Sois celui-ci. J'ai soif de toi - de ton amour. »


Samedi 13 mars

Chers frères et sœurs, 

Il est toujours dangereux d'imaginer que nous sommes des justes... Ce serait vivre dans une illusion parfaite sur ce que nous sommes en vérité !  

Jésus adresse cette parabole à ceux qui se croient justes. J’espère que nous nous identifions plutôt au second personnage. 

Deux hommes montent au Temple pour prier : entre les deux hommes, un contraste très net : l'un fait partie des pharisiens de stricte observance, vertueux ; l'autre, un homme du fisc, méprisé de tous, parce que collaborateur et « malhonnête », était rangé à l'époque de Jésus dans la catégorie des pécheurs publics. 

Le pharisien en fait beaucoup, trop... Il cherche le chemin de la perfection humaine, mais à coup d'orgueil et de volonté ; il estime sans doute que les œuvres qu'il accumule, font de Dieu son débiteur. Au lieu de jeûner une fois par an, comme le prescrivait la Loi, il jeûne deux fois par semaine, et, il paye la dîme au-delà de ce qui lui était demandé. La prière du pharisien commençait pourtant bien, comme une action de grâces à Dieu : « je te rends grâces… » ; mais elle dérape vite en un éloge personnel trop appuyé : il étale ses vertus supposées devant Dieu, et veut que Dieu l'admire : Il méprise le publicain qui vient prier et dans son orgueil démesuré, il se sent à part, « pas comme les autres hommes ». L'erreur du pharisien est de croire qu'il peut gagner son salut tout seul, par ses mérites, alors que le salut se reçoit de Dieu. 

Le publicain lui prie d'une tout autre manière. Au lieu d'attirer les regards, il se tient loin et en arrière. Il n'ose même pas lever les yeux au ciel, mais il n'a de regard que pour Dieu. Il a le sentiment très vif de sa misère. Il est confus et repentant. Il se frappe la poitrine, et par ce geste il manifeste le fond de son cœur : « Seigneur, aie pitié du pécheur que je suis ! ». Son attitude humble permet à Dieu d'agir en son cœur, contrairement au pharisien qui est trop imbu de lui-même, plein de suffisance. Sa prière d’humilité touche Dieu au cœur : « Le publicain se tenait là, de loin, mais Dieu l'écoutait de près » (St Augustin). 

La justice du pharisien est viciée par l'orgueil. C'est le publicain qui est juste, lui qui vit dans la confiance en la miséricorde : il se sait pécheur et s'abandonne totalement entre les mains de la miséricorde de Dieu. 

« Quiconque s'élève sera abaissé », cela peut s'appliquer au pharisien qui s'est haussé par son orgueil au-dessus des autres. Et « quiconque s'abaisse sera élevé » : le publicain, humble dans sa prière, lui qui se sait pécheur, est élevé par Dieu au rang de ses amis. 

Ne croyons pas trop vite que l'attitude du pharisien ne nous concerne pas...Le jugement, la jalousie, la comparaison orgueilleuse, la vantardise, la recherche d'une vaine perfection, nous font parfois ressembler au pharisien... Il y a une confiance en soi qui peut être illusion, lorsque nous oublions que tout nous vient, non pas de nos propres forces, mais de Dieu : « Qu'as-tu que tu n'aies reçu ? » (1 Co 4,7). 

Jésus cherche non des parfaits, mais des pécheurs. Le malade peut être guéri, mais pas celui qui croit qu'il n'est pas malade ! 

 

Vendredi 12 mars

Chers frères et sœurs, 

On n’arrête pas de se plaindre de la forêt impénétrable et immense des lois et décrets en France… 

La Loi dans la Bible comporte 613 commandements (dont 365 interdits) ; de quoi y perdre l’essentiel…De la vient la question sensée de ce scribe plein de bonne volonté qui demande à Jésus où se cache le plus essentiel dans ce maquis de la Loi. 

« Aimer son prochain comme soi-même », cela semble relativement naturel. Beaucoup de nos contemporains, même incroyants, sont d’accord avec cela, même si l’individualisme tend à gommer ce souci des autres ; mais de là à relier cet amour de l’autre à l’amour de Dieu, c’est déjà moins évident. 

