L'incrédulité de Thomas, Duccio, XIII° siècle

Dimanche 11 avril

Chers frères et sœurs,  

Comment « rendre témoignage de la résurrection du Seigneur Jésus » (Ac 4,33) ? Qu’est-ce que vivre en ressuscité ? « La vie dans l’Esprit jaillit du cœur du Christ ressuscité », proclame le pape François au début de son magnifique texte sur « la joie de l’Evangile » (§2). La source de la joie la plus profonde est dans cette vie en Christ ressuscité. Avec le ressuscité nous ne risquons pas d’être des chrétiens avec un « air de carême sans Pâques », comme dit le pape avec humour (§6). 

La première communauté chrétienne vivait de cette joie du don du Christ de façon radicale : Le Christ vient renouveler notre vie : « La multitude de ceux qui étaient devenus croyants avait un seul cœur et une seule âme ; et personne ne disait que ses biens lui appartenaient en propre, mais ils avaient tout en commun » (Ac 4,32). La communion des cœurs avait même une transcription matérielle concrète qui faisait mettre en commun leurs biens. Nous en sommes bien loin aujourd’hui ! Leur foi et la force de l’Esprit-Saint les poussent à faire toute chose nouvelle ; ils créent une vraie communion entre les membres divers de l’Eglise qui se manifestait aussi par le partage des biens matériels. Au point qu’aucun n’était dans la misère. La fraternité vécue était très concrète !  

Le communisme a échoué à vouloir imposer un système de partage ; ce dernier ne peut réussir que s'il est fondé sur l’accueil libre de la vie dans le Christ. La fraternité ne s’impose pas ; elle est un don de l’Esprit accueilli en totale liberté. 

Pourtant, il y a à apprendre de ce radicalisme évangélique dont ces premiers chrétiens vivaient de la résurrection de Jésus, même si nous ne pouvons plus pousser l’idéal aussi loin : Ainsi Paul invite les Colossiens à accueillir la vie de ressuscité dans leur quotidien, manifestant que la vie de ressuscité doit trouver une traduction concrète dans notre façon de vivre : « Si donc vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les réalités d’en haut » (Col 3,1). Le baptisé abandonne ses habitudes de vieux garçon, ou de vieille fille (le vieil homme fermé sur lui-même) pour s’ouvrir à Dieu et à ses frères. Il est impossible de rester égoïstement entre soi pour vivre la joie du Ressuscité. On ne peut pas dire que l’on vit du ressuscité sans essayer déjà de vivre en ressuscité. Le Christ ressuscité est celui qui « déverrouille » les portes de notre cœur, celui qui ouvre le cœur de Thomas qui a bien du mal à accepter de faire confiance au témoignage de ses frères. La première condition de la vie de ressuscité est la confiance. 

Lorsque Jésus invite à accueillir le don de la résurrection qui est sa paix, il nous fait prendre part à son œuvre de paix, de réconciliation, de pardon, de miséricorde, de bienveillance… Accueillir sa paix, c’est s’engager à transmettre cette paix au nom du Christ. Nous avons à porter de la part du Ressuscité une Parole et des actes de communion : « La vie éternelle, si nous ne la donnons pas, personne ne la donnera à notre place » (Madeleine Delbrel). 

Accueillir la vie éternelle est un engagement à approfondir l’idéal de la communion avec tous et du bien commun, qui est plus fort que la somme des biens particuliers ; nous ne pouvons pas seulement dire « moi », mais « nous ». Le pape invite à « aimer le bien commun », à « chercher le bien de toutes les personnes », à « vivre la gratuité fraternelle » (Tous frères, 140.182). La vie en Christ ressuscité devrait être source de tout cela, comme un débordement en nous de la grâce reçue. 

Un des critères d’authenticité de la vie chrétienne que Paul donne aux communautés chrétiennes qu’il a fondées est de ne pas oublier les pauvres (Ga 2,10). 

Demandons au Christ ressuscité de nous aider à vivre de la joie de Pâques en communion, en partage avec nos frères et sœurs, à qui il nous envoie proclamer par toute notre vie : « Alléluia ! Christ est ressuscité » !