Le monde ultra connecté nous rend sensibles aux aléas du Covid, aux catastrophes, aux guerres, aux misères, aux questions écologiques dans notre monde ; mais parfois cela nous donne de voir trop de choses ; un mystique du Moyen-Age, disait déjà, et il ne connaissait pas internet : « Si ton œil veut tout voir, il est inévitable que ton âme soit dispersée » (Maître Eckhart) ; lorsque notre cœur est trop dispersé, le trop-plein apporte une forme d’indifférence que dénonce souvent notre pape. 

Encore faut-il interroger cet accord de principe de tous sur la nécessité d’aimer son prochain… Aimer ce n’est pas seulement éprouver un sentiment que tout être humain éprouve face au malheur de l’autre, à la souffrance des enfants. Aimer, oui, mais jusqu’où va cet amour ? Y-a-t-il des limites à celui qui est mon prochain ? On voit les questions que cela pose dans l’accueil des migrants, dans l’accueil de croyants d’autres religions, dans l’amour des ennemis, de ceux qui nous font du mal… Aimer l’autre, on veut bien, mais de préférence s’il nous ressemble, s’il n’est pas trop casse-pied, bref s’il ne nous dérange pas trop dans notre confort… 

C’est dans la ressemblance avec son frère (tu aimeras ton prochain comme toi-même), que l’homme s’accomplit selon sa ressemblance verticale, qui fait de nous des images de Dieu. Les hommes sont frères, parce qu’ils sont fils de Dieu. Personne ne peut vivre à l’image de Dieu et rester seul. C’est seulement à travers les autres, dans l’amour de nos frères que nous pouvons rendre à Dieu son amour. « Je les aimerai d’un amour gratuit », dit Dieu à son peuple (Os 14,5). Nous pouvons alors aimer comme Dieu, d’un amour « délivré de nos mesures à nous » (Madeleine Delbrel). 

Aimer Dieu, aimer son prochain, ce n’est pas nouveau : c’est déjà le cœur de la première Alliance, comme le rappelle Jésus au scribe. Où est donc la nouveauté qu’apporte Jésus ? 

En fait, et c’est là où cela devient difficile, « aimer son prochain », comme nous le demande Jésus, c’est être capable de l’aimer comme il nous a aimé : « Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés » (Jn 13,34) … Aimer jusqu’à aimer ceux qui nous ont fait du mal, aimer jusqu’au pardon, comme le Christ. Le « comme je vous ai aimés » de Jésus prend tout son sens dans la passion. Toute la nouveauté vient de là ! On voit bien que cela dépasse la simple générosité humaine : « Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent » ; seule la force de Dieu permet de vivre ce que Jésus a vécu. Ce n’est pas seulement notre amour que nous avons à donner, mais l’amour de Dieu. 

Ce que rappellent les deux commandements c’est que cela concerne l’être humain tout entier, et pas seulement « une tranche de vie » : Aimer Dieu de tout son cœur (vie sensible, intellectuelle et morale dans la pensée juive), de toute son âme (c’est le principe de vie), jusqu’à la capacité de donner sa vie par amour, de toute sa force (ce sont les énergies vitales au service de l’amour). 

Que l’Esprit-Saint nous donne l’amour sans mesure du Christ pour nos frères. 

 

Jeudi 11 mars

Chers frères et sœurs, 

Jésus chasse un démon qui rend un homme sourd-muet ; et l’homme va renaître à la Parole. 

Aussitôt naît une vive contestation. On accuse Jésus de complicité avec Belzéboul, le chef des démons. C’est bien par la puissance de l’Esprit-Saint, « le doigt de Dieu » (Lc 11,20) que Jésus peut guérir cet homme et lui rendre la parole. Seule la force de Dieu peut s’opposer à l’esprit du mal. Avec Jésus la domination du Mal, de Satan, touche à son terme : « Je regardais Satan tomber du ciel comme l’éclair », dit-il aux disciples (Lc 10,18). 

Jésus donne ensuite une courte parabole, inspirée de la vie militaire : un homme fort en armes garde son palais ; tout va bien jusqu’à l’arrivée d’un homme plus fort ; l’homme fort désigne Satan ; le plus fort qui arrive ensuite, c’est le Christ, bien évidemment, qui va vaincre l’esprit du Mal sur la croix. 

Jésus en ce temps du carême nous met face au temps de la décision : « Celui qui n’est pas avec moi est contre moi ; celui qui ne rassemble pas avec moi disperse » (Lc 11,23) : il s’agit pour nous de revenir au Christ, de passer du côté de Jésus, d’agir avec lui, de désirer « être avec lui ». Jésus nous invite aussi à abandonner et à chasser de nos vies tout ce qui divise, pour rassembler avec lui, pour être ferment d’unité auprès de nos proches, dans l’Eglise et dans le monde. 