Samedi 10 avril

Chers frères et sœurs,  

L’Evangile de Marc « authentique » se termine sur une finale un peu abrupte, invitant l’auditeur à ouvrir lui-même la Bonne Nouvelle du Ressuscité sur l’avenir : alors que les trois Marie ont appris la nouvelle de la Résurrection, « elles sortirent et s’enfuirent du tombeau, parce qu’elles étaient toutes tremblantes et hors d’elles-mêmes. Elles ne dirent rien à personne, car elles avaient peur » (Mc 16,8). L’enjeu pour elles est de sortir de cette peur pour vivre l’annonce. Cette fin de l’Evangile apparut tellement rude, que l’on rajouta dans les premiers siècles une autre finale plus « pastoralement correcte » … 

Cette seconde finale résume les apparitions de Jésus ressuscité ; elle est marquée de façon très insistante par l’incrédulité de ceux à qui la nouvelle impensable de la Résurrection est annoncée ; ce texte met ainsi en valeur la difficulté à entrer dans la foi sur la base des témoins. Comme pour nous rassurer, si nous avons des doutes, puisqu’il y a des raisons de douter, mais aussi des raisons de croire. Le récit évoque Marie-Madeleine, puis les disciples d’Emmaüs, puis les onze. Même ces derniers ont du mal à croire lorsque Jésus leur apparaît : celui-ci leur reproche « leur incrédulité et leur dureté de cœur, parce qu’ils n’ont pas cru ceux qui l’ont vu ressuscité » ; le manque de foi pourtant ne décourage pas Jésus. 

Etonnamment, après avoir dénoncé ces refus de croire, les onze sont envoyés en mission malgré cela. Il les invite à proclamer l’Evangile dans le monde entier : « Allez dans le monde entier proclamer l’Evangile à toute la création » (Mc16,15). 

Ultime paradoxe, Jésus n’envoie pas des témoins bien à l’aise et affermis dans leur foi, mais des hommes incrédules et au cœur dur. Donc il ne faut pas attendre que notre foi soit « parfaite » pour annoncer le Ressuscité, sinon il n’y aurait pas de missionnaires pour témoigner ! D’ailleurs, qu’est-ce qu’une foi parfaite ? A part pour Marie, celle-ci n’existe pas ! Même les plus grands saints ont eu des doutes (Ste Thérèse de Lisieux évoque ses nombreux doutes qu’elle surmonte par des actes de foi). Jésus appelle toujours des pécheurs pour en faire ses témoins. C’est bien la grâce de Dieu qui nous rend capables de témoigner et non « la perfection » de notre foi.  

C’est bien ce qui se passera pour Pierre et Jean, lorsqu’ils seront appelés à témoigner de leur foi devant le Sanhédrin où ils comparaissent comme Jésus pour avoir guéri un infirme (Ac 4,13-21). Les voilà pleinement identifiés à Jésus. L’enjeu pour ce tribunal est de ne pas permettre d’associer le nom de Jésus au miracle. Les deux disciples témoignent avec courage, alors qu’ils sont pris pour des « petites » gens sans culture ; les grands prêtres voient leur hardiesse à annoncer le Christ. La peur n’est plus de mise pour les disciples. Leur foi s’est affermie avec le temps par l’annonce ; Pierre le proclame fermement devant leurs accusateurs : « Il nous est impossible de nous taire sur ce que nous avons vu et entendu » (Ac 4,20).  

Par peur des réactions du peuple qui rend gloire à Dieu, Pierre et Jean sont libérés. Ils continuent, malgré l’interdiction des autorités à rendre témoignage au Christ. 

Leur « mini-foi » a grandi. La foi croît invisiblement pour celui qui croit même un peu. 

Soyons assurés que le Seigneur ressuscité travaille notre cœur si nous lui faisons confiance !

 

Vendredi 9 avril

Chers frères et sœurs,  

La barque est devenue une image de l’Eglise dans l’imaginaire chrétien. Depuis l’Arche de Noé, en passant par la tempête apaisée (Mc 4,35-41), jusqu’à ce récit de la pêche miraculeuse après la résurrection (Jn 21,1-14). 

Le navire symbolise non pas tant le salut que les sauvés. Le mât est devenu le symbole de la croix. Ainsi Hyppolite de Rome, dès le III° siècle utilise cette image pour parler de la vie de l’Eglise : « La mer est le monde. L’Eglise, comme un navire secoué par les flots, mais non submergé. Elle a en effet avec elle un pilote expérimenté, le Christ ». 