L’enjeu du carême est de (re)découvrir que nous ne suivons pas toujours le Christ : « Voilà bien la nation qui n’a pas écouté la voix du Seigneur son Dieu », se plaint le prophète Jérémie (Jr 7,28). 

Tout n’est pas acquis ; le combat contre le mal doit continuer en nous et autour de nous. Le danger serait de s’endormir sur nos lauriers (nos buis ?) de baptisés. Si le Christ a été tenté, il n’y a pas de raison que nous y échappions ; je ne pense pas que nous nous considérions comme « plus fort » que Jésus (sinon ce serait inquiétant pour notre vie spirituelle) ! C’est bien ce qu’on appelle le péché qui est ce qui nous sépare de Jésus. C’est pour cela qu’il nous est proposé de revenir au Seigneur dans le sacrement du pardon, pour faire le ménage dans notre maison intérieure ! 

Le carême est ce chemin de conversion pour nous préparer à renouveler les promesses de notre baptême lors de la vigile pascale : la lumière du Ressuscité éclaire nos ténèbres, et nous fait retrouver notre unité intérieure en Christ. 

Notre confiance vient de cette magnifique certitude à méditer en ce temps de marche vers Pâques : Le Seigneur revient toujours vers nous, « sans se lasser » (Jr 7,26), parce que son amour et sa tendresse sont inlassables et inépuisables.

mercredi 10 mars

Chers frères et sœurs, 

Les pharisiens accusaient Jésus de tout révolutionner, de ne pas être fidèles aux traditions du peuple de Dieu, voire de trahir la Loi de Dieu. 

Jésus leur répond qu’il ne détruit rien ; il prolonge la Loi et lui donne son achèvement, la fait se dépasser. Comme l’âge prolonge ce que nous étions lors de l’enfance, en donnant la sagesse (théoriquement !). 

Jésus ne fait que prolonger, « accomplir », ce que le Père a initié en donnant à son peuple les dix paroles (appelées les dix commandements). Avec le Christ vient la plénitude de la Loi, l’amour. C’est ce que rappelle st Paul : « Dieu s’est plu à faire habiter en Jésus-Christ toute la plénitude » (Col 1, 19). 

« Je ne suis pas venu détruire, mais remplir ». Jésus est celui qui donne sens à toute l’histoire sainte ; il en est le centre, le cœur ardent, il assure comme la cohésion de ce que toute la Parole de Dieu annonce. 

« Le ciel et la terre passent » « la Torah », c’est-à-dire la Loi, ne passera pas. Dans un monde liquide, la Parole du Christ est un roc pour nous. « Mes paroles ne passeront pas » dit Jésus ailleurs (Mt 24,35). Sous les apparences d’un monde qui change, il y a toujours une réalité stable, solide. La Parole de Dieu, son amour donnent tout son sens au temps présent. La Bible parle un langage totalement permanent et toujours actuel. 

Moïse donne de la part de Dieu ces conseils à son peuple : « Le Seigneur notre Dieu est proche de nous chaque fois que nous l’invoquons… garde-toi de jamais oublier ce que tes yeux ont vu ; ne le laisse pas sortir de ton cœur un seul jour » (Dt 4,7.9). 

Il nous rappelle l’importance de la mémoire dans la foi : « garde-toi d’oublier » ; il ne faut jamais perdre de vue les moments de grâces où nous avons touché du doigt la présence du Seigneur à nos côtés. Bien au contraire, il faut continuer à en rendre grâces lorsque les temps sont plus difficiles pour notre foi. Le Seigneur est toujours là, à nos côtés, même si nous n’éprouvons pas toujours sa présence. 

Jésus rappelle ensuite que faire les petites choses est ce qui nous rend grand. « Celui qui observe et enseigne un seul de ces plus petits commandements, celui-là sera déclaré grand dans le royaume des Cieux. » (Mt 5,19). Pour la foi, il n’y a rien de dérisoire, rien qui ne soit pas essentiel. 

Voilà qui rappelle la spiritualité de Thérèse de Lisieux : il s’agit, dit-elle, « non pas faire des choses extraordinaires, mais faire extraordinairement bien les choses ordinaires ». « Jésus ne regarde pas tant à la grandeur des actions, ni même à leurs difficultés qu'à l'amour qui fait faire ces actes ».  