Lorsque les sept disciples reviennent au bord du lac de Galilée, après la résurrection, tout naturellement ils reprennent leur métier d’avant et partent à la pêche. Après une nuit à peiner, ils reviennent bredouilles, malgré leur compétence de pécheurs. Il faut l’arrivée de Jésus pour que leur pêche soit fructueuse ; après avoir mis l’ancre, ils comptent 153 poissons : ce qui a fait couler beaucoup d’encre, tellement le chiffre est précis ! L’Evangéliste Jean a l’art de nous aider à voir l’invisible par-delà le visible. Par la puissance du Ressuscité, les disciples sont « pêcheurs d’homme » (Mt 4,19) ; c’est ce que vient rappeler cette pêche miraculeuse où le chiffre symbolique exprime sans doute à la fois la totalité et la multitude que les baptisés sont appelés à rejoindre. 

La nuit révèle une pêche infructueuse ; au matin, la présence de Jésus change tout. Les disciples passent de l’échec d’une entreprise purement humaine à la grâce de la présence du Christ au milieu d’eux. 

Tout ceci nous rappelle que la mission de l’Eglise ne porte du fruit que par la présence du Ressuscité au cœur même de la vie des hommes. Jésus ressuscité vient à notre rencontre là où nous vivons, là où il nous envoie ; il veille sur la barque de son Eglise, quels que soient les flots et les tempêtes qu’elle traverse. Dans notre barque Jésus se tient debout ressuscité ; et même lorsqu’il semble dormir (lors de la tempête apaisée, en Mc 4,38), il est là, présent, veillant sur nous. Jésus n’abandonne jamais notre barque ! 

Même « dans l'Église souffrante, le Christ est victorieux… Le Seigneur demeure sur sa barque, sur le navire de l'Eglise…. C'est précisément dans la faiblesse des hommes que le Seigneur manifeste sa force ; il démontre que c'est Lui-même qui construit, à travers les hommes faibles, son Eglise » (Benoît XVI, homélie du 29 juin 2006). 

Tout cela se termine dans l’intimité et la familiarité d’un repas de poissons ; Jésus n’a même pas eu besoin d’attendre le retour de la pêche pour les faire cuire sur la braise avec affection. On imagine la joie pascale de ce repas partagé en toute simplicité. 

« Jésus nous demande de l’accueillir sur la barque de notre vie, pour repartir avec Lui et sillonner une mer nouvelle, qui se révèle chargée de surprises. Son invitation à sortir dans la haute mer de l’humanité de notre temps, pour être témoins de bonté et de miséricorde, donne un sens nouveau à notre existence » (Pape François, Audience 10 février 2019).  

Bonne pêche avec le Ressuscité !


Jeudi 8 avril

Chers frères et sœurs,  

Le Christ ressuscité est difficile à reconnaître pour ceux qui le rencontrent, parce que son corps est dans la gloire ; Souvenons-nous de Marie-Madeleine qui le prend pour le jardinier… 

Dans l’Evangile de ce jour, qui fait suite à celui des pèlerins d’Emmaüs, Jésus se rend présent aux onze ; il se tient « au milieu d’eux », les invitant à accueillir sa paix ; mais ceux-ci encore dans le trouble, malgré le témoignage de Pierre, croient « voir un esprit » (Lc 24,37). 

Ce récit rappelle le jour où Jésus marche sur la mer au milieu de la tempête : les apôtres croient alors voir un fantôme. (Mt 14,26). Peut-être les disciples pensaient à une présence spirituelle du ressuscité ? Jésus les aide à contourner cette difficulté en les invitant à toucher son corps pour vérifier que le ressuscité n’est pas un fantôme qui aurait pris l’apparence de Jésus : « Voyez mes mains et mes pieds : c’est bien moi ! Touchez-moi, regardez : un esprit n’a pas de chair ni d’os » (Lc 24,40). Jésus rappelle qu’il est Dieu : « Je suis », mais il conserve sa chair dans la gloire. Christ a toujours son corps, celui qui a été percé par les clous sur la croix. C’est peut-être, pour nous aujourd’hui, les mêmes réticences à croire que notre corps mis à rude épreuve par les virus puisse ressusciter. La résurrection n’est pas un retour à la vie terrestre présente. C’est pour cela que les disciples ont bien du mal à reconnaître Jésus ressuscité. 