C’est dans ces petites choses de tous les jours que nous devenons des chrétiens « accomplis ».


mardi 9 mars

Le cantique D’Azarias au milieu de la fournaise mérite d’être approfondi. Comment chanter au cœur de l’épreuve ardente qui vous submerge ?

Daniel est avant tout le héros d’un livre, avec trois autres jeunes déportés, Ananias, Azarias et Misaël ; c’est l’écrit le plus tardif de la Bible ; ils sont le symbole des juifs déportés au temps de l’exil à Babylone. C’est une période rude, éprouvante pour la foi (VI° siècle avant JC); mais aussi, pour comprendre ce livre, il faut se rappeler le contexte de persécution féroce contre le peuple juif, à l’époque où le texte est rédigé, vers 165 avant Jésus-Christ, sous le roi grec Antiochus Epiphane, ce que raconte le 2° livre des Maccabées. 

Pendant l’exil à Babylone, quelques juifs vont s’élever à de hautes charges dans l’empire babylonien ; ainsi Daniel, l’homme qui interprète les songes du roi Nabuchodonosor. 

Sommés d’adorer une statue d’idole, les compagnons de Daniel, Ananias, Azarias et Misaël, préfèrent obéir à Dieu plutôt qu’au roi. C’est pourquoi ils sont jetés dans la fournaise, ligotés. Mais ils sont miraculeusement protégés de la flamme ardente. Un ange au milieu d’eux, ils chantent la louange de Dieu. 

Humbles devant Dieu, et confiants, ils avouent leurs péchés et offrent leur vie en sacrifice. 

Cette prière dans la souffrance, nous apprend à louer Dieu, à nous remettre en confiance entre ses mains, avant même d’exposer nos justes motifs de plainte : « Avec nos cœurs brisés, nos esprits humiliés, reçois-nous…Que notre sacrifice, en ce jour, trouve grâce devant toi… Délivre-nous en renouvelant tes merveilles » (Dn 3,39.43). 

La prière et donc un signe de gratitude, qui désire répondre à la gratuité de l’amour de Dieu. 

Il en est de même du pardon dont parle l’Evangile dans cette étrange parabole du débiteur impitoyable. Il est plus facile de comprendre la parabole du fils prodigue que cette parabole !  

Pierre pose la question de savoir s'il y a des limites au pardon ? Il se croit généreux quand il propose de pardonner jusqu'à sept fois (chiffre parfait). 

70 fois 7 fois c'est la perfection portée à une limite sans cesse repoussée. La parabole nous parle de l'infini de la miséricorde de Dieu à laquelle nous sommes invités à participer. Tel est le Christ qui s'est ému aux entrailles devant les souffrances des hommes. Le pardon met le ciel entre les frères sur la terre. 

- Grâce : 

Devant Dieu nous serons toujours des débiteurs insolvables : Nous recevons tout de Dieu. Nous sommes invités à entrer dans la générosité d'un Dieu qui pardonne et à entrer dans la « logique de Dieu qui accueille, embrasse, transforme le mal en bien » (pape François, la miséricorde p 89). 

- Gratuité :  

Jésus nous rappelle la grâce du pardon partagé entre frères. Le débiteur impitoyable en refusant de communiquer le pardon qu'il a lui-même reçu empêche le pardon de prendre corps en lui. On ne peut devenir libre qu'en devenant libérateur ; on ne peut vivre de la grâce de Dieu qu'en la transmettant à nos frères : « Heureux les miséricordieux, ils obtiendront miséricorde » (Mt 5,7). Il y a parfois des pardons à se donner, lorsque nous blessons l'un de nos frères par des paroles ou par des actes déplacés, quand nous blessons la communauté par des divisions liturgiques, des manques de respect d'une autre façon de prier ou de vivre sa foi, des particularismes ou des ignorances mutuelles. Le pardon donné par un seul a un retentissement dans toute la communauté. Il nous fait retrouver la grâce de la communion avec nos frères et avec Dieu. 

Nous pouvons devenir de fidèles reflets de la gratuité de l'amour de Dieu.   

- Gratitude : 

Nous oublions facilement ce que Dieu a fait pour nous, souvent par habitude, ou par usure spirituelle, ou par refus d'accepter la totale gratuité de l'amour de Dieu. 