Jésus se fait très concret « Touchez-moi, regardez » ; les sens ne trompent pas, surtout le toucher qui nous manque tant en ce moment. Les disciples qui cogitent un peu trop sont renvoyés au concret : les mains et les pieds, quoi de plus intime, de plus personnel : personne ne peut imiter des plaies de crucifié. Ainsi Jésus veut leur montrer que c’est vraiment lui qui a été sur la croix et qui est revenu à la vie. « Trop beau pour être vrai ! » : les disciples sont comme nous ! : « Dans leur joie, ils n’osaient pas encore y croire » (Lc 14,41). 

Et ensuite pour contrer les doutes qui subsistent dans leur cœur il va manger devant eux, pour leur prouver qu’il n’est pas un esprit, ni un mirage. Devant eux il mange un poisson grillé (nous retrouvons le poisson du 1° avril…). 

Cet homme dont ils peuvent toucher les plaies, cet homme dont ils vont partager les repas, est désormais « le prince de la vie », comme le dit Pierre dans la première lecture (Ac 3,15). Pierre vient de guérir un infirme ; ce qu’il a fait pour lui vient non pas de sa force propre, mais de la puissance du Ressuscité : il a agi au « nom de Jésus », en raison de la foi en Jésus-Christ ressuscité : « Tout repose sur la foi dans le nom de Jésus Christ : c’est ce nom lui-même qui vient d’affermir cet homme » (Ac 3,16). 

Que la présence du Ressuscité nous donne la joie de Pâques !


Mercredi 7 avril

Chers frères et sœurs,  

A scruter les Ecritures, on trouvera toujours de nouveaux éclairages ! Pourtant ce texte des pèlerins d’Emmaüs est tellement médité qu’il risque de perdre toute saveur. Quelles richesses multiples à recevoir toujours davantage, en contemplant ce texte ! En particulier ce texte est souvent utilisé, avec raison, pour expliquer en catéchèse les différentes étapes de l’eucharistie telle que nous la célébrons chaque jour (L’accueil, la Parole accueillie, la fraction du pain, l’envoi : si vous ne vous rappelez pas votre caté, recherchez ces quatre étapes dans le texte de Luc !). 

Quelle n’a pas été ma surprise en (re)découvrant que le centre de ce texte extrêmement construit par l’Evangéliste Luc est le verset 26 : « N’est-ce pas cela que devait souffrir le messie pour entrer dans sa gloire ? ». 

Pourquoi est-ce verset qui est au centre de ce récit des pèlerins ? Quel est ce « devoir » que le Christ ne cesse pas de mettre en avant dans sa mission ? C’est le mystère d’un amour totalement livré, totalement donné. 

« Il faut que le Fils de l’homme souffre, meure et ressuscite » martèle Jésus lors des annonces de la Passion (Lc 9,22) ; « Le Fils de l'homme doit être livré entre les mains des hommes » (Lc 9,44 ; cf Lc 24,7) ... Jésus, dès avant sa mort, est conscient de ce qui l’attend. Ce n’est pas la nécessité du Mal humain qui s’impose à lui. L’issue de ce combat est certaine. ; c’est la résurrection ! « Une fois ressuscité, je vous précéderai en Galilée » (Mc 14,28). C’est ce que Jésus redit après la résurrection à ses disciples. La souffrance et la mort sont le chemin que Jésus prend en toute liberté, et par amour de l’humanité. Jésus ne fait qu’accomplir le désir d’amour du Père, qui est le salut. D’ailleurs curieusement dans l’Evangile de Luc le premier mot que prononce Jésus, lors de sa « fugue au Temple » est celui de son « devoir » : « Ne saviez-vous pas que je dois être chez mon Père ? » (Lc 2,47). 

La notion de « devoir » a mauvaise presse aujourd’hui, où tout le monde se réclame de ses droits : « le droit à la liberté de presse, le droit à l’enfant… ». Mais qui oserait encore parler de « devoirs » à accomplir ? 

C’est bien le devoir de l’amour qui est le cœur de la vie de Jésus ; c’est ce même devoir de l’amour qui nous convie chaque dimanche à l’eucharistie. C’est ainsi que la relecture des Ecritures par Jésus aide à comprendre le sens de sa mission qui passe par la mort pour la Vie : il se devait d’honorer l’amour du Père en entrant dans ses désirs de salut pour l’homme. 

Sur la croix, il pourra dire en vérité : « Tout est accompli ». Il a rempli son devoir le plus beau, celui de servir son Père et les hommes ses frères. Son devoir d’amour est sa joie la plus profonde : « Demeurez dans mon amour… Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous, et que votre joie soit parfaite » (Jn 15,11). C’est cette joie de Pâques que nous célébrons pendant cinquante jours. 

Il faudra que Cléophas et son compagnon pèlerin soient accompagnés par Jésus pour comprendre les Ecritures ; il leur faudra le partage du pain pour que leur « yeux empêchés » (verset 16) puissent s’ouvrir et reconnaître Jésus Ressuscité (verset 31) et pour que « leur cœur lent à croire » (verset 25) devienne « un cœur brûlant » (verset 32). 

Ils fuyaient Jérusalem plein de tristesse, ils y retournent pour brûler le cœur de leurs frères. 

Par amour, Jésus se fait encore notre compagnon de route pour nous conduire sur nos chemins humains pour rendre notre « cœur brûlant » de son amour.


Mardi 6 avril

 

Chers frères et sœurs,  

Elles sont amusantes les représentations des peintres où l’on voit Jésus avec sa bêche ou sa houe, ces images rivalisent de réalisme ! Je vous transmets une des plus étranges et des plus cocasses : Jésus jardinier au milieu des légumes, avec sa pelle et son chapeau de « cow-boy » (excusez l’anachronisme !). Cette scène a beaucoup inspiré d’artistes, à cause de son originalité, qui prête à des variations infinies sur le thème. De telles images ont pu voir le jour en raison de la méprise de Marie-Madeleine qui ne reconnaît pas Jésus ressuscité et qui le prend pour le jardinier des tombeaux… Peut-être y-a-t-il une allusion au jardin du paradis (« Le Seigneur Dieu se promenait dans le jardin à la brise du jour », Gn 3,8), en ce premier jour d’un monde nouveau, que Marie-Madeleine n’a pas encore reconnu comme tel. 

Cette scène de l’après résurrection est émouvante : Marie-Madeleine, la femme libérée de ses sept démons, sait tout ce qu’elle doit à Jésus ; ses larmes sont le signe de son attachement profond à la personne de Jésus qu’elle a suivi jusqu’à la croix. En elle, c’est toute notre humanité qui cherche le Seigneur, parfois dans les larmes. 

Avec persévérance, elle cherche à comprendre pourquoi le tombeau de Jésus est vide. Elle aurait fait une bonne commissaire de police : avec insistance, elle enquête auprès des anges, auprès de celui qu’elle prend pour le jardinier. 

On repense à ces mots si beaux du poème d’amour du Cantique des cantiques : « J’ai cherché celui que mon cœur désire ; je l’ai cherché ; je ne l’ai pas trouvé. Ils m’ont trouvée, les gardes, eux qui tournent dans la ville : « Celui que mon cœur désire, l’auriez-vous vu ? » ; À peine les avais-je dépassés, j’ai trouvé celui que mon cœur désire : je l’ai saisi et ne le lâcherai pas » (Ct 3,3-4) 

Avec délicatesse, Jésus la rejoint dans sa tristesse et dans sa recherche ; sans doute Jésus est-il lui-même ému par les larmes et le désarroi de Marie-Madeleine qu’il a guérie : « Femme, pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ? ». Elle ne le reconnaît pas immédiatement, sans doute éblouie par la lumière trop intense de celui qu’elle contemple. 

C’est lorsque Jésus l’appelle par son nom que Marie reconnaît Jésus ; on imagine cet instant d’émotion intense lorsqu’elle comprend. Son cœur est enfin en paix.  

Ce que Jésus avait annoncé avant sa mort s’accomplit pour Marie-Madeleine et pour l’humanité : « Maintenant, vous êtes dans la peine, mais je vous reverrai, et votre cœur se réjouira ; et votre joie, personne ne vous l’enlèvera » (Jn 16,22). 