Bien à l'opposé des jugements, des médisances ou des jalousies qui ne devraient pas avoir cours, la gratitude nous fait entrer dans une action de grâces pour ce que Dieu accomplit en l'autre, en nous et en son Eglise.

lundi 8 mars

Chers frères et sœurs, 

Le récit de la guérison de Naaman le lépreux nous parle de la grâce destinée à tous ; c’est un texte étonnant ; Naaman est chef des armées du royaume de Syrie, ennemi de toujours pour Israël ; ce qui est étrange, c’est qu’il nous est dit que Dieu a accordé la victoire à Naaman au détriment du peuple de Dieu… Les voies de Dieu sont parfois imprévisibles, voire incompréhensibles ! 

Naaman est atteint de la lèpre, maladie extrêmement invalidante et contagieuse ; il veut être guéri, : sur conseil d’une de ses servantes d’origine juive, il va faire le voyage dans la terre ennemie, pour rencontrer le prophète du roi d’Israël. Il n’est sans doute pas très facile de rencontrer le roi qu’il a vaincu avec ses armées ; ce dernier le prend comme une provocation ; son prophète Elisée va néanmoins rencontrer Naaman. 

Il lui propose un acte de foi, simple, trop pour Naaman ; il lui dit de se plonger sept fois dans le Jourdain pour être guéri. Il imaginait quelque chose de plus grandiose, de plus solennel, de plus digne de sa condition, peut-être… Il veut être guéri, mais pas n’importe comment ! Il est sans doute difficile pour un homme habitué à donner des ordres, de se laisser faire. 

Ses serviteurs lui font remarquer que si le prophète avait demandé quelque chose de difficile, il l’aurait fait. Alors, pourquoi ne pas se laisser faire dans la simplicité ! Et Naaman entre dans la volonté de Dieu, il va se baigner, et il est guéri. Il dit alors à Elisée sa foi en Dieu. 

Pourquoi Jésus évoque-t-il cet épisode de l’histoire sainte ? Pour rappeler combien il est difficile d’accepter d’entrer dans les vues de Dieu. Parfois des étrangers accueillent mieux la nouveauté du Christ que les « habitués » de la foi. 

Avez-vous remarqué comme les habitudes peuvent être aussi bonnes que mauvaises… Les bonnes habitudes peuvent devenir mauvaises, mais rarement l’inverse ! 

Les bonnes habitudes : Les habitudes de notre vie de foi, les rythmes pris pour prier. Les petits gestes d’amitié, les attentions du quotidien pour le bien et l’amour de l’autre dans la vie de couple. Les habitudes de nos agendas, les activités qui reviennent régulièrement rythmer notre journée et notre semaine. Le regard de bienveillance porté sur les autres que nous côtoyons chaque jour ou sur notre monde. 

Les mauvaises habitudes : elles naissent souvent des lassitudes accumulées, de difficulté à habiter intérieurement nos gestes ; tout devient corvée, lourdeur. La prière devient routinière et répétitive. Les gestes de tendresse finissent par être vides d’amour. Les activités de nos journées se répètent sans fin, accomplies sans entrain. Le regard sur les autres devient dur : les autres ne changeront jamais, on ne voit plus que les rides de l’âme et les défauts de l’autre. 

C’est bien ce qui se passe pour les proches de Jésus qui ont trop l’habitude d’avoir côtoyé Jésus au quotidien : ils passent vite de l’étonnement à l’incrédulité : à force de voir Jésus de trop près ils sont incapables de discerner en lui autre chose que son humanité. 

La vérité de l'Evangile est parfois dure à entendre pour nos oreilles, parce qu'elle nous dérange dans nos habitudes, dans les mauvais plis que nous avons pris, dans nos conformismes et nos tiédeurs ; il n'est pas dit que l'annonce de l'Evangile rime avec confort et tranquillité ! 

C'est sans doute pour cela que nous résistons parfois devant les exigences de l'Evangile qui nous semblent trop fortes et que nous avons du mal à vivre : comment pardonner à un ennemi ? Comment résister à la tentation de juger les autres ? Comment comprendre certaines phrases dures de Jésus (la porte étroite), tendre la joue... et bien d'autres encore) ? 

Seigneur renouvelle nous dans nos habitudes, qu’elles nous ouvrent toujours à la nouveauté de ta présence, même dans les tâches qui nous apparaissent les plus ingrates, donne-nous de rester ouverts à un nouveau regard sur nos proches et sur notre monde. 

Donne-moi la grâce de l’étonnement, de l’action de grâce pour ta présence toujours nouvelle en tous les instants de ma vie. Apprends-nous comme Naaman à nous laisser faire par ton amour.