Son désir de retrouver le corps de Jésus est dépassé, rassasié en surabondance, au-delà de ses espoirs les plus fous :  alors qu’elle venait honorer un mort, elle comprend enfin les paroles de Jésus avant la Passion : il est ressuscité, il est le Vivant ! ; Dans un geste spontané, elle tend les mains vers Jésus. « Ne me retiens pas », lui dit Jésus (c’est ce qui a donné le titre aux peintures, en latin : « noli me tangere, ne me touche pas »). 

Elle croit pouvoir retenir Jésus, mais Jésus l’entraîne plus loin ; ce n’est pas une mise à distance, (ni un « geste barrière » !), mais un envoi en mission : il l’envoie vers ses frères en qui Jésus est présent : « Va trouver mes frères » (Jn 20,17). Elle est la première à annoncer le ressuscité. Elle a reconnu non sans difficultés celui qui l’a sauvée de son Mal ; elle nous réconforte nous qui avons, comme elle, tant de mal souvent à reconnaître la présence de Jésus dans nos vies de tous les jours. 

Réentendons la promesse de Jésus, ses derniers mots dans l’Evangile de Matthieu : « Je suis avec nous tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28, 20)

 

Lundi 5 avril

 

Chers frères et sœurs,  

Nous retrouvons dans l’Evangile de Matthieu les deux Marie de l’évangile de la résurrection de Marc ; les Evangiles évoquent souvent les femmes qui ont suivi Jésus en le servant depuis la Galilée. Et elles persévèrent jusqu’au bout, au pied de la croix et au tombeau. Comme si elles ne pouvaient pas se séparer de Jésus. Elles sont venues « contempler » le tombeau, dit l’Evangéliste (Mt 28,1), et parce qu’elles savent accueillir le mystère, leur cœur peut comprendre le message pascal. Et sur leur route de l’annonce elles vont croiser Jésus ressuscité. 

Malheureusement la lecture de ce jour nous prive de la première partie de cet Evangile de la résurrection (vous retrouverez cela en Mt 28,1-7). Comme hier, ces deux femmes viennent honorer Jésus.  Leur surprise est grande : Un ange a roulé la pierre du tombeau de Jésus ; il ne leur laisse pas le temps d’avoir peur. L’ange rassure les femmes qui viennent rendre hommage à Jésus mort ; il leur annonce la vie et les envoie aux disciples : « Allez vite » (Mt 28,7) ; les paroles de l’ange sont très convaincantes : Elles n’hésitent pas une seconde : « Vite, elles quittèrent le tombeau, remplies à la fois de crainte et d’une grande joie » (Mt 28,8). Là où les soldats qui gardaient le tombeau sont paralysés, comme « morts de crainte », celles-ci ont une crainte pleine de joie, parce que tout cela dépasse leurs espérances les plus secrètes et les plus folles. Leur crainte n’est pas de la peur, elle est de l’allégresse. Et celle-ci les met en mouvement sans attendre ; elle les fait courir pour partager cette joie. 

Elles partent donc au pas de course, ce sont des sportives, annoncer la nouvelle aux onze. C’est l’Eglise qui se met en route, les femmes sont les premières à accueillir la Vie, les premières à en à témoigner. Ce qui est extraordinaire dans le contexte de l’époque où le témoignage des femmes n’était pas reçu.  

Et au beau milieu de leur course effrénée pour annoncer l’heureuse nouvelle sans retard, elles croisent Jésus ressuscité qui vient à leur rencontre. Le salut que Jésus leur adresse est plein de joie (c’est le même salut que l’ange adresse à Marie lors de l’Annonciation) : « Réjouissez-vous » ; Le Christ se laisse voir et toucher dans son humanité. ; les femmes ne résistent pas à saisir les pieds transpercés de Jésus en signe de respect, peut-être aussi pour toucher et être sûres de la réalité de celui qui vient à elles. 

Jésus confirme le message de l’ange. Il y a beaucoup de tendresse lorsqu’il dit : « Allez annoncer à mes frères ». Quelle joie de nous entendre appeler par Jésus ressuscité comme ses frères ! 

C’est cette même joie qui déborde du cœur du psalmiste : « Tu m’apprends le chemin de la vie : devant ta face, débordement de joie ! « (Ps 15,11). 

Joyeuses fêtes de Pâques ! Nous avons huit jours pour nous souhaiter cela